L’homme qui tua Don Quichotte : Terry Gilliam a vaincu !

L’homme qui tua Don Quichotte : Terry Gilliam a vaincu !

CRITIQUE FILM - Terry Gilliam a vaincu son film maudit sur Don Quichotte. Après une première tentative ratée, le réalisateur américain est remonté sur son cheval et tel Don Quichotte est allé jusqu’au bout de son rêve. Et c’est tout le thème du film.

Le réalisateur de Sacré Graal, de L’armée des douze singes, ou même de Las Vegas Parano, et la liste est longue, avait encore une montagne à gravir, encore un combat à mener, un rêve à réaliser : faire son film L'homme qui tua Don Quichotte. Tel ce chevalier un peu dingue, il y est parvenu et il a brillamment vaincu.

Cette œuvre ne parle pas exactement de Don Quichotte, elle parle du rapport d’un cinéaste avec ce personnage imaginaire. Ainsi, L’homme qui tua Don Quichotte suit un jeune réalisateur de pub, cynique et désabusé, qui se voit embarqué dans un tournage qui s’enlise dans la campagne espagnole. La proximité d’un petit village perdu va raviver ses souvenirs de jeunesse, lorsque plein de rêves, il tournait son film sur Don Quichotte. Ce parcours initiatique va l’amener à retrouver un vieux cordonnier qu’il avait choisi pour interpréter Don Quichotte, et qui aujourd’hui se prend vraiment pour lui. Mais aussi son actrice, à qui il avait fait croire en ses ambitions. Dès lors ce réalisateur va se retrouver face à une question primordiale : doit-il y croire de nouveau ?

Don Quichotte le film maudit, le poids du passé

Ce film de Terry Gilliam n’est pas anodin, ce n’est pas qu’une revanche, c’est aussi et surtout une proposition très personnelle. En effet, le réalisateur américain a un lourd passif avec ce chevalier déjanté. En 2000, il avait déjà essayé de faire son film sur Don Quichotte. Mais suite à de nombreuses déconvenues, le projet avait été enterré pendant le tournage. En 2002 Keith Fulton et Louis Pepe sortaient un excellent documentaire sur ce tournage, Lost in La ManchaCe film montrait parfaitement à quel point le réalisateur chevronné avait été maudit.

Tout ce qui pouvait advenir de pire à une équipe de cinéma et à une production était arrivé lors du tournage. Passage d’avions pendant les prises, complication de santé de Jean Rochefort, tornade, problème d’assurance et de financement et finalement Jean Rochefort qui dut quitter le projet la mort dans l’âme. Le film était maudit et Terry Gilliam n’était pas parvenue à aller jusqu’au bout. Ce long-métrage-ci est extrêmement marqué de cette histoire. Terry Gilliam ne fait pas seulement son film sur Don Quichotte, il réalise aussi son propre Lost in La ManchaLe parallèle avec ce documentaire est frappant et Terry Gilliam y donne sa version avec son style à lui. Ainsi, l’histoire du film est celle d’un réalisateur qui se débat dans un tournage mal embarqué tout comme il l’a vécu. Le premier assistant débordé est de nouveau là, tout comme les financiers qui mettent la pression. Et Toby, son personnage, ne cherche qu’une seule chose, fuir ce désastre annoncé.

Des symboliques qui disent tout

Dans L’homme qui tua Don Quichotte, Terry Gilliam parle de lui et livre sa vision du cinéma, celle de l’artiste. Son style sublime permet au spectateur de découvrir quelque chose de nouveau. Plus un film entre imaginaire et réalité, mais un making of entre imaginaire et réalité. La réussite est totale et extrêmement loufoque. Dès lors le spectateur déchiffre des éléments d’un vrai tournage se mélanger avec l’imagination du conteur d’histoire.

Ainsi, dès le début, le personnage de Toby se retrouve pris dans la réalité d’un échec qu’il voit venir. Une situation étouffante qui le pousse à fuir, et qui va le mener à retrouver le chemin de ses rêveries. Un premier symbole fort apparaît. Avant de faire face à son personnage énigmatique, Toby traverse une toile sur laquelle est projeté son premier film. Pareillement, l’élément déclencheur est la découverte d’un DVD de ce même film. Lorsqu’il retrouve son actrice, son premier amour, c’est au bord d’une source. Don Quichotte, que Toby pense fou, le prend pour son écuyer paysan qui ne comprend rien. Lorsque Toby trouve des pièces d’or et s’empresse de s’en emparer, il se rend compte de leur inutilité par la suite. Idem, le grand enchanteur, l’ennemi juré de Don Quichotte n’est autre que les financiers. Les géants représentent également le gigantisme de la tâche du héros. Et tout l’enjeu pour Toby est finalement de retrouver la flamme… Autre symbole fort.

Adam Driver, enfin un rôle à sa mesure

Adam Driver, qui aurait mieux fait de ne jamais enlever son masque dans la nouvelle trilogie Star Wars, a cette fois-ci la joie de travailler avec un auteur, un artiste qui a une patte. Dans L’homme qui tua Don Quichotte, Terry Gilliam lui offre un véritable rôle où il peut exprimer son talent. Et au final, le choix est réussi. Son personnage a une vraie gueule et un corps qui reflètent différentes choses selon les situations dans lesquelles son rôle se trouve. Il s’incarne aussi bien dans une droiture cynique que dans un burlesque loufoque où son corps se démantibule. Une belle performance d’acteur. Olga Kurylenko, quant à elle, s’avère non moins une trouvaille pleine de fraîcheur. Ainsi, elle personnifie parfaitement cette beauté naturelle que Toby a perdue au profil des vénus très superficielles et un peu vides qu’il rencontre désormais. Tout ce beau monde évolue joyeusement dans l’univers poétique du réalisateur très talentueux qu’est Terry Gilliam.

L’homme qui tua Don Quichotte est donc une œuvre très complète et riche. Terry Gilliam présente un film bien plus autobiographique que ce que le spectateur pourrait croire. Accompagné d’un très bon casting, il réussit dans son style unique avec une quantité incroyable de symboles qui prête à interprétation. Il a enfin réussi à briser le sort et à vaincre ses géants. Au plus grand plaisir des spectateurs.

 

L'homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam, en salle le 19 mai 2018. Ci-dessus la bande annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Terry Gilliam réussi enfin son Don Quichotte, un régal.

Bilan très positif

Note spectateur : Sois le premier