Désobéissance : Rachel Weisz et Rachel McAdams sublimes chez Sebastián Lelio

Désobéissance : Rachel Weisz et Rachel McAdams sublimes chez Sebastián Lelio

CRITIQUE FILM - Après avoir remporté l’Oscar du meilleur film étranger il y a quelques mois avec « Une femme fantastique », le cinéaste chilien Sebastián Lelio revient sur nos écrans avec « Désobéissance » qui met en scène une romance interdite entre deux femmes campées par Rachel McAdams et Rachel Weisz. Adapté du roman éponyme de Naomi Alderman, ce long-métrage bouleverse par sa puissance émotionnelle rare et par l’interprétation bluffante de ses deux héroïnes.

Sur nos écrans ce mercredi 13 juin, Désobéissance est le premier film de Sebastián Lelio tourné en langue anglaise. Après Gloria en 2013 et Une femme fantastique l’année dernière, le réalisateur chilien met de nouveau en avant des personnages féminins magnifiques, pris dans un entre-deux, entre désir de liberté et pression de la société.

En partant vivre à Manhattan pour devenir photographe, Ronit Khruska (Rachel Weisz) a pris ses distances avec la communauté juive orthodoxe londonienne dans laquelle elle a grandi. Mais quand elle apprend la mort de son père, rabbin, elle décide de rentrer chez elle pour assister aux obsèques. Ronit doit affronter l’hostilité des membres de sa communauté à l’exception de son ami d’enfance Dovid, qui semble heureux de la revoir. Mais elle est surtout bouleversée d’apprendre qu’Esti (Rachel McAdams), dont elle était autrefois secrètement amoureuse, est devenue l’épouse de Dovid. Les retrouvailles entre les deux femmes font renaître une passion qui ne s’est jamais vraiment éteinte…

Entre-deux

Sebastián Lelio aime filmer et sublimer les personnages flottant dans un entre-deux. Entre deux genres dans Une femme fantastique, où la magnifique Marina se bat pour trouver sa place dans une société qui n’accepte pas son identité de femme transgenre, entre deux temps dans Gloria où les personnages sont coincés entre le passé et le présent. Dans Désobéissance, les protagonistes flottent entre deux désirs : celui du corps, animal, primaire, qui ne connaît pas la morale, et celui de l’esprit, de la conscience, régi par la société.

Comme dans le roman, l’histoire se situe au sein de la communauté ultra conservatrice des juifs orthodoxes de Londres dans laquelle les désirs sont cadenassés par la religion, et donc forcément propices aux amours interdits comme ceux entre deux femmes. Mais Lelio va plus loin que la simple romance maudite en écrivant deux personnages féminins complexes, qui symbolisent à eux-deux toute la profondeur et la beauté de ce qui définit un être humain. Ronit et Esti aspirent comme toute personne à la plénitude : la première a choisi de fuir de sa communauté en suivant son désir de liberté, la deuxième a préféré rester et épouser les dogmes de sa religion. Mais ni l’une ni l’autre n’a accédé au bonheur. Elles semblent toutes les deux flotter dans une existence qui ne leur appartient pas après avoir choisi de fuir leur véritable identité, incompatible avec leur religion.

Comme dans Une femme fantastique, le deuil d’un proche est l’élément déclencheur de la crise traversée par les personnages. Cette fois il ne s’agit pas de l’amant mais du père, biologique et spirituel, qui réunit à nouveau Ronit et Esti, lui-même qui les avait séparées à l'adolescence après avoir découvert leur liaison. L’ombre du disparu semble d’ailleurs constamment flotter dans leurs instants suspendus d’intimité, comme si le guide spirituel les surveillait aussi de l’au-delà, présent lui aussi dans un entre-deux symbolisé par la vie et la mort.

Liberté

Lelio a choisi d’ouvrir et de clôturer son film sur deux discours religieux qui évoquent la liberté de l’Homme et ses choix. Pour autant, chez lui, la liberté ne s’acquiert pas sans souffrance. Ronit croyait être libre en s’émancipant et en menant une vie d’artiste de l’autre côté de l’Atlantique, et pourtant elle souffrait d’être loin des siens et ne trouvait qu’un semblant de réconfort dans les bras d’inconnus. Esti a choisi de renoncer à sa liberté en épousant un homme religieux, avec l’espoir de trouver une tranquillité d’esprit. Dans les deux cas, elles ont payé le prix fort. La liberté d’être elles-mêmes n’existe, paradoxalement, que lorsqu’elles s’appartiennent. Elle est d’ailleurs symbolisée par une sublime scène d’amour, dans laquelle pour la première fois, le corps prend le dessus sur l’esprit, et devient animal, viscéral. Pour autant, Lelio reste toujours à distance de ses personnages et les filme avec beaucoup de pudeur, en préférant les visages aux corps dénudés, sans pour autant en enlever l’érotisme. On sort de cette scène en soupirant, comme les héroïnes, après avoir eu le souffle coupé par cette montée en tension échafaudée d'une main de maître par le réalisateur. Après avoir libéré les corps, ce sont les esprits qui reprennent le dessus, et une question demeure : quel choix faire pour le futur ? La conclusion en agacera sûrement certains, mais en y réfléchissant elle est à l'image du film : subtile et poignante.

 

 

Désobéissance de Sebastian Lelio en salles le 13 juin 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Avec Désobéissance, Sebastian Lelio a une nouvelle fois démontré son immense talent à écrire et filmer des personnages féminins complexes et subtils qui parviennent à symboliser en un film toute la difficulté de l’Homme à accéder à la liberté et au bonheur. Un must-see

Premier de la classe

Note spectateur : Sois le premier