Love, Simon : la génération 2.0 a sa romance gay

Love, Simon : la génération 2.0 a sa romance gay

CRITIQUE FILM - Adaptation du roman Moi, Simon, 16 ans, Homo Sapiens écrit par Becky Albertalli, "Love, Simon" emprunte malheureusement un chemin trop balisé pour nous séduire.

"Je suis comme toi", c’est sur cette réplique prononcée en voix-off par Simon que s’ouvre le film. Une constatation adressée aux spectateurs autant qu’aux teen movies qui ont précédé ce Love, Simon. On pénètre en terrain totalement connu. Les quartiers américains lumineux, les familles unies avec leurs soirées télévision, le lycée et ses potins. L’environnement décrit a déjà été exploité depuis la nuit des temps dans l’histoire du cinéma US. Love, Simon ne cherche à déstabiliser personne de prime abord, se positionnant comme un petit cousin appliqué qui récite une recette ayant fait ses preuves. 

À l’image de la vie du jeune Simon, ce film pourrait être "parfaitement normal" s’il n’y avait pas un élément qui allait en faire sa singularité : Simon est gay. N’ayant jamais eu le courage de faire son coming-out auprès de ses proches, il va trouver en la personne de Blue, un énigmatique lycéen anonyme surgissant sur le blog de l’établissement, une oreille pour se confier sur ce secret. Sauf que ce secret ne va pas le rester longtemps. Un autre élève va le découvrir et faire chanter le principal intéressé.

Trop classique pour pleinement convaincre

En cherchant à faire un teen-movie classique de chez classique, Greg Berlanti réussit autant son coup qu’il s’en impose d'imposantes limites. Son cheminement convenu nous fait passer par des lieux communs, dont certains résonnent comme des caricatures de motifs imposés afin de ne pas trop s’éloigner de la norme : la scène chantée n’a aucun intérêt, la pièce de théâtre n’apporte rien.

On comprend comment le projet a été pensé et derrière quelle norme il court. L’envie est d’offrir à une communauté LGBT souvent négligée par le cinéma, un long-métrage dans la plus pure tradition du genre, en s’ancrant pleinement dans notre époque. Celle de la génération 2.0. Celle qui parle de Game of Thrones, qui fait référence à Harry Potter. La démarche est salutaire. On ne peut pas, sur le fond, reprocher à un film de vouloir abolir les barrières en refusant de capitaliser sur l’étiquette "gay". Le résultat est paradoxal à aborder au moment de s’essayer à l’exercice de la critique. Parce que si tout est bien à sa place, le long-métrage se montre décevant dans son contenu de par sa note d’intention.

À force de fuir le pas de côté, Love, Simon n’offre pas grand-chose à se mettre sous la dent, ne serait-ce qu'en terme de mise en scène. Pas de réelles idées dans le découpage, l'ensemble est emballé ordinairement, juste relevé par une bande-son choisie avec bon goût. Pire, le film patine au moment d’aborder les questions épineuses. Comme dans cette scène où Simon discute avec sa mère, suite à son coming-out.

Les dialogues sont emphatiques, à l’américaine, soulignés par une petite musique. On est à des années-lumière de la finesse d’un Call Me By Your Name sur un sujet similaire - les premiers émois amoureux complexifiés par un désir homosexuel. On trouvera ce que l’on peut d’intérêt dans les personnages principaux et en particulier Simon. Nick Robinson s’en sort merveilleusement bien, avec sensibilité. L’alchimie passe bien avec ses compères Katherine Langford, Alexandra Shipp et Jorge Lendeborg Jr. Ils forment un groupe dans lequel chacun est attachant à sa manière.

Il faut voir en Love, Simon le début de quelque chose, d’une évolution positive du cinéma grand public. A l’heure où on bride les personnages homosexuels dans les blockbusters (Dumbledore dans Les Animaux Fantastiques : Les Crimes de Grindelwald, Zia Rodriguez dans Jurassic World : Fallen Kingdom), la Fox n'a pas peur de produire un film montrant une romance gay, comme elle l’aurait simplement fait avec des hétérosexuels. Pas que, le film n'a pas peur d'afficher une diversité ethnique à l'écran avec des rôles donnés à des personnages de couleur. Comme un noir homosexuel, ou un autre à la fois noir et juif.

Ce n'est pas grand chose dans le cadre du scénario et pourtant si important dans le contexte actuel. Il faudra visiblement se repencher sur son cas dans quelques années pour constater, on l’espère, que les mentalités auront progressé et permettront de proposer la même chose, en mieux. La sortie de Love, Simon pourra être marquée d’une pierre blanche, symbole d'un début de changement dans l'industrie. Ses défauts passeront derrière son importance historique. Cela, hélas, il faudra des années pour s’en rendre compte.

 

Love, Simon de Greg Berlanti, en salle le 27 juin 2018. Ci-dessus la bande annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Toutes ses bonnes intentions n'élèvent pas "Love, Simon" au-delà de la masse des teen movies américains.

PEUT MIEUX FAIRE

Note spectateur : Sois le premier