Les aventures de Spirou et Fantasio : mais qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?

Les aventures de Spirou et Fantasio : mais qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?

Pourquoi tant de haine contre le spectateur ? "Les aventures de Spirou et Fantasio" est un accident industriel dans toute sa splendeur, un châtiment que personne ne mérite – surtout pas les amateurs de la bande dessinée que le film est supposé représenter !

Connaissez-vous, disons, correctement, la bande dessinée Spirou et Fantasio ? Ça tombe peut-être bien, il semblerait que le réalisateur Alexandre Coffre non plus ! En adaptant les péripéties du célèbre groom écarlate sur grand écran, le cinéaste s’aventure dans une suite de situations ubuesques mais aussi – et surtout – embarrassantes au possible. Dénaturant, par la même occasion, la bande dessinée sur laquelle il est théoriquement censé se reposer. Que les fans de la première heure s’écartent volontiers de ce blasphème, sous réserve d’hurler au sacrilège dès le lancement du générique d’ouverture. On vous aura prévenu.

Un pitch qui laisse sans voix

Le pitch ? Spirou (Thomas Solivérès) est un petit chenapan (hommage au vocabulaire des vétérans), pickpocket à ses heures perdues. Sa méthode ? Se faire passer pour un groom dans des palaces luxueux pour dépouiller les riches clients qui y séjournent. Sauf qu’un jour, il tombe sur le mauvais hôtel : il y rencontre tour à tour le vaniteux Fantasio (Alex Lutz), reporter avide de scoops, puis le Comte de Champignac (Christian Clavier en roue libre), fantasque inventeur dont l’intelligence n’égale que l’excentricité.

Ce dernier se fait enlever par les hommes de main du terrible Zorglub (costumé Ramzy Bedia), son ex-apprenti bien décidé à user de ses recettes secrètes pour gouverner le monde (originalité, quand tu nous tiens). Convaincu que les créations de l’inventeur le mèneront tout droit vers la fortune, Spirou se lance à son secours, épaulé par Fantasio et Seccotine (Géraldine Nakache), sa grande rivale dans le monde impitoyable du journalisme. Une course-poursuite en Europe et Afrique qui ne manquera pas de vous donner la nausée, que vous soyez ou pas sujet au mal du pays.

Grotesque de bout en bout

Par où commencer ? Le scénario, sans queue ni tête, dont on devine déjà la conclusion avant même qu’il ne débute ? Ne soyons pas trop sévères : après tout, il ne s’agit que d’un film grand public plutôt pour les enfants (à défaut d’être bon enfant). Non, le mal est ailleurs. Plutôt dans le développement des personnages, réduit au possible. Que les protagonistes ne ressemblent en rien à leurs avatars de papier est une chose. Après tout, une bonne adaptation se voit toujours affublée d’une ou deux infidélités à son matériau d’origine.

Spirou et Fantasio. Sony Pictures Releasing France

Mais ici, on frôle le grotesque de bout en bout. Spirou est un pickpocket sans foi ni loi qui, bien sûr, gagnera en (insipide) moralité à l’approche de la fin de ses péripéties. Un personnage qui n’existe que par cette simple caractéristique de voleur, sans saveur, à mille lieues de la bravoure de son double de bande dessinée, censé égaler le reporter Tintin en terme d’esprit aventurier. Un comble !

Des personnages creux et caricaturaux

Même chose pour les autres "héros", tous caricaturaux à l’extrême. Fantasio est égoïste, stupide, cupide. Si son attachement pour Spirou, son comparse d’infortune et sa collègue/concurrente/amante Seccotine le rend parfois sympathique, il suffit d'une de ses nombreuses saillies d’homme souffrant d’un sévère complexe d’infériorité pour nous rappeler à la cruelle réalité. Et cela quand il ne nous inflige pas un gag scatophile du plus mauvais effet – même si, la projection presse nous l’a (hélas) prouvé, prononcer le mot "caca" fait toujours son petit effet sur les juniors.

Christian Clavier dans "Spirou et Fantasio". Sony Pictures Releasing France

Le Comte de Champignac, lui, n’est qu’une suite de fantaisies qui, si elles étaient plus mesurées, auraient pu se montrer salvatrices. Ici, elles ne font qu’alourdir le récit. Que dire de Zorglub, Némésis discount supposé faire bidonner nos chérubins par ses pitreries ? Non, pas besoin de tergiverser davantage : pas un seul personnage ne sauve le reste de cette maudite galerie, tout juste bonne, à l’instar du scénario du film, à être jetée dans les limbes de l’histoire cinématographique.

Que peut-on sauver ?

Vint (enfin) la fin de cette critique qui peut paraître bien à charge pour les uns, voire même aussi pour les autres. Ce n’est pas totalement faux : sans doute votre fidèle serviteur souhaitait, a fortiori, faire payer au film l’heure trente de sévices imposées. Voilà pourquoi il lui faut aussi se faire l’avocate du diable.

Visuel de "Spirou et Fantasio". Sony Pictures Releasing France

Oui, Spirou n’a jamais été aussi populaire que ses petits compagnons de planches comme Astérix ou Lucky Luck. Oui encore, transposer une bande dessinée au cinéma n’a jamais été bête comme chou, bien au contraire. C’est un véritable challenge, que le défi soit relevé avec brio ou non et Spirou et Fantasio n’est ni le premier ni le dernier à se casser les dents sur l’exercice. Oui toujours, le film sort à un moment particulier, manifestement néfaste pour sa santé car ô combien béni des cinéphiles. Entre Moi, Tonya et La forme de l’eau, cette "petite" déclinaison d’une œuvre peu ou prou connue du grand public n’a que peu de chance de cartonner. Au final, pas plus mal : ça fera moins de spectateurs à consoler en hôpital psychiatrique. Oui on sait, on avait promis de finir sur une note baignée de bienveillance et de gentillesse. Que voulez-vous : chassez le naturel…

Les aventures de Spirou et Fantasio d'Alexandre Coffre, en salle le 21 février 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Une infamie. L'auteure de ces lignes en perd ses mots... Et cherche à comprendre pourquoi et comment pareille erreur (euphémisme) a pu être commise.

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Note spectateur : Sois le premier