Last Night in Soho : Edgar Wright et les fantômes des 60’s

Last Night in Soho : Edgar Wright et les fantômes des 60’s

CRITIQUE / AVIS FILM - Edgar Wright est de retour avec l'étonnant "Last Night in Soho" porté par Thomasin McKenzie et Anya Taylor-Joy. Un thriller d'épouvante, entre rêve et réalité, qui déconstruit la nostalgie des années 1960.

Changement de genre pour Edgar Wright

Jusqu’à présent, Edgar Wright était plutôt associé au genre de la comédie. Que ce soit en jouant avec les codes du film de zombies (Shaun of the Dead, 2004) ou des films policiers (Hot Fuzz, 2007) ou encore la science-fiction (Le Dernier Pub avant la fin du monde, 2013), la comédie a toujours été dominante dans son cinéma. Il en était de même avec le génial Scott Pilgrim (2010), qui mêle culture des comics et des jeux vidéo, et en partie avec Baby Driver (2017), inspiré notamment par Driver (1978) de Walter Hill.

Pour autant, déjà avec ce précédent long-métrage de fiction (son documentaire The Sparks Brothers est sorti en 2021), le réalisateur mettait en scène une violence plus sérieuse, aux conséquences tragiques. Avec Last Night in Soho, un thriller fantastique, Edgar Wright va encore plus loin. Il réalise ici son film le plus sombre, mais également le plus politique.

Last Night in Soho
Eloise (Thomasin McKenzie) - Last Night in Soho ©Universal Pictures International France

Les 60’s à l’ho(rr)eur

Pourtant, en ouvrant son film par une belle scène de danse où Thomasin McKenzie, dans une robe faite de journaux, se la joue Audrey Hepburn en s’imaginant en grande styliste de mode, Edgar Wright semble poursuivre dans la légèreté qu’on lui connaît. Une séquence d’une grande maîtrise, avec un sens du cadre et du rythme comme toujours parfait. Le tout porté par la jeune comédienne néo-zélandaise, qui excelle du début à la fin.

Elle interprète Eloise, une jeune fille de la campagne acceptée dans une école de mode de Londres. La voilà qui embarque pour la capitale avec la tête pleine de rêves et de fantasmes des années 1960 dont elle a été nourrie par sa grand-mère (via la musique et la mode). Et si elle peine à s’acclimater à la vie d’étudiante dans cette grande ville, la nuit, dans son lit, elle trouve une échappatoire en rêvant des années 1960 et de Sandie (Anya Taylor-Joy), une blonde sublime et charismatique qui souhaite percer dans le music-hall et devient aussitôt l’idole d’Eloise.

Last Night in Soho
Last Night in Soho ©Universal Pictures International France

Edgar Wright semble dans un premier temps vouloir rendre hommage à la mode pop des 60’s. La présence au casting de l’ex-Emma Peel de Chapeau melon et bottes de cuir, Diana Rigg, décédée le 10 septembre 2020 et dont Last Night in Soho fut le dernier film, n’est d’ailleurs pas anodine. Mais contrairement à d'autres qui se sont contentés d’observer le passé avec un regard nostalgique, le cinéaste britannique va en réalité déconstruire tous ces fantasmes et montrer une réalité moins séduisante.

Car passé une séquence remarquable, encore une fois de danse, où Thomasin McKenzie et Anya Taylor-Joy passent l’une après l’autre dans les bras de l’élégant Matt Smith, conclue par des effets de miroirs qui évoquent le Paprika (2006) de Satoshi Kon, le rêve se transforme en cauchemar. En effet, la vie idyllique de Sandie deviendra de plus en plus glauque et infernale. Et le simple fait de s’endormir provoquera la terreur d’Eloise – et la nôtre.

Last Night in Soho, le renouveau d’ Edgar Wright

Last Night in Soho bascule alors dans l’horreur fantastique. À la manière du giallo, avec une frontière mince entre le réel et l’imaginaire. Ne vous retournez pas (1973) est une référence annoncée d’Edgar Wright. Au même titre que Répulsion (1965) de Polanski. La tension devient permanente avec des apparitions de fantômes du passé de plus en plus fréquentes. Mais derrière ce film de genre proposé par Edgar Wright, il en ressort un discours féministe dans l’air du temps.

Dès l’arrivée d’Eloise à Londres, le réalisateur pointe le harcèlement de rue. Et avec Sandie, la violence subie par les femmes face à des hommes dominants. Sans oublier cette phrase prononcée par Diana Rigg : "des femmes sont mortes dans toutes les chambres de Londres". Une prise de partie intéressante jusque dans le dernier rebondissement du film.

Last Night in Soho
Last Night in Soho ©Universal Pictures International France

De cette manière, et accompagné de Krysty Wilson-Cairns au scénario, Edgar Wright parvient à se renouveler. Il est d’un côté fidèle à son cinéma, par la richesse de sa mise en scène et ses nombreuses trouvailles visuelles comme musicales - des Kinks à Dusty Springfield en passant par Cilla Black ou The Who. Et il propose en même temps quelque chose de très différent au sein de sa filmographie.

Moins énergique dans ses transitions et en laissant très peu de place à l’humour, il permet également à Thomasin McKenzie et Anya Taylor-Joy de s’installer entièrement dans le cadre. Les deux comédiennes, dans deux genres opposés, excellent et marquent les esprits (en partie par leurs voix). Elles amènent toutes les deux à ce film d’horreur une dimension psychologique nécessaire. Et sont deux choix parfaits d’Edgar Wright pour donner à Last Night in Soho une personnalité remarquée.

Last Night in Soho d'Edgar Wright, en salle le 27 octobre 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Edgar Wright se renouvelle parfaitement avec "Last Night in Soho" porté par une vraie qualité visuelle, une scénario sombre et deux interprètes parfaites.

Note spectateur : 4 (1 notes)