L'Enlèvement : le pape kidnappeur d'enfants vu par Marco Bellocchio

L'Enlèvement : le pape kidnappeur d'enfants vu par Marco Bellocchio

CRITIQUE / AVIS FILM - Avec "L'Enlèvement", Marco Bellocchio met en scène le kidnapping d'un enfant juif par l'Église catholique et son endoctrinement sous le règne du pape Pie IX.

L'incroyable récit de L'Enlèvement de Marco Bellocchio

Déjà dans son premier long-métrage, Les Poings dans les poches (1965), Marco Bellocchio laissait poindre des rapports compliqués avec l'Église et la religion. Cela s'accentua au fil des ans. Et alors que sa colère semblait s'être atténuée avec Fais de beaux rêves (2016), L'Enlèvement, son dernier film, montre que le maître italien a encore l'énergie de se révolter.

Le cinéaste s'attaque là à une histoire vraie, aussi passionnante que terrifiante. L'histoire d'Edgardo Mortara, un enfant juif de Bologne que l'Église enleva en 1858 lorsqu'il n'avait que six ans. Un acte totalement assumé par le pape Pie IX (1792-1878) et justifié du fait que le garçon aurait été baptisé sans que ses parents le sachent.

L'Enlèvement ©Ad Vitam
L'Enlèvement ©Ad Vitam

Dans la première scène du film, des soldats font irruption en pleine nuit chez la famille Mortara pour récupérer Edgardo et l'envoyer dans un couvent pour qu'il reçoive une éducation catholique. Marco Bellocchio rend la situation le plus terrible possible. Car tout se déroule "dans les règles", en suivant les ordres de l'Église.

Le cardinal de Bologne ira d'ailleurs faire preuve d'un semblant de pitié en accordant à la famille 24 heures supplémentaires avec Edgardo. Dès lors, Momolo et sa femme Marianna ne pourront que céder, mais feront tout leur possible pour retrouver leur enfant.

Une tragédie familiale avant tout

L'Enlèvement est un superbe drame familial, tout en étant une fresque historique remarquable. Car derrière ce kidnapping, c'est le sort de l'Italie qui se jouera - avec pour finalité le début de l'unification et la fin du pouvoir de l'Église. Mais avant cela, on assiste avec émotion à la bataille d'un père et d'une mère, dépassés par les enjeux. À l'image de cette séquence où Momolo, après la perte d'un procès, apprend de son avocat que, certes, son enfant ne lui sera pas rendu, mais que la simple tenue de ce procès marquera l'Histoire.

L'Enlèvement ©Ad Vitam
L'Enlèvement ©Ad Vitam

Pas de quoi apaiser l'homme, bouleversé. L'émotion est alors certaine tout au long de L'Enlèvement. Bien aidée par un casting solide sans être clinquant. Barbara Ronchi incarne la tragédie par son regard sombre de mère détruite, tandis que Fausto Russo Alesi émeut par son impuissance. Mais c'est surtout le jeune Enea Sala qui marque les esprits en incarnant Edgardo enfant. Son visage beau et innocent n'est pas sans rappeler Stefano Colagrande dans son unique rôle d'Andrea dans L'Incompris (1966) de Luigi Comencini.

L'Église malhonnête de Pie IX

En parallèle de cette famille qui se déchire, Marco Bellocchio dénonce l'endoctrinement de l'Église pour convertir un enfant juif au catholicisme. Le réalisateur n'hésite pas à montrer la fourberie et la malhonnêteté des prêtres, mais ne se limite pas qu'à une religion. Car en face, les membres du syndicat juif ne sont pas d'une grande aide et iront jusqu'à embrasser les pieds de Pie IX.

Ce dernier, incarné par Paolo Pierobon avec brio, dévoile un visage de diable et s'apparente davantage à un Parrain de la mafia ou à un tyran. La colère de Marco Bellocchio à son égard est puissante et sa réalisation à la hauteur de l'importance de ce récit. Le cinéaste italien, 83 ans, donne une nouvelle leçon avec ce film d'un autre temps.

L'Enlèvement de Marco Bellocchio, en salles le 1er novembre 2023. Le film était présenté en compétition officielle au 76e Festival de Cannes. Ainsi qu'au Festival de Deauville 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"L'Enlèvement" est un film remarquable de Marco Bellocchio. Tout en maîtrise, le réalisateur italien attaque l'Église en offrant un drame familial bouleversant et une fresque historique passionnante.

Note spectateur : Sois le premier