Ça - Notre avis sur le retour de Grippe-sou

Ça - Notre avis sur le retour de Grippe-sou

Le plus terrifiant des clowns réussit son retour dans le premier chapitre de "Ça", et redonne de la valeur au cinéma américain.

Cela faisait longtemps qu’un film de divertissement, qui plus est d’horreur, n’avait pas fait autant plaisir. Ça, nouvelle adaptation du roman de Stephen King, après un téléfilm en deux parties en 1990, arrive sur les écrans français porté par une sérieuse réputation. Sorti une semaine avant aux Etats-Unis, le film est déjà un immense succès au box-office et bien parti pour battre de nombreux records. Bien sûr, il est toujours important de se méfier de l’engouement populaire. D’autant plus à une époque où la majorité des blockbusters américains se suivent et se ressemblent - pour 2017, on aura encore eu une bonne dose de super-héros, du Transformers, du Pirates des Caraïbes et même une nouvelle Momie.

Ça aurait donc pu être un énième reboot/remake d’une œuvre préétabli. Et on admet avoir longtemps été sceptique à son sujet, craignant un film d’horreur réduit uniquement à son but premier, faire peur. Il en ressort en réalité ce qui se faisait de mieux en matière de divertissement jusqu’à la fin des années 1980. Un film sombre, visuellement beau et dont le fond évoque autant l’enfance que les troubles de la société.

Un divertissement pas dénué de fond

Ce fond, apparaissait bien sûr déjà dans le roman de Stephen King. Publié en 1986, il racontait l’histoire d’un groupe d’adultes marqués dans leur enfance par un effrayant clown. Un monstre apparaissant tous les vingt-sept ans pour enlever les enfants et les dévorer. Le roman alternait alors entre la jeunesse de Bill et ses amis en 1958, et leur vie d’adulte en 1985. Derrière l’aspect fantastique, Stephen King faisait là une métaphore des enlèvements et des actes de pédophilies apparus (ou du moins reconnus) dans les années 1980 aux Etats-Unis. Raison pour laquelle les héros adultes apparaissaient si traumatisés et dans l’incapacité de se reconstruire, après même avoir vaincu le monstre.

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Tandis que le téléfilm passait d’une époque à l’autre, le réalisateur argentin Andy Muschietti (dont c’est le deuxième film après le poétique Mama) a donc décidé de se concentrer sur la jeunesse des héros - les adultes devraient alors apparaître dans un second film. Le récit se passe désormais en 1989. On pourra toujours y voir une transposition permettant de faire se dérouler la suite à notre époque (vingt-sept ans après donc). Néanmoins, en plaçant l'histoire à la fin des années 1980, Muschietti adopte une esthétique et un style bien particuliers, donnant le sentiment d’une œuvre sortie tout droit de cette période. Seulement, contrairement à la série à succès Stranger Things - qui reprend notamment la patte Amblin, mais avec nostalgie, comme pour s’adjuger facilement les faveurs du spectateur - le cinéaste plonge son film dans un jusqu’au-boutisme honnête.

Ainsi, s’il rappelle indéniablement des films comme les Goonies (1985) et Stand by me (1986, d’après une nouvelle de ce même Stephen King), il ne le fait pas de manière gratuite pour titiller la sensibilité de son public. Au contraire, Muschietti traite avec sensibilité de l’enfance, de l’union d’un groupe d’amis, et même des premiers amours – on pense notamment à cette délicieuse scène où Beverly, unique fille du "gang des losers", bronze au soleil devant des garçons fascinés par sa beauté juvénile. Le réalisateur parvient alors à reproduire ce cinéma populaire américain présent jusqu’à la fin des années 1980, qui savait faire passer un message éducatif tout en restant divertissant.

Une peur omniprésente

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Qu’on se le dise, le divertissement, à savoir ici la capacité à effrayer, est bel et bien présent. Muschietti allant même plonger son film dans près d’une demi-heure de tension non-stop, tandis que les enfants font, tour à tour, la rencontre du clown Grippe-sou. De même que cette séquence d’introduction, qui voit Georgie, petit frère de Bill, croiser le chemin du monstre, se révèle d’une rare violence. Dès lors, chacune des apparitions de "Ça" donne la chair de poule, grâce notamment à l’excellente interprétation de Bill Skarsgard, qui donne une vision différente du personnage après celui que portait de manière très réaliste Tim Curry.

Seulement la peur reste une émotion subjective. Ce qui effraie certains, laissera de marbre les autres. C’est pourquoi le cinéma d’horreur ne doit pas s’en contenter et doit faire appel à des codes universels. Ainsi, au-delà de l’effroi provoqué par le monstre, le réalisateur inclut une forme d’inquiétude dans le quotidien même des enfants. Un danger qui provient du monde adulte, déficient à tous les niveaux. Quand il n’est pas absent, le parent se montre insensible (le père de Bill depuis la perte de Georgie), nocif (la mère étouffante de d’Eddie) ou encore profondément malsain (le père de Beverly).

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En insistant sur ces éléments, Andy Muschietti dévoile ainsi une société défaillante. Si la partie la plus dérangeante et délicate reste celle centrée sur Beverly (excellente Sophia Lillis, véritable découverte du film), la plus représentative des troubles de l’enfant viendra de la brute du lycée, dont le père, pourtant policier, apparaît comme la source de sa violence. Avec ce personnage annexe, le réalisateur évoque une société créatrice de sa propre monstruosité. Un discours de fond important et qui fait grandir le film jusqu’à l’excellence. Cette vision de la société n’est d’ailleurs pas sans rappeler le cinéma d’horreur des années 1970 et 1980, avec L’Exorciste (1973), Halloween (1978) ou Carrie (1976). Trois films autour desquels Ça gravite tout du long.

C’est finalement tel un It Follows (en plus grand public évidemment), qui se sublimait en invoquant l’esthétique de John Carpenter, que Ça parvient à maîtriser les codes d’un cinéma du passé, tout en adoptant une réalisation moderne – à base d’effets numériques utilisés avec parcimonie, et d’une créativité visuelle délectable. S’il fallait bien trouver quelque chose à y redire, il faudrait aller chercher du côté de la musique, trop présente, surtout lorsque l’image se suffit amplement. Reste à espérer qu’Hollywood s’en inspirera correctement, sans chercher à tirer profit du succès via des spin-off et autres, comme il en a malheureusement l’habitude.

 

Ça d'Andy Muschietti, en salle le 20 septembre 2017. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Terrifiant sur le fond comme sur la forme, Ça se révèle être un divertissement intelligent comme sorti tout droit des productions des années 1980.

Bilan très positif

Note spectateur : 2.5 (4 notes)