De Battre Mon Coeur S'est Arrêté : Romain Duris en interview

« C'est l'histoire d'un gars qui devient un homme… ». C'est ainsi que Romain Duris résume De Battre Mon Cœur S'est Arrêté, le nouveau film de Jacques Audiard qui offre à l'acteur fétiche de Cédric Klapisch un rôle poignant et difficile, celui de Tom, un jeune agent immobilier véreux qui décide de changer de vie et tout quitter pour le piano. La musique et le cinéma, deux passions de Romain qu'il avait déjà pu allier dans PAS SI GRAVE de Bernard Rapp où son personnage était trompettiste. « La musique est une vraie passion pour moi. Quand j'étais plus jeune, je jouais de la batterie dans un groupe avec des copains, juste en amateur, comme ça. Mais avec le temps, on s'est séparé… Vous savez, pour faire durer un groupe, c'est très difficile. Entre les membres qui partent et réussir à trouver son public, c'est vraiment très dur d'en vivre. Du coup, faute d'être musicien, je suis devenu acteur. C'est super de pouvoir allier les deux. La musique est une sorte de langage au cinéma, elle permet d'exprimer beaucoup de choses. »

Les connaissances musicales de Romain ne l'ont pas empêché de devoir répéter dur pour incarner ce rôle. Et c'est avec sa sœur, pianiste professionnelle, qu'il a appris le piano : « Nous avons répété longtemps avant le tournage avec ma sœur, Jacques et Alexandre Desplat. Nous avons notamment travailler ensemble pour le choix des morceaux. Il ne fallait pas qu'ils ne soient pas trop rapides afin que je puisse les jouer. »

Et si Romain Duris tenait tant à savoir jouer du piano, c'est qu'il voulait à tout prix pouvoir rentrer au maximum dans la peau de son personnage, Tom. Il faut dire que le film d'Audiard est inspiré de FINGERS, un film des années 70 avec Harvey Keitel… Interprétation dont Romain a dû se détacher, pour personnaliser la sienne. « Je n'avais pas vu Fingers avant qu'Audiard me propose ce rôle. Je l'ai bien sûr vu par la suite. Je pense que c'est un film imparfait, avec de très bonnes choses mais aussi des points moins réussis. C'est donc plus facile - et plus intéressant - de faire le remake d'un film qui a ses défauts. Cela permet de faire vraiment quelque chose de différent. Bien sûr, j'ai été marqué par certaines gestuelles d'Harvey Keitel, lorsque qu'il est seul devant le piano par exemple, mais j'ai tenu à m'en détacher. J'ai ainsi repris certains points, tout en m'appropriant totalement le personnage que j'ai travaillé à ma manière, avec mes mots. Une fois encore, je ne suis pas là pour copier… Et puis le film d'Audiard se passe dans un milieu et une époque différents de celui de James Toback. »

Plus qu'une bande originale, la musique est donc l'un des éléments moteurs du film. Du titre aux relations entre les personnages, elle est partout… « Le titre est extrait d'une chanson de Jacques Dutronc ("La fille du Père Noël", dont il nous lit quelques paroles dans le dossier de presse) : « De battre mon cœur s'est arrêté / Sur le lit j'ai jeté mon fouet / Tout contre elle je me suis penché / Et sa beauté m'a rendu muet… ». C'est beau non ? J'aime beaucoup ce titre, il est à la fois poétique et magique, mais il n'a pas de sens prédéfini. Chacun peut l'interpréter comme il le veut. Pour moi, il y a une très forte connotation musicale dans le mot battre… La musique est quelque chose qui bat, tout comme un cœur. La musique, la vie peuvent parfois être si magnifique que l'on a comme l'impression que notre cœur s'est arrêté de battre, comme ça, par tant de beauté réunie... »

Contrairement à Sur mes lèvres, les personnages de De Battre Mon Cœur S'est Arrêté parlent tous, mais ils ne se comprennent pas pour autant : « Bien sûr, il y a la barrière de la langue entre Tom et Miao Lin, mais l'on prend vite conscience que cette incompréhension, ce manque de dialogue touchent tous les personnages ; et c'est malheureusement la même chose dans la vie… Les gens parlent sans écouter, sans essayer de se comprendre les uns les autres. Le dialogue qui s'établit avec Miao Lin est beaucoup plus complet, plus intense que toutes les discussions des autres personnages. Ils établissent une sorte de langage fait de signes, de gestes… et se comprennent ainsi très bien. La langue n'est finalement pas si utile... Mais ce serait une question intéressante à poser à Audiard… »

Parmi les nombreux problèmes de communication entre les personnages du film, celui entre le père et le fils, et la toute la thématique liée à cette relation, est au centre de l'histoire. Pour Romain, il s'agit là d'un thème universel : « La vision de la relation père/fils dans ce film est universelle. Dans ce sens, elle peut toucher n'importe lequel d'entres nous, qui reconnaîtra forcément une part de sa vie dans cette relation entre Tom et son père. » Autres relations humaines autres problèmes : Tom et les femmes… L'occasion pour Romain Duris de redéfinir pour nous la passion et l'amour : « Il y a deux relations qui n'aboutissent pas dans le film, dont celle avec le personnage incarné par Aure Atika. Là, il s'agit vraiment d'une passion, de quelque chose de fort qui se déclenche du jour au lendemain, et qui se termine aussi vite. La passion est quelque chose de très différent de l'amour. L'amour, c'est sur la durée. Il correspond à la relation de Tom avec Miao Lin. »

La passion et l'amour sont deux thèmes que l'on retrouvera dès le 15 juin en salles, mais de façon beaucoup plus drôle et légère, avec Les Poupées Russes, où Romain reprend son rôle de Xavier, un trentenaire routard en quête du grand amour… Ce film marquera la cinquième collaboration entre le comédien et le réalisateur Cédric Klapisch. Alors, plutôt fidèle Romain ?
« J'aime travailler avec certains réalisateurs, c'est vrai, tout simplement parce qu'ils sont devenus des amis, des proches. C'est d'autant plus facile pour moi je connais très bien leur univers. Je sais que je peux m'y évader. Mais ce n'est pas uniquement une question de fidélité : si un jeune réalisateur me propose un rôle qui me plaît et que son univers, sa façon de travailler, de voir les choses, me plaît, je foncerais tête baissée. Même s'il me propose le rôle d'un jeune homme de 28 ans perdu entre son adolescence et le monde des adultes ! C'est le genre de personnages que j'ai toujours joué, peut-être parce qu'ils correspondent bien à ma personnalité… J'espère devenir un jour adulte pour découvrir de nouveaux horizons, mais pour l'instant cela me plaît et c'est là l'essentiel. »

C'est vrai qu'à plus de 30 ans, il serait peut-être temps de passer à autre chose, non ?
« Tant que l'on me propose des beaux rôles qui me plaisent, je ne vois pas de raison d'arrêter. Mais il est vrai que je n'ai peut-être pas assez de recul sur ma carrière, ni une vision plus globale comme vous des films que j'ai faits. Mais je pense que la trentaine est vraiment un âge clef, un passage important. Et je corresponds bien à la vision que les réalisateurs ont de ce moment-là de la vie. »

A propos de réalisateurs d'ailleurs, Romain a déjà tourné avec les plus grands de l'Hexagone : Audiard et Klapisch donc, mais aussi Jan Kounen, Tony Gatlif, Olivier Dahan, Charles de Meaux, Christophe Honoré, Benoît Jacquot, James Ivory ou Bernard Rapp… Il a pourtant quelques autres grands noms dans la tête… De futures collaborations en perspective ? « Il y a trois ans, j'aurais répondu que j'aimerais beaucoup tourner avec Audiard et Pialat. Aujourd'hui, Maurice Pialat n'est malheureusement plus là, et j'ai eu la chance de croiser Jacques Audiard... Je vais vous dire - et ce n'est pas parce qu'il a eu les César - mais j'aimerais vraiment travailler avec Abdellatif Kechiche. J'avais beaucoup aimé LA FAUTE A VOLTAIRE. C'est un réalisateur qui correspond vraiment à ce que j'aime et à ce que je recherche au cinéma. Ensuite, il y a beaucoup d'autres grands cinéastes français que j'admire énormément comme Patrice Chéreau par exemple, mais je ne sais pas si je corresponds vraiment à leur univers… »

Et si Romain nous confie pour finir qu'on ne le verra pas de sitôt passer derrière la caméra, on risque fort de le retrouver très bientôt à l'affiche de nouveaux films français tout aussi forts et réussis que celui de Jacques Audiard…

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Propos recueillis par Amélie Chauvet et Aurélie Maulard (Paris, février 2005)