Hier, Daphne et Confident Royal nous ont fait passer d’agréables moments aux goûts mi-mélancoliques, mi-poétiques dotés d’une pointe d’humour et de bonne humeur. Aujourd’hui, vendredi 29 septembre, le programme de Comme au Cinéma au Festival du Film Britannique de Dinard était plus chargé. Sur l’agenda, quatre films étaient notés. Il est temps de vous faire revivre cette journée au bord de l’eau, ponctuée de projections.
10h00. Ce matin, Pili est projeté dans deux salles de Dinard. Le début de la séance est à 11h mais les spectateurs s’entassent dehors ; à l’intérieur, les sièges sont presque déjà tous occupés. Autant dire qu’il fallait arriver en avance ce matin pour voir ce long métrage de Leanne Welham. Après avoir patienté quelques minutes sous le soleil matinal qui permettait de se promener en simple t-shirt, nous voici dans la salle, prêts à dévorer notre premier film de la journée : Pili. Puisqu’il est en compétition, le Jury est là. Comme toujours, il est applaudi par le public quand il entre en salle. La soirée d’hier a dû être rude. Clémence Poésy arrive café à la main, tandis que d’autres préfèrent cacher les cernes d’une nuit arrosée par des lunettes de soleil. La lumière se réduit, le projecteur se met à tourner pour la première fois de la journée.
Pili, c’est le prénom d’une femme tanzanienne qui souhaite acheter un petit local pour y vendre des produits de beauté. À l’heure actuelle, elle travaille dans les champs et elle rêve d’autre chose que ce dur labeur. Pour changer son destin, elle va devoir trouver une solution à ses soucis financiers. À travers cette problématique, le long métrage va tisser un nœud d’embûches éprouvant pour la jeune femme, mais captivant pour le spectateur. L’enjeu de ce film réside dans les décisions et dans le parcours que Pili va prendre pour résoudre ses multiples ennuis. Comme le précise Leanne Welham au début de la séance, les actrices du film (puisqu’on y voit principalement que des femmes) ne sont pas professionnelles. Le résultat est d’autant plus authentique et crédible.
La journée continue avec Jawbone en présence du producteur Michael Elliot, l’acteur Michael Smiley et le comédien principal également scénariste Johnny Harris ! Celui-ci, avec Thomas Napper à la réalisation, nous propose un long métrage retraçant le parcours d’un ancien boxeur désormais à la dérive. A priori, le sujet n’est pas très innovant et le cadre sportif l’est encore moins. Mais Jawbone se différencie des dizaines de films sur la boxe et sur la descente aux enfers d’un athlète par une réalisation qui place le spectateur à une distance très intime du personnage principal. Avec ce dernier, le public partage sa souffrance et les dégâts de ses mauvaises addictions notamment celle à l’alcool. Contre la boisson, l’ancien sportif livre un véritable combat admirable. En France, cette réalisation n’a pas encore de distributeur et elle est déjà disponible sur Netflix UK. Le film va-t-il arriver sur le service français ? En tout cas, on recommande !
A l’approche du week-end, Dinard se remplit petit à petit. La fine pluie ne freine pas un cinéphile qui se respecte ! Mais les salles de cinéma ne s’agrandissent pas. Résultat, à 15h30, le file d’attente pour voir Mise à Mort du Cerf Sacré à 17h est déjà pleine à craquer. Une représentante du distributeur Haut et Court, société chargé de mettre à l’affiche le film dans les salles, introduit la séance en précisant qu’il a reçu le prix du meilleur scénario à Cannes et elle conclut sur un « Bonne séance, si j’ose dire .. ! » sous-entendant que nous allons traverser 2h d’épreuves. Cette œuvre raconte l’histoire d’un père de famille qui tisse un lien très étroit avec un jeune garçon. La place de celui-ci dans la famille de l’homme va prendre de plus en plus de place. Difficile de résumer cet OVNI sans trop en dire. Si Mother vous a laissé perturbé, alors Mise à Mort du Cerf Sacré du cinéaste Yórgos Lánthimos va vous rendre complètement fou. A la sortie de la projection, les réactions des spectateurs étaient clairement divisées en deux. Les mêmes spectateurs qui vantaient les mérites de The Lobster, film du même réalisateur, en début de séance lors de la conversation avec la représentante de Haut et Court sont ici consternés. « J’adore Colin Farrell, mais ça non. Un film pareil ? Non. Et vous me dites qu’il a eu le prix du meilleur scénario ? C’est une honte. » nous livre Laurie. Son mari rebondit : « Nous avons fait la queue une heure, finalement pour être pris pour des idiots …». Aïe, le public ne semble pas avoir apprécié. Mais la plus remontée des cinéphiles est Marie, très en colère : « J’ai détesté. C’est d’une facilité consternante. J’aurais préféré ne pas entrer dans cette salle. Yórgos Lánthimos doit absolument se faire interner ! Le personnage de Colin Farrell est un véritable monstre ! ». Clément, qui travaille dans un cinéma à 30 minutes de Dinard, tient quant à lui à défendre le film « C’est une sorte de comédie d’horreur absolument brillante. Barry Keoghan et Colin Farrell sont irréprochables. Je comprends que les gens ne puissent pas aimer. Et en tant que personne qui travaille dans le secteur de l’exploitation, je suis certain que le film aura du mal à se faire une place dans les salles. Mais il est absolument fascinant ! ». Océane, bretonne venue à Dinard pour le Festival est assez d’accord avec Clément. « Je me suis pris une claque monumentale. Bon, je n’ai qu’une envie : regarder une bonne comédie pour faire passer la pilule. Mais c’était une expérience cinématographique géniale ! ». On vous laisse vous faire une idée par vous-même à partir du 1e novembre prochain. Attendez vous à ce que ça passe, ou à ce que ça casse.
Mais Mise à mort du Cerf Sacré n’est pas le seul film de Dinard à être passé par le prestigieux Festival de Cannes. En compétition est présenté Une Prière avant l’Aube qui retrace l’instant de la vie du boxeur Billy Moore lorsqu’il était en prison en Thaïlande. Et quelle claque ! Cette réalisation de Jean-Stéphane Sauvaire s’impose comme le meilleur film en compétition de la sélection. Cependant, on peut d’ores et déjà parier qu’il n’obtiendra pas le prix du public, tant il est sévère et violent. Plongé dans l’horreur du milieu carcéral thaïlandais, nous suivons les sombres jours de Billy Moore qui essaie tant bien que mal de garder la tête hors de l’eau pour ne pas se laisser mourir. Un ancien boxeur n’encaisse finalement pas mieux les coups de la vie que les autres. L’acteur principal, Joe Cole, est parfait dans cette interprétation. Une Prière avant l’aube est composée d’une première partie ultra-violente, pour ensuite céder sa place à une seconde plus douce et plus réfléchie, à l’instar de l’évolution du protagoniste principal. Distribué par Wildbunch qui nous a servi récemment Grave sur un plateau d’argent, Une prière avant l’Aube sortira prochainement en France. A ne pas rater !
Pili et sa quête de bonheur, Jawbone et son boxeur détruit, Mise à mort du cerf sacré et son ambiance autant oppressante que déstabilisante et Une Prière avant l’Aube et son personnage torturé … Rude journée pour nos émotions, mais les longs métrages en compétition et les avant-premières ont toutes été de très belles surprises aujourd’hui, ce qui est loin d’être toujours le cas en festival. Ce samedi, il sera possible de voir en avant-première Final Portrait, Patrick’s Day, ou encore Une belle rencontre. Les deux hommagés Christopher Smith et Jim Broadbent iront à la rencontre du public pour deux séances exceptionnelles ! La journée se conclura par la cérémonie de clôture et donc, à la remise des prix aux gagnants du palmarès. Suspense … De notre côté, on commence à toucher du bois pour Une Prière avant l’Aube.
Estelle Lautrou (29 septembre 2017)