Impulsé par l'affaire Trayvon Martin, Fruitvale Station réalise un carton plein aux USA

Hasard du calendrier ou non, le lauréat du grand prix du jury au dernier festival de Sundance a investi les salles obscures américaines le week-end où l'acquittement de George Zimmerman a été prononcé par la Cour, jugement ayant provoqué la stupeur et la colère de la communauté afro-américaine.

Cet homme de 29 ans d'origine hispanique avait abattu lors d'une ronde en 2012 un jeune homme noir non armé qu'il soupçonnait de malveillance.
Cette affaire rebaptisée "The Trayvon Martin Case" avait rapidement fait grand bruit aux Etats-Unis en raison du caractère racial qu'elle revêtait, relançant au passage le débat sur le droit inaliénable du port d'arme.

Remis en liberté juste après le meurtre, le suspect estimait avoir agi en état de légitime défense. Mais l'affaire a pris une tournure historique quand le président des Etats-Unis, Barack Obama, a exprimé sa plus vive émotion sur le sujet, en déclarant : " Si j'avais un fils, il ressemblerait à Trayvon. "

Si Fruitvale Station ne s'inspire pas directement de ce fait-divers mais d'un fait semblable survenu en 2009, impossible - actualité oblige - de ne pas faire lien entre le sort tragique de Trayvon Martin, 17 ans, et celui d'Oscar Grant, 22 ans abattu par un officier de police dont le film se fait ici le récit.

Fort d'un "heureux" timing, le premier long-métrage de Ryan Coogler, distribué par la Weinstein Company a engrangé pas moins de 377 285 dollars dès sa sortie vendredi dernier, réalisant une des meilleures performances "indé" du week-end aux Etats-Unis.

Bien qu'Erik Lomic, en charge de la distribution des films pour la société reconnaisse que Fruitvale Station ait pu profiter de cette coïncidence, le distributeur tient à imputer le grand succès du film à sa qualité : " Fruitvale Station est un anti pop-corn movie taillé pour l'été, c'est un film qui fait réfléchir et qui invite à l'introspection. Il tire d'une situation tragique un message d'une grande humanité. Nous ne pouvons qu'être fiers de ce film ". Concernant l'affaire Trayvon Martin, il ajoute : " c'est un fait-divers similaire qui s'est produit dans la sphère publique, nous n'avions pas prévu que cette affaire tombe en même temps. Je pense que Fruitvale Station délivre un message très important et nous voudrions qu'un maximum de personnes puissent voir ce film. "

Interrogé lui aussi sur l'affaire de 2012, le réalisateur a déclaré : " Il y a des millions d'Américains qui n'ont pas vu qui était vraiment Trayvon (Martin), pour eux, il n'était qu'un voyou qui a obtenu ce qu'il a mérité. Même s'il s'agissait d'un garçon de 17 ans qui n'avait encore jamais voté, il n'avait jamais été arrêté et ne détenait aucun casier judiciaire. Je me demande donc pourquoi les gens le perçoivent et le jugent comme ça. Nous le voyons et nous percevons autre chose. Nous le voyons et nous nous voyons en lui. "

Conforté par un accueil critique et public des plus favorables, le film de Ryan Coogler devrait suivre une trajectoire sans encombres dans les semaines qui viennent. Et avec les frères Weinstein aux manettes, difficile également de ne pas penser à une petite statuette dorée à la clef. To be continued…

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Mathilde Salmon (15 juillet 2013 avec Deadline)