Kumbh Mela : destins croisés au bord du Gange en liesse

Kumbh Mela : destins croisés au bord du Gange en liesse

Porté par la quête de spiritualité de millions de dévots s'immergeant dans le Gange lors du plus grand pèlerinage au monde, le cinéaste indien Pan Nalin signe avec Kumbh Mela - sur les rives du fleuve sacré, qui sort mercredi, un documentaire intimiste sur la foi et le destin.

Au coeur d'une marée humaine ivre d'allégresse et de bruit, où les femmes en saris côtoient des sadhous (sages hindous) nus et couverts de cendre, le réalisateur du film Samsara et du documentaire Ayurveda s'attache aux pas de personnages dont la vie semble tirée de contes sur l'Inde éternelle, où le karma continue de régner en maître malgré la modernité. La "Kumbh Mela", littéralement "fête de la cruche" en hindi, se déroule quatre fois tous les douze ans en plusieurs lieux saints, le point d'orgue se produisant à chaque fin de cycle lors de bains de masse dans le Gange. Selon la tradition, celui qui s'y baigne sera lavé de ses péchés et libéré du cycle des renaissances et réincarnations.

Les hindous se réfèrent à la mythologie selon laquelle des gouttes d'un nectar d'immortalité, que transportaient jadis dans une cruche les dieux lors d'un combat contre les démons, tombèrent en quatre lieux au bord du Gange, aujourd'hui saints. L'an dernier près d'Allahabad, dans le nord-est de l'Inde, de 70 à 100 millions de pèlerins ont afflué sur les rives du fleuve sacré au cours de 55 jours de célébrations, prières, offrandes, chants et bains dès le lever du soleil, un rassemblement spirituel sans équivalent sur terre qu'a filmé Pan Nalin en plan serré, à fleur de peau.

Sélectionné l'an dernier au festival de Toronto et cette année à l'Indian Film Festival de Los Angeles et au festival du film de Sydney, Kumbh Mela - sur les rives du fleuve sacré filme un yogi et son "fils", garçonnet de deux ans abandonné à la naissance et qu'il a recueilli dans son abri de fortune, un fugueur de dix ans hésitant entre devenir gangster ou sadhou, une famille éplorée à la recherche de son fils de trois ans, perdu depuis dix jours dans la foule.

Magnétisme du Gange

Les larmes et les allusions aux viols, la fuite d'une vie misérable et sans avenir, la cruauté de l'existence quand on est gens de peu, Pan Nalin filme aussi l'envers d'une Inde chatoyante et spirituelle. La vie quotidienne au bord du Gange, gigantesque ville improvisée, reflète celle du pays tout entier et les scènes filmées - l'enfant fugueur qui sert le chaï (thé aux épices) aux policiers, la famille en quête du fils perdu peut-être aux mains de trafiquants d'organes - pourraient l'être dans n'importe quelle mégapole du pays. Mais le magnétisme du fleuve et la dévotion des millions de pèlerins, dont nombre de familles vivant sous le seuil de pauvreté, irradie sur l'ensemble du documentaire de près de deux heures.

Pétales de chrysanthèmes et de roses dans un bateau en papier flottant sur le fleuve, éléphant apprêté pour la fête et barrissant dans la nuit, chars illuminés avançant vers le Gange avec à sa proue des divinités bariolées et presque menaçantes, le spectacle est permanent, éblouissant, enivrant. "Qu'est-ce qu'il adviendrait si la foi devait déserter l'humanité ? Que deviendrait-on si nous devions perdre notre capacité à croire ? Qu'est-ce qui nous porte ? (...) Est-ce vraiment Dieu ou est-ce la crainte de nos péchés, petits ou grands ? Ou est-ce simplement que l'humanité n'a pas d'autre choix que de croire ?" interroge Pan Nalin. "Au 21e siècle, nous avons maîtrisé les esprits, conquis les coeurs, créé l'illusion de ce que devraient être la liberté et le bonheur, et pourtant cette peur profonde continue à nous habiter. Suis-je ici parce que je crois en Dieu ou parce que j'ai perdu la foi en l'humanité?" poursuit-il.

Le cinéaste, dont le défi était "d'arriver à se sentir dans la peau" des personnages rencontrés sur place au hasard de ses déambulations, souligne l'intérêt du documentaire par rapport à la fiction: "il y a plein de surprises (...). Vous n'avez aucun contrôle, ni sur le désir ni sur les destins de vos personnages et vous n'avez aucun pouvoir sur l'intrigue".

(re)Découvrez la bande-annonce de Kumbh Mela - sur les rives du fleuve sacré :

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(29 Juillet 2014 - Relax News)