L'Inconnu du lac : désir, sexe et passion dangereuse vus par Guiraudie

L'Inconnu du lac : désir, sexe et passion dangereuse vus par Guiraudie

Des ébats homosexuels crus, une nature idyllique magnifiée et un climat de thriller angoissant: dans L'Inconnu du lac, en salles mercredi après avoir été remarqué à Cannes, Alain Guiraudie raconte une passion dangereuse entre hommes, tout en s'interrogeant sur la place du sexe dans nos sociétés.

Récompensé par le prix de la mise en scène dans la section "Un Certain Regard" au 66ème festival international du film de Cannes 2013, le film a également reçu la "Queer Palm", prix indépendant qui distingue un film des sélections du festival pour son traitement des questions homosexuelles.

Son action se déroule autour d'un lac, lieu de drague homosexuelle où les hommes se retrouvent dans les sous-bois. Franck (Pierre Deladonchamps) y rencontre Henri (Patrick d'Assumçao), un hétérosexuel bedonnant qui va devenir son ami, et Michel (Christophe Paou), un bel homme musclé dont il tombe amoureux et avec qui il va entamer une liaison, tout en sachant qu'il s'agit d'un personnage dangereux. Il décide de poursuivre cette aventure malgré tout.

Dans le microcosme de ce lieu unique de prime abord utopique, Alain Guiraudie raconte le désir, la passion et ses excès, en montrant de façon crue et explicite des scènes de sexe. Le film, interdit aux moins de 16 ans, et dont les plans de sexe non simulés ont été doublés, aborde frontalement l'amour physique gay. Mais il le fait avec une alternance de séquences de sexe et d'images de nature idyllique filmées avec lyrisme --soleil filtrant à travers les arbres, ciel bleu, eaux miroitantes et clapotis du lac-- et en s'inscrivant dans l'histoire d'une passion.

"Assignation à jouir"
"On a tendance à renvoyer ce qui est de l'ordre du sexe dans la pure pornographie. Et l'amour avec la grandeur des sentiments, on a tendance à le renvoyer dans un autre cinéma. J'avais envie de mélanger les deux", a expliqué à l'AFP Alain Guiraudie. Pour le réalisateur aveyronnais de Ce vieux rêve qui bouge, Pas de repos pour les braves ou Le Roi de l'évasion, il fallait "que tout ça s'accorde, que le sexe soit présent et qu'il soit beau".
Le cinéaste a aussi voulu donner une dimension politique au film, montrant des attitudes différentes vis-à-vis de la sexualité à travers les personnages : le frivole hédoniste qui va jusqu'au bout de son désir, le dragueur puissant consommateur de sexe et l'homme désabusé dépassé par le sujet. "Il y a de l'amour frivole, mais je voulais vraiment me confronter à ce qu'il est convenu d'appeler la passion, et surtout à ce que c'est que d'avoir quelqu'un dans la peau", souligne Alain Guiraudie. Mais, ajoute-t-il, "j'ai beaucoup conçu aussi ce film en termes politiques, comme un parcours collectif, presque social, qu'on aurait eu depuis la libération sexuelle". "On aboutit à une espèce d'assignation à jouir. Et la jouissance passe pour moi maintenant beaucoup par de la consommation", estime le réalisateur, qui dit avoir "construit le personnage de Michel en pensant à ces drôles d'évolutions".

Le film contient aussi une dimension burlesque quand il s'engage dans la voie d'une enquête policière avec un personnage d'inspecteur falot, à la fois décalé et inquiétant. "On a beaucoup travaillé le film sur le fil du rasoir comme ça, entre comédie et tragédie", explique Alain Guiraudie.

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(10 Juin 2013 - Relax News)