Quand Luc Besson se lâche sur Captain America

Quand Luc Besson se lâche sur Captain America

Luc Besson est en pleine tournée promotionnelle pour son dernier film Valérian et la Cité des Mille Planètes, et il a décidé de sortir l’artillerie lourde. Dans une interview donnée au site brésilien Cinepop, le réalisateur ne s’est pas montré très tendre envers les films de super-héros américains. Un en particulier est l’objet de sa critique : Captain America.

Il l’a déjà dit, Luc Besson n’est pas un grand fan de ce genre de films. Mais ce qui l’interpelle le plus, c’est qu’il voit dans Captain America une ode constante à la grandeur de l’Amérique.

Il a ainsi déclaré : « ce qui m’ennuie le plus, c’est que c’est toujours là pour montrer la suprématie américaine et combien ils sont les meilleurs. Quel pays aurait l’audace d’appeler un film « Capitaine Brésil » ou « Capitaine France » ? Personne. »

S’adressant à un média brésilien, donc en terre gentiment anti-américaine, il ne semble pas prendre trop de risques. Mais quelques secondes après, il lâche le mot problématique : « Je ne suis pas là pour faire de la propagande, je suis là pour raconter une histoire ».Cette petite phrase est lourde de sens. Il oppose en effet la pureté originelle du cinéma, et de l’art en général, qui est de raconter une histoire, à son instrumentalisation à des fins politiques.

Dit-il vrai ?

Il faudrait mettre en relation les billets vendus pour Captain America et l’enrôlement dans les armées américaines pour déclarer que Besson a tapé juste. Mais même sans ça, on peut avancer que le héros au bouclier étoilé est un modèle de patriotisme fervent, et que ses débuts dans l’armée dans le premier opus de la saga se font ainsi du côté de … la propagande. Obsédé par la défense des opprimés et de son pays, les Captain America sont effectivement des œuvres où les USA ont le beau rôle et finissent toujours par triompher du mal.

Et ce n’est pas propre au seul genre du film de super-héros. Des films tels que Top Gun, Il faut sauver le soldat Ryan, Lincoln, etc., n’y vont pas par quatre chemins pour vanter la nation la plus puissante du monde.

Pour en revenir aux super-héros, on est ainsi bien loin du The Dark Knight, le chevalier noir de Nolan, qui offrait une vision autrement plus critique et équilibrée de la société américaine et de sa conception du héros.
Cependant, il faut aussi noter que dans les Avengers où Captain America prend beaucoup d’importance, son patriotisme et sa rigueur morale sont parasités par la nonchalance et la certaine forme d’égoïsme d’Iron Man. Patriote oui, mais pas que…

Besson joue-t-il le mal-aimé ?

Valérian et la Cité des Mille Planètes aurait réussi aux USA, Besson se serait-il montré aussi acerbe ? On ne le saura jamais, mais il faut bien constater que le réalisateur français n’a que rarement bonne presse, ici ou outre-atlantique. Passés Le Grand Bleu, Nikita et Léon, qui l’avaient porté aux nues, il est aujourd’hui attendu avec scepticisme à chaque nouvelle production.

Oui, le casting de Valérian et la Cité des Mille Planètes était sans doute racoleur, le scénario simpliste et en conséquence les effets spéciaux s’en trouvaient désincarnés. Mais le film valait-il le pré-bashing qui a miné sa sortie sur les écrans ?

Boudé en France parce que trop « américain » et orienté vers des superproductions, et ignoré ailleurs parce que trop « français » dans son second degré et sa volonté universaliste ? La popularité controversée de Besson tient sans doute de cette difficulté à vouloir concilier plusieurs cultures de cinéma, frottant entre eux des codes qu’on pensait par paresse antagonistes. Ici on se souvient de l’immense et mérité succès mondial de Le Cinquième Elément, et on sait que Besson parviendra (enfin) à remettre tout le monde d’accord !

Marc-Aurèle Garreau (16 août 2017)