Qui n’a jamais entendu parler de Titanic, l’une des plus belles histoires d’amour jamais réalisées ainsi que l’un des plus grands succès jamais vus dans le monde du cinéma ? Cette oeuvre de James Cameron ne partait toutefois pas sous les meilleurs augures, considérée comme un désastre annoncé par les studios mêmes qui la produisaient. La productrice et ancienne présidente de Paramount Pictures Sherry Lansing s’est confiée à ce propos dans une biographie consacrée à son travail dans le monde du cinéma, ainsi qu’au magazine The Hollywood Reporter. Récit d’un désastre annoncé…
En 1996, Sherry Lansing était l’une des productrices les plus influentes d’Hollywood. À la recherche de projets d’envergure, cette femme d’ambition souhaitait porter un film qui possède autant de puissance émotionnelle que ce qu’elle avait déjà pu vivre dans sa vie. C’est cette année qu’elle a appris l’existence d’un projet des plus mystérieux, nouveau film du talentueux James Cameron qui avait déjà réalisé Abyss ou encore Terminator. Alors que le film faisait l’objet d’une surveillance accrue, ne laissant filtrer aucune information, pas même aux producteurs les plus influents de la Paramount, Sherry Lansing a réussi à se procurer le scénario de l’oeuvre. La productrice a dévoré ce texte et immédiatement compris à quel point ce projet était prometteur. Basée sur une histoire vraie, l’oeuvre mettait en scène un couple déchiré par les conventions sociales et pris au piège dans un drame hors-norme. Un fond historique sur lequel s’est développé une histoire d’amour intemporelle, rendant l’intrigue éternellement actuelle. De plus, le caractère féministe du personnage de Rose, femme indépendante et rebelle refusant la logique de classes pour suivre l’amour qu’elle a choisi, était également des plus intéressants.
Une première difficulté s’est toutefois placée sur le parcours de la productrice : James Cameron s’était déjà engagé avec la Fox pour réaliser ce projet. Selon les dires qui agitaient Hollywood, cet accord était mis en péril par le budget prévisionnel de l’oeuvre, et aurait nécessité une coproduction entre la Fox et Universal. Mais Universal a décidé d’abandonner le projet, ne le jugeant pas assez intéressant et porteur. Ce refus a permis à Lansing de donner l’assaut et de bombarder la Fox de propositions. Après des négociations particulièrement tendues, dues à un litige entre les deux studios concernant Braveheart, ceux-ci ont séparé le budget en deux payant 109 millions de dollars chacun. Alors que le tournage avançait à Mexico, où un navire avait été créé spécialement pour l’occasion, le budget montait en flèche. Cette augmentation permanente contribuait à la tension permanente sous-tendant chaque échange entre Paramount et la Fox mais également ceux entre les studios et le réalisateur James Cameron. Partie sur le terrain pour voir l’avancée du projet, Lansing a toutefois été en partie rassurée face à la précision et la beauté des décors qui étaient tout bonnement exceptionnelles. Malgré cette mince garantie, la productrice n’avait aucune idée de combien le budget final allait être ni quand le tournage allait finir…
En plus de ces difficultés budgétaires et relationnelles, plusieurs problèmes sont venus mettre à mal le tournage. Pour cause, le bateau a mis beaucoup plus de temps que prévu à être construit, le directeur de la photographie du film a été remplacé, plusieurs membres de l’équipe sont tombés malades, victimes d’une épidémie… De plus, le caractère « tyrannique » de James Cameron, du en partie à son exigence hors-normes, a fini par effrayer certains de ses plus prochains collaborateurs. Kate Winslet elle-même en avait témoigné au moment du tournage, « effrayée » par le réalisateur de Titanic et ses multiples sautes d’humeur. Il faut dire que la pression exercée par les studios sur le réalisateur était des plus intenses, mettant à mal les nerfs des différents partis engagés sur le projet. Une fois le tournage terminé, les coûts ont continué à s’accumuler, les studios ayant déjà une dette de 55 millions de dollars par rapport à leur budget prévisionnel. La bataille a ainsi continué entre Paramount et la Fox, mais également avec James Cameron, particulièrement exigeant quant à la campagne promotionnelle entourant la sortie de son film. De la date de sortie au choix de l’affiche, tout a été sujet à controverse dans ce projet.
Finalement, les tensions se sont quelques peu apaisées lorsque Lansing a pu visionner quelques scènes dans la résidence du réalisateur à Malibu. La productrice est alors séduite par ces images qui la laissent « sans voix ». Seule petite appréhension de sa part : la chanson « My Heart Will go on » de Céline Dion, jugée quelque peu… banale. Une adhésion globale toutefois, qui préfigure le succès prodigieux du film qui s’est hissé au premier rang du box office, cumulant 28,6 millions de dollars dès son premier week-end de sortie pour un total de 2,19 milliards de dollars au rang mondial. Contre toutes attentes, Titanic avait réalisé le meilleur box-office jamais enregistré, plus tard détrôné par un autre film, un certain Avatar réalisé par … James Cameron ! Nominé pour 14 Oscars, le film est reparti avec 11 statuettes et a résolument marqué les esprits.
Camille Muller (Le 25 avril 2017)