Dans la série " Une amie dévouée", Laure Calamy incarne une mythomane attachante malgré l’abjection de ses mensonges dans le contexte des événements post Bataclan.
Laure Calamy en mythomane du Bataclan
Nous nous rappelons tous où nous étions le soir du 13 novembre 2015. Au même titre que le 11 septembre 2001, le souvenir de cette date glace encore nos esprits meurtris. Le chaos des jours qui ont suivi avait très bien été décrit dans Novembre de Cédric Jimenez, au cœur de l’Anti-Terrorisme. Ou dans Revoir Paris d’Alice Winocour, sur les traces mémorielles d’une victime. Une amie dévouée s’inspire du livre « La mythomane du Bataclan » du journaliste Alexandre Kauffman et est réalisée par Just Philippot. La mini-série ambitieuse de quatre épisodes s’attache aux pas de Chris (Laure Calamy), sous le choc le soir des attentats.
Elle se pose très vite en sœur de douleur et se fait connaître sur les réseaux sociaux comme l'amie d’une victime. Dès lors, son empathie naturelle et son efficacité sont d’une grande aide auprès des victimes. Elle devient l’épaule qui soutient, celle à qui on se confie, à qui on fait confiance. Sa nouvelle utilité la sort provisoirement de ses galères, que ne supporte plus sa mère (Anne Benoît).
Fanny Burdino, Jean-Baptiste Delafon et Samuel Doux, scénaristes d'Une amie dévouée, entrent peu à peu dans le cerveau manipulateur de Chris. Ils analysent brillamment toutes les étapes psychologiques de la construction de sa mythomanie. Ses mensonges, dans lesquels elle se complait, se terre et s’enferre, se substituent ou s’agrègent les uns aux autres. Son seul but est de continuer à exister au sein de cette communauté, voire de devenir le pilier indispensable de l’association de victimes Stand for Paris.
Fausse victime, mais véritable caméléon
Chris se repaît de toutes les confidences recueillies, qu'elle vérifie, confronte et n’hésite pas à vampiriser. Personnage fascinant de mauvaise foi et sans vergogne, elle se nourrit de ses propres contradictions, avide de sa nouvelle toute-puissance. Lorsqu’un obstacle se dresse, elle n’hésite pas à s’excuser, à dégager en touche, à menacer. Lorsqu’une opportunité financière se présente, elle calcule et redouble de trouvailles pour en profiter.
Il y a chez Chris tant d’ingéniosité et de cœur que malgré la monstruosité de ses actions, le spectateur ne peut s’empêcher de l’aimer. Le scénario et le jeu de la comédienne plongent avec une implacable virtuosité le spectateur dans ce paradoxe, alors même qu’il est conscient du malaise qu’il ressent. Il sait pertinemment qu’elle ment, et pourtant il la suit jusqu’à son baroud d’honneur. Il sait qu’il devrait la détester pour le mal qu’elle fait, et pourtant, il est admiratif de tout le bien qu’elle prodigue.
Une spirale infernale
La série rappelle à bien des égards Un héros très discret de Jacques Audiard, dont le personnage s’était, lui aussi, inventé une vie admirable. L'époque confuse de la fin de la Seconde Guerre mondiale permettait aisément de tromper le monde. Il n’en est pas de même avec les réseaux sociaux qui, 70 ans plus tard, rendent les mensonges plus difficiles à tenir sur la longueur. La force de Une amie dévouée, c’est d'oser dérouler jusqu'au bout le fil de la spirale infernale des mensonges et de l’état d’hypervigilance de Chris. Tout en s'attachant aux ressentis et aux doutes des bénévoles de l’association, la série fait encore davantage osciller le spectateur entre empathie et dégoût.
Ainsi Léon (Arieh Worthalter), Emilie (Annabelle Lengronne) et Myriam (Ava Baya) se laisseront prendre aux conflits de loyauté et aux faux profils sur Facebook, alors qu’ils ont déjà tant à faire avec leur propre douleur. Une amie dévouée se révèle donc une série bouleversante, qui explore ce que la solitude désespérante et le besoin maladif de lumière font aux êtres.
Une amie dévouée, créée par Samuel Doux, Jean-Baptiste Delafon et Fanny Burdino, diffusée sur Max à partir du 11 octobre 2024. Ci-dessus la bande-annonce.