Les Pépites de Netflix : Annihilation d’Alex Garland

Les Pépites de Netflix : Annihilation d’Alex Garland

Si vous utilisez Netflix, vous êtes forcément confrontés à un problème récurrent : le trop plein de choix proposé par la plateforme et l’impossibilité de choisir quoi visionner. Face à cette situation on ne peut plus chronophage (car vous passez plus de temps à naviguer dans les propositions qu’à regarder quelque chose), nous avons décidé de vous donner un petit coup de pouce. Nous dénichons pour vous des pépites à visionner, qui ne disposent le plus souvent pas de publicité suffisante pour accrocher votre oeil et qu’il serait malheureux de rater.

Difficile d’aborder un film comme Annihilation tant ses thèmes sont vastes. Dernière réalisation d’Alex Garland, à qui l’on doit Ex_Machina, le film est depuis peu disponible sur Netflix. Un film tiré du roman éponyme de Jeff VanderMeer qui représente le nouvel épisode de notre rubrique Les Pépites de Netflix. Un titre que Annihilation mérite amplement !

C’est au cœur du « shimmer » que Annihilation tire toute sa force visuelle. Une zone dans laquelle la logique côtoie l’illogique, les sens sont troublés, où la menace rôde, invisible, indescriptible. Sorte de voyage suicide au centre d’une bulle de savon dont on ne sait rien, une équipe de scientifiques tente d'y trouver des réponses tout en sachant foncer vers une mort certaine. Une équipe dont les membres possèdent leurs propres motivations et feront face à leur manière aux nombreux mirages et dangers du « shimmer ». Mais le « shimmer », ce n’est pas que la menace. C’est aussi l’occasion pour Alex Garland d’une proposition visuelle incroyable, où les mutations génétiques justifient la création de créatures sublimes, d’une faune chatoyante. Dans cette zone, la nature reprend ses droits, évolue, se mue, répond à ses instincts...

Nombreux sont les thèmes explorés par Annihilation : la division cellulaire, le patrimoine génétique, l’immortalité même. Les clés sont toutes offertes aux spectateurs les plus attentifs qui trouveront dans de petits détails des pistes à explorer. Un plan précis, une ligne de dialogue, un élément visuel… C’est également à travers les flashbacks entre Lena (Natalie Portman) et son mari Kane (Oscar Isaac, déjà dirigé par Garland dans Ex_Machina) que le cinéaste étoffe son récit, offre de l’épaisseur à ses personnages et leurs quêtes auto-destructrice dans au coeur du « shimmer ». Car nul ne s’aventure là-bas par hasard. En plus d’un visuel extrêmement riche, Garland s’amuse à distordre ses personnages dans un choix esthétique troublant : à travers les vitres, les rideaux transparents… Plus rien ne semble réel, le corps se décompose et la substance qui nous compose s’altère.

Annihilation aurait pu baigner dans la prétention, se pavaner en n’offrant qu’un récit bourré de questionnements grotesques. Pourtant, il n’en est rien. Annihilation possède au contraire une multitude de pistes à explorer menant toujours vers une conclusion satisfaisante. Le film amène le débat, hante les esprits. C’est – au risque de le répéter une énième fois – les scènes au coeur du « shimmer » qui marquent irrémédiablement. Une fois le générique passée, le souffle repris après un final halluciné et éprouvant, que les passages les plus forts se rejouent encore et encore dans la tête du pauvre spectateur secoué. Ce dernier se retrouve comme altéré, à l’image des personnages, et les images montrées à l’écran deviennent aussi réelles qu’irréelles. Annihilation nous embarque dès les premières minutes dans son étrange univers, sa faune sortie d’un rêve, ses créatures aussi belles que d'autres dangereuses...

Nouvelle acquisition de Netflix, jamais un film de son catalogue n’aura autant divisé. Certains n’y trouveront pas leur compte, d’autres y verront une grande oeuvre de science-fiction. Alex Garland a en tout cas signé un pari risqué : celui d’offrir un film d’une grande envergure à ses spectateurs. Après avoir scénarisé Sunshine (dont beaucoup des thèmes sont présents ici) ou encore 28 Jours plus tard, Garland nous prouve encore une fois son grand talent d’écriture – mais aussi qu'il est un réalisateur doué.

Nassim Chentouf (16 mars 2018)