The Devil and Father Amorth (Netflix) : Friedkin filme un vrai exorcisme

The Devil and Father Amorth (Netflix) : Friedkin filme un vrai exorcisme

Dans l'anonymat le plus total, Netflix a mis en ligne sur sa plateforme le documentaire de William Friedkin, "The Devil and Father Amorth."

Après avoir filmé un exorcisme dans le cultissime L'Exorciste, William Friedkin n'en a pas fini avec les forces surnaturelles et entreprend de suivre en 2016, le père Gabriele Amorth au cours d'un réel exorcisme, en Italie. Un sacré événement pour nous, spectateurs, qui pouvons découvrir par le prisme du documentaire une pratique à propos de laquelle nous avons fantasmé.

Le cinéma horrifique a toujours pris un malin plaisir à s'emparer d'histoires de possession pour nous faire frissonner. Sans ne jamais réellement bousculer nos certitudes sur le sujet. Qu'ils soient tirés de faits réels, ou pas, des films comme Insidious, L'Exorcisme d'Emily Rose ou encore Poltergeist mettaient toujours une barrière entre nous et la réalité. Parce que le cinéma reste avant tout du spectacle durant lequel chaque seconde est fabriquée, qu'il faut en mettre plein la vue à celui qui sort le porte-monnaie pour payer sa place. Et pour n'importe quel spectateur, le moindre plan relève de l'artifice dans son esprit. Qu'un monument comme L'Exorciste nous impressionne n'empêche pas de nous faire dire que cela ne reste "que du cinéma." Alors que l'histoire est inspirée d'un cas réel, relaté dans le livre éponyme de William Peter Blatty.

Un exorcisme comme vous ne l'avez jamais vu

Dans The Devil and Father Amorth, William Fredkin désintègre la barrière de la fiction pour tourner un documentaire sur le sujet. Il n'est plus question d'adapter mais de montrer frontalement un cas précis. En l'occurrence celui de Christina, une architecte italienne soignée par le père Gabriele Amorth. Ce dernier, avec qui Friedkin est entré en contact, lui autorise à assister au neuvième exorcisme subit par sa patiente. Sans équipe, sans matériel. Juste lui et sa petite caméra. Cette séquence centrale est le pivot de tout le documentaire.

En un seul plan continu, c'est toutes nos croyances et nos théories qui sont mises à l'épreuve. En voyant cette femme convulser, dégainer une voix démoniaque et un discours effrayant, nous n'avons plus d'échappatoire pour refouler notre avis. Les faits sont là, montrés grâce à un dispositif minimaliste qui ne cherche pas à surenchérir. La réalité est moins grandiloquente que ce que l'on voit dans les films (Christina ne vomit pas une quantité astronomique de bile, ne fait pas tourner sa tête, ne grimpe pas au plafond) et c'est ce qui la rend incroyablement effrayante. Parce que ce que l'on voit, existe !

"Je ne peux pas vous dire ce qui ne va pas avec Christina" déclare William Friedkin, face caméra, dans les dernières minutes. Il ne le peut pas mais il peut nous permettre de constater que son cas implique des forces surnaturelles qui dépassent l'ordinaire. L'image est rarement soignée ou bien cadrée, elle n'est guidée que par le désir de capter l'exorcisme. The Devil and Father Amorth n'a pas vocation à expliquer, les rencontres entre Friedkin et des docteurs ne permettent d'ailleurs pas de trouver une raison précise mais simplement de reconnaître que des forces invisibles existent autour de nous. Face aux faits, aux images, même le plus diplômé des médecins spécialisés se retrouve obligé d'avouer qu'il vient de visionner une séquence troublante.

Peu de certitudes, toujours autant de doutes

Bien cloué à sa recherche de réalisme, le documentaire dérive par moment vers des afféteries formelles qui interrogent. William Friedkin se met en scène comme présentateur, en retournant sur les lieux du tournage de L'Exorciste. Des scènes dont l'utilité se discute, lui permettant de nous appâter avec la fiction pour nous rediriger vers la froide réalité. Ce n'est pas tant ces scènes qui posent question mais davantage celle de l'église, à la fin. Le réalisateur veut revoir Christina et elle lui donne rendez-vous dans un petit village italien. La rencontre tourne mal et il se retrouve confronté à l'entité démoniaque ayant pris possession du corps de la femme. Friedkin dit qu'il n'a pas eu le temps de prendre sa caméra, donc il raconte par la parole ce qu'il s'est passé.

À l'écran, la scène devient un montage grossier de musique angoissante et d'images tournées après coup où la caméra bouge dans tous les sens pour simuler que quelque chose d'intense se passe. Cette combinaison de faits réels et d'effets de style est troublante au moment où elle intervient dans la structure du documentaire. Pendant longtemps, William Friedkin nous met stricto sensu face aux faits et d'un coup, il revient à ce que le cinéma peut faire : de l'artificel. En grand maître de trouble qu'il est, sa démarche n'a rien d'innocente. Vous pensez bien, un monstre du cinéma de 82 ans ne propose pas gratuitement des images sans avoir derrière une réflexion.

Par cette scène, que l'on peut trouver ratée d'un point de vue visuelle (elle l'est), Friedkin remet sur le banc des accusés nos certitudes face aux images vues précédemment. Ce qu'il raconte peut-il être vrai avec ces fausses images pour illustrer ? Peut-il nous mentir sur les événements après toutes les preuves qu'il a lui-même amené ? Pourquoi ne pas simplement témoigner face caméra ? Il réinstaure le doute pour nous laisser sur aucune certitude. Car la situation ne le permet pas. Nous faire cogiter est déjà une victoire de sa part. En une heure, il s'est questionné, a questionné, nous a questionnés. Pour en arriver à la même conclusion qui irrigue toute sa passionnante filmographie : le bien et le mal cohabitent dans notre monde sous une multitude de formes.

The Devil and Father Amorth de William Friedkin, disponible sur Netflix le 24 juillet 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

William Friedkin est toujours autant attiré par le Mal dans ce documentaire troublant.

Bilan Très Positif

Note spectateur : Sois le premier