Autopsie d'un meurtre : retour sur le véritable crime à l'origine du film

Un chef-d'œuvre avec James Stewart

Autopsie d'un meurtre : retour sur le véritable crime à l'origine du film

Rythmé par les inoubliables joutes verbales entre les grands James Stewart et George C. Scott, "Autopsie d’un meurtre" est un chef-d’œuvre du film de procès. Retour sur l’histoire vraie qui donna naissance au long-métrage d’Otto Preminger, dans lequel un avocat tente d’innocenter un meurtrier en plaidant la folie temporaire.

Autopsie d’un meurtre : un modèle du genre

Le film de procès est un genre qui compte de nombreux chefs-d’œuvre, à commencer par Le Procès Paradine et les classiques de Sidney Lumet (12 hommes en colère, Le Verdict), et qui continue de se renouveler comme l’a prouvé le récent Les Sept de Chicago. Sorti en 1959, Autopsie d’un meurtre en est l’un des piliers, doté de tous les ingrédients nécessaires à la réussite d’une confrontation infernale et passionnante dans une salle d’audience.

S’il se déroule quasi intégralement au tribunal, du moins dès lors que le procès est lancé, le long-métrage d’Otto Preminger (Laura, Rivière sans retour) prend le temps de semer le doute dans l’esprit du spectateur, non pas sur la culpabilité de son meurtrier présumé mais sur la véritable nature de ce dernier.

Autopsie d'un meurtre : découvrez l'histoire vraie qui inspira ce chef d'oeuvre du film de procès signé Otto Preminger.

Ancien procureur du Michigan n’ayant pas été réélu, Paul Biegler (James Stewart) n'a pas totalement abandonné sa fonction d’avocat mais préfère désormais occuper son temps à des parties de pêche. Son vieil ami et confrère Parnell (Arthur O’Connell) essaie de le convaincre de reprendre du service pour défendre le lieutenant Frederick Manion (Ben Gazzara). Ce militaire reconnaît avoir tué un barman accusé de viol par son épouse Laura (Lee Remick). Biegler accepte de prendre en charge l’affaire, plaide non-coupable et met tout en œuvre pour prouver qu’une "impulsion irrésistible" a poussé Frederick Manion à passer à l’acte.

Un long-métrage visé par la censure

Du générique de Saul Bass aux joutes verbales entre les immenses George C. Scott et James Stewart, en passant par la rencontre entre ce dernier et Duke Ellington derrière un piano, Autopsie d’un meurtre donne constamment l’impression d’être une réunion de talents au sommet de leur art. Otto Preminger s’intéresse à la complexité du système juridique et s’interroge sur le sens du métier d’avocat. Uniquement porté par sa vocation, Paul Biegler s’acharne à défendre un individu ambigu et violent, estimant qu’il mérite d’être traité comme n’importe quel autre citoyen.

Autopsie d'un meurtre : découvrez l'histoire vraie qui inspira ce chef d'oeuvre du film de procès signé Otto Preminger.

Au début du procès, l’avocat de la défense essaie de prouver grâce à différents témoignages que Laura Manion a été violée, tandis que ses adversaires font tout pour effacer le lien de causalité entre cette agression et le meurtre du barman. Au cours d’une séquence, le juge incarné par le véritable homme de loi Joseph N. Welch, célèbre pour avoir mouché Joseph McCarthy en plein procès durant la chasse aux sorcières, n’a d’autre choix que de rappeler que les mots "viol" et "culotte" reviendront tout au long de l'affrontement et demande ainsi à son audience de ne pas pouffer dès qu’il les entend.

Un dialogue lourd de sens, puisque ce sont ces termes qui valurent à Autopsie d’un meurtre de se retrouver dans le viseur de certains organismes. S’il réussit à recevoir l’aval du PCA (Production Code Administration), chargé d’approuver les films avant leur sortie, en arguant que "les expressions vulgaires" entendues dans le long-métrage étaient semblables à celles prononcées dans une salle d’audience, Otto Preminger se heurta notamment au conseil de censure de la police de Chicago. Celui-ci s’était opposé aux références au viol et aux contraceptifs, en partie parce que le chef de la police les trouvait intolérables. Mais le cinéaste gagna un procès contre l’institution, qui eut néanmoins le droit de continuer à exercer sa censure sur d’autres œuvres.

L’histoire vraie derrière le film

Autopsie d’un meurtre est l’adaptation d’un roman éponyme de Robert Traver, pseudonyme de l’homme de loi John D. Voelker. D’après le New York Times, il fut procureur du comté de Marquette entre 1935 et 1950, avant de siéger à la Cour suprême du Michigan entre 1957 et 1960.

Son roman et l’adaptation s’inspirent d’une affaire sur laquelle il travailla en tant qu’avocat de la défense, à l’instar de Paul Biegler. Comme le personnage incarné par James Stewart, John D. Voelker était lui aussi féru de pêche à la truite, et consacra d’ailleurs plusieurs ouvrages à cette pratique. Mais il ne s’agit pas de leur seul point commun. Suivant le principe affirmant que l’on écrit toujours mieux sur ce que l’on connaît, le romancier revint donc sur un procès qui eut lieu à Big Bay, dans la péninsule supérieure du Michigan.

Autopsie d'un meurtre : découvrez l'histoire vraie qui inspira ce chef d'oeuvre du film de procès signé Otto Preminger.

Autopsie d’un meurtre fait référence à un crime commis en 1952 dans la taverne Lumberjack. Alors que sa femme accusait le propriétaire Maurice Chenoweth de l’avoir violée, le lieutenant Coleman A. Peterson le tua. Avec l’aide de Voelker, Peterson fut acquitté en invoquant une folie temporaire. S’il participa à la construction du film pour que ce dernier soit fidèle aux faits, l’écrivain eut selon certains du mal à admettre qu’il s’inspirait d’un procès dans lequel il joua un rôle majeur. Lors de l’annonce du décès de John D. Voelker à l’âge de 87 ans en 1991, le LA Times cita Lynne Vadnais, alors propriétaire du Lumberjack, qui assurait que le romancier "n’a jamais reconnu les similitudes et que c’était basé sur le procès réel". Elles sont pourtant nombreuses et participent à la réussite de ce long-métrage bénéficiant d’une précision chirurgicale.