L’Armée des 12 singes : pourquoi Terry Gilliam a perdu pied durant le tournage ?

L’Armée des 12 singes : pourquoi Terry Gilliam a perdu pied durant le tournage ?

Œuvre fascinante dont les thématiques résonnent étrangement avec l’actualité, « L’Armée des 12 singes » a été un projet compliqué à mener pour Terry Gilliam. Maigre budget par rapport à ses ambitions, négociations incessantes avec les producteurs, accident qui manque de lui coûter la vie… Le réalisateur a enchaîné les tuiles. Mais que serait un long-métrage de Terry Gilliam sans les légendaires et parfois tragiques difficultés qui l’accompagnent ?

L’Armée des 12 singes : le voyage dans le temps de Bruce Willis

En 1996, Bruce Willis est une star du box-office qui vient de cartonner dans Une journée en enfer. Le long-métrage s'est alors imposé comme le plus gros succès de la trilogie centrée sur John McClane, rôle emblématique du comédien. Avec L’Armée des 12 singes, Terry Gilliam lui confie une partition nettement plus risquée, à mille lieues de celle du flic décontracté et malin.

Dans ce film de science-fiction débutant en 2035, Bruce Willis interprète James Cole, un prisonnier asocial que des scientifiques décident d’envoyer dans le passé. Alors que la Terre est devenue invivable après la propagation d’un virus qui a décimé 99% de la population mondiale, leur objectif est de recueillir un maximum d’informations pour tenter de l’éradiquer. Ils sont convaincus que la pandémie a été causée par un groupe de terroristes de défense des animaux, baptisé L’Armée des 12 singes.

L'Armée des 12 singes : pourquoi Terry Gilliam a-t-il failli abandonner le film en cours de route ?

Envoyé à diverses époques, Cole se met à douter de sa santé mentale mais tente de convaincre le docteur Kathryn Railly (Madeleine Stowe) du bien-fondé de sa mission. Interné dans un hôpital psychiatrique, il se rapproche de Jeffrey Goines (Brad Pitt), un patient qui pourrait bien être le fondateur du groupuscule suspecté d’être à l’origine de la catastrophe planétaire.

Universal frileux à l’égard de L’Armée des 12 singes

Tandis que George Orwell, Ray Bradbury et d’autres ont rendu tangible l’idée de dystopie en littérature, Terry Gilliam est sans conteste l’un des cinéastes qui est parvenu à la retranscrire au cinéma. Le furieux Brazil en est évidemment l’exemple le plus flagrant et L’Armée des 12 singes arrive juste derrière. Le long-métrage réussit lui aussi à plonger le spectateur dans un futur poisseux et rouillé, traversé d'images hallucinées parfois représentatives des obsessions de son réalisateur. Par exemple, s’il y a autant de combinaisons en plastique dans le film, c’est tout simplement parce qu’il a fait une fixation sur la matière.

L'Armée des 12 singes : pourquoi Terry Gilliam a-t-il failli abandonner le film en cours de route ?

Après avoir vécu une expérience douloureuse sur Brazil, Terry Gilliam a une nouvelle fois bien du mal à imposer sa vision auprès d’Universal durant la préproduction. La situation se débloque lorsque Bruce Willis rejoint l’aventure, et le studio alloue un peu plus de 29 millions de dollars au film, un budget bien maigre en comparaison avec les ambitions du réalisateur. Dans le making-of passionnant intitulé The Hamster Factor and Other Tales of Twelve Monkeys, le cinéaste explique :

Le studio a eu une attitude étrange, parce qu’il a mis une limite croyant à l’époque que c’était un film d’essai. Ils ne savent pas quoi en penser. Le film n’a pas de genre de moule, qui a un sens pour eux. Ce n’est que quand Bruce Willis a été engagé que le film est devenu viable. (…) Avec lui en vedette, le projet s’est matérialisé.

Terry Gilliam et l’art de la difficulté

Inspiré du court-métrage La Jetée de Chris Marker, L’Armée des 12 singes est le deuxième film après Fisher King que Terry Gilliam réalise sans avoir participé à l’écriture du scénario. Pour autant, le cinéaste s’implique totalement dans sa construction. Il parvient à obtenir le final cut en négociant avec Universal, qui impose que le long-métrage soit « Rated R » et ne dépasse pas la durée de 2h15.

L'Armée des 12 singes : pourquoi Terry Gilliam a-t-il failli abandonner le film en cours de route ?

Perfectionniste, le réalisateur se focalise sur une multitude de détails et de décors, à commencer par l’oppressante sphère vidéo qui interroge le prisonnier James Cole. Mais à trop s’attarder sur des éléments essentiels à ses yeux, Terry Gilliam perd ses techniciens, qui avancent à l’aveugle, et s'égare lui-même dans le scénario nébuleux de Janet et David Webb Peoples. Un accident d’équitation qui manque de lui coûter la vie ne l’aide pas à reprendre confiance. Il menace de quitter le projet et va même jusqu’à confesser durant le tournage :

Je ne sais plus du tout où le film est rendu. J’ai complètement perdu le fil. Nous faisons scène après scène du mieux possible. Mais pour ce qui est du sens, j’en suis pas sûr. C’est un peu comme assembler un puzzle. Chaque scène est belle. Je ne sais pas très bien comment elles s’agenceront.

Mais cette fois-ci, les choses se terminent plutôt bien pour le réalisateur. Malgré les nombreux conflits et les incessantes discussions avec les producteurs, mais aussi Bruce Willis, il parvient à terminer son film et s’attire les faveurs des critiques américains. Au box-office, L’Armée des 12 singes rembourse largement ses frais et totalise à ce jour plus de 168 millions de dollars. Terry Gilliam a connu pire, c’est certain…