Tais-toi ! : la méthode de Francis Veber que Gérard Depardieu ne supporte pas

Tais-toi ! : la méthode de Francis Veber que Gérard Depardieu ne supporte pas

Dans "Tais-toi !", Gérard Depardieu prend un malin plaisir à jouer l’idiot pour Francis Veber. Au travers de leurs cinq collaborations, l’acteur et le réalisateur ont développé une relation amicale mais tumultueuse. Gérard Depardieu ne cache d’ailleurs pas qu’il exècre la façon de travailler du cinéaste, qui le lui rend bien.

Tais-toi ! : Gérard Depardieu "pignonisé"

Arrêté avoir réussi à cacher 20 millions d’euros volés à son ancien patron, Ruby (Jean Reno) est incarcéré mais refuse de parler aux autorités. Pour le faire craquer, le commissaire Vernet (Richard Berry) décide de lui faire partager sa cellule avec Quentin (Gérard Depardieu). Ce voleur gauche, simple d’esprit et particulièrement bavard se prend immédiatement d'affection pour Ruby, qui reste muet. Lorsque le criminel endurci planifie son évasion, Quentin le devance et l’entraîne dans sa cavale.

Après La Chèvre, Les Compères ou Le Dîner de cons, Francis Veber crée un nouveau duo comique composé de deux personnages aux antipodes avec Tais-toi !. En 2003, lors de la promotion du film, le cinéaste explique qu’il s’est amusé à "pignoniser" Gérard Depardieu, pourtant habitué à jouer les durs à cuire dans les buddy movies du réalisateur et scénariste. Cette tâche revient ici à Jean Reno, mutique et lâchant son plus beau regard de cheval dans la première partie, d’après son acolyte.

Gérard Depardieu - Tais-toi !
Gérard Depardieu - Tais-toi ! © UGC

 

Les répliques semblables à cette comparaison peu flatteuse, Gérard Depardieu les enchaîne avec une énergie communicative tout au long de Tais-Toi !. Avec le personnage de Quentin - de Montargis - ("je m'appelle Quentin, j'suis de Montargis") le comédien prend un malin plaisir à jouer les idiots attachants. Un exercice difficile, pour lequel il fallait trouver le ton juste. En cas de ratage, l’acteur a pu compter sur l’insistance de son réalisateur.

Deux méthodes opposées

En 2010, Gérard Depardieu participe à une masterclass pour la clôture du 34ème festival des films du monde de Montréal. Au cours de cette rencontre, le comédien qualifie de "pervers" Francis Veber, qui l’a dirigé sur La Chèvre, Les Compères, Les Fugitifs, Le Placard et Tais-toi !. La raison de l’affront de l’acteur envers son collaborateur et ami :

Il fait faire 78 prises, ce n’est pas normal !

Trois ans plus tard, le réalisateur revient sur cette déclaration lors d’un entretien pour le magazine Balthazar. À propos de son exigence, il affirme :

On m'avait accusé de faire trop de prises, mais avec Gérard, il faut vingt prises le temps qu'il apprenne son texte. À une époque, il avait pris l'habitude de mettre des post-it sur la figure de son 'contre-champ', mais je ne pouvais accepter ça.

 

Il poursuit en racontant une anecdote vécue durant l’une de leurs collaborations :

Je lui ai parlé seul à seul et je lui ai dit : "La prochaine fois que tu bois une goutte d'alcool durant le tournage, je me tire. Je suis un auteur de théâtre, je me suis 'égaré' dans le cinéma, je ne vais pas tourner dans ces conditions". Après, il n'a plus jamais bu et nous avons fait cinq films ensemble. Il avait compris que j'étais sérieux.

Dans le making-of de Tais-toi !, il est effectivement possible de voir Francis Veber demander à Gérard Depardieu de multiplier les prises pour différentes scènes. Le comédien s’exécute jusqu’à trouver l’intonation et la gestuelle parfaites pour donner corps à Quentin, et s’effacer complètement derrière ce personnage hilarant. La relation entre le réalisateur et l’acteur est certes tumultueuse, mais pour la bonne cause.