Wonder Wheel : quelqu’un peut-il jeter pépé Woody Allen dans les orties ?

Wonder Wheel : quelqu’un peut-il jeter pépé Woody Allen dans les orties ?

En pleine tempête médiatique, Woody Allen revient avec "Wonder Wheel", énième tragico-comédie vue et revue qui ne daigne pas franchement le détour.

Profitez donc de cette critique de Wonder Wheel, dernier cru de Woody Allen, car vous n’en lirez probablement pas des masses, actualité oblige. Si vous êtes au fait des retombées suite à l’affaire Harvey Weinstein, on ne vous apprend rien : Dylan Farrow, fille adoptive du cinéaste, l’accuse à nouveau d’abus sexuels. Depuis 1992 ( !), la jeune femme clame à l’envi que son père d’adoption aurait profité d’elle quand elle n’avait que sept ans. Accusations que Woody Allen a toujours réfutées, et pour lesquelles la justice ne l’a jamais déclaré coupable. La mouvance #MeToo a ainsi poussé Dylan Farrow à sortir du silence.

Et le film Wonder Wheel dans tout cela ? Eh bien c’est qu’on l’oublierait presque, noyé dans cet ouragan d’accusations et de rébellion. Or, si le prochain métrage du réalisateur, A Rainy Day in New York, pourrait voir sa sortie au cinéma tout bonnement annulée, il n’en est rien pour celui-ci. Et comme vous êtes ici sur un site consacré au cinéma et aux séries, vous trouverez donc une critique qui parlera du film, du contexte du film, des enjeux du film, bref, rien que du film– du moins, autant que possible. On entend Woody Allen soupirer de soulagement devant son ordinateur, il ne devrait pas : Wonder Wheel fut d’un tel ennui qu’on se fera violence pour rester polis dans les toutes prochaines lignes. Qui nous aime nous suive.

Un air de déjà vu

Le pitch ? Quatre personnages évoluent dans le parc attraction de Coney Island, au summum des fifties. Il y a la serveuse Ginny, Madame Bovary bis, dont la carrière de comédienne avortée semble être son unique sujet de conversation. Son époux Humpty, rustre et sans cervelle, chargé de s’occuper d’un carrousel. Carolina, sa fille prodigue, cherchant à fuir son ex-mari, un mafioso désireux de la liquider. Et enfin Mickey, le maître-nageur convaincu d’être un grand dramaturge en herbe. Si ce dernier entretient d’abord une relation présumée passionnelle avec Ginny, il tombe vite sous le charme de sa belle-fille. Oubliant que dans les contes, rien n’est plus destructeur qu’une vilaine marâtre contrariée.

Un air de déjà vu ? Forcément. Tous ces personnages ne sont rien d’autres qu’une répétition ad nauseam des protagonistes jadis aperçus dans la fresque "allenesque". Mais avec nettement moins ce charisme à leur actif. Le désespoir de Ginny n’a rien de comparable à celui de l’héroine de Blue Jasmine, qui arrivait à provoquer à la fois empathie et répulsion dans le cœur du spectateur. Kate Winslet y met pourtant du sien et si sa prestation est tout à fait convaincante, elle ne suffit pourtant pas à étoffer un personnage qui manque cruellement de profondeur.

Comparaisons inévitables

Dans la même idée, Carolina n’est pas Cristina de Vicky Cristina BarcelonaEntendons-nous bien : si son interprète Juno Temple n’est pas un laideron, elle n’arrive pas à la cheville de Scarlett Johansson, à la sensualité si évidente qu’on la trouverait presque indécente si elle ne nous séduisait pas autant. Autant dire qu’on a bien du mal à comprendre ce que les mâles peuvent trouver à cette fillette aux répliques vite limitées (et c’est tant mieux, tant la voix aiguë de Juno Temple exaspère votre fidèle serviteur en toute honnêteté).

Enfin, que dire du camarade Justin Timberlake, désormais acteur à ses heures perdues ? Comme a peu près tous les rôles masculins, le sien n’est qu’une version alternative de la personnalité de Woody Allen. Comprenez par là, un personnage pédant et cupide mais au charme supposé imparable. Oui, les doubles du cinéaste ont été nombreux. Parfois de bonne facture (Jesse Eisenberg dans Cafe Society). Parfois nettement moins… Comme ici, en l’occurrence. Car l’auteure de ces lignes doit l’admettre : si Justin chanteur ne la dérange guère, au contraire, Justin acteur la laisse quelque peu pantoise. La popstar se contente ici de réciter son texte avec un chouia de malice et de filouterie, juste ce qu’il faut pour que le public comprenne qu’il singe bel et bien l’homme derrière la caméra. Pour un résultat au mieux rasoir. Au pire, franchement assommant.

Faut-il vraiment évoquer le scénario, dont la chute – ultra prévisible - a été déjà vu et revu, fait et refait, mais en tellement, tellement mieux, et par Woody Allen lui-même s’il-vous-plaît… Alors quoi, l’imagination du réalisateur serait aujourd’hui pourrie jusqu’à la lie ? Allez savoir. Chose sûre, vous pouvez aisément vous passer de cette piqûre narcotique d’une heure trente. Scandale ou pas.

 

Wonder Wheel de Woody Allen, en salle le 31 janvier 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Note de la rédaction

Woody Allen semble totalement épuisé, à court d’idées, et propose ici l’un de ses plus mauvais crus du millénaire. Pourquoi s’infliger la pâle copie de films comme "Blue Jasmine" ou "Vicky Cristina Barcelona"… quand on peut voir les originaux ?

Note spectateur : Sois le premier