Asteroid City : le confinement désertique et mélancolique de Wes Anderson

Asteroid City : le confinement désertique et mélancolique de Wes Anderson

CRITIQUE / AVIS FILM - Comme à son habitude, Wes Anderson réunit un casting prestigieux pour son nouveau film, "Asteroid City". Le cinéaste plonge ses spectateurs dans des décors minimes où l'ennui règne jusqu'à l'arrivée d'un invité imprévu, tout en se penchant sur les mécanismes d'écriture et de mise en scène.

Asteroid City : bloqués dans le désert

Nouveau film choral de Wes Anderson dans lequel apparaissent de nombreux habitués (Tilda Swinton, Willem Dafoe) mais aussi des petits nouveaux (Tom Hanks, Maya Hawke), Asteroid City se déroule dans un cadre aux antipodes de celui de The French Dispatch. Ce dernier se concentrait sur les aventures de la rédaction d'un journal américain installée dans l'Hexagone. Après l'affluence et l'énergie d'une ville française, le cinéaste emmène ici le spectateur au beau milieu du désert américain. Un univers radicalement différent, mais dans lequel il est à nouveau question d'une expérience collective.

Asteroid City
Asteroid City ©Universal Pictures

Dans une minuscule bourgade baptisée Asteroid City en raison de la météorite qui s'y est écrasée et près de laquelle des essais nucléaires sont effectués, plusieurs individus se retrouvent pour participer à une remise de prix récompensant cinq jeunes surdoués pour leurs travaux scientifiques. Mais à la suite d'un événement aussi inattendu que spectaculaire, le groupe doit cohabiter plus longtemps que prévu. Un confinement en plein air et sous une chaleur écrasante marqué par des conflits, des tirs au pistolet laser, des observations de l'univers et une découverte capable de changer le monde.

L'ennui existentiel selon Wes Anderson

Parmi les personnes présentes, le talentueux photographe Augie Steenbeck (Jason Schwartzman) doit annoncer à ses quatre enfants la mort de leur mère. Star du cinéma, Midge Campbell (Scarlett Johansson) apprend quant à elle les dialogues de son prochain rôle. Deux individus seuls et mélancoliques confrontés à l'infiniment grand, dont la beauté et les surprises ne parviennent pas à chasser leur mal-être existentiel.

Asteroid City
Asteroid City ©Universal Pictures

Un mal-être pensé par un dramaturge incarné par Edward Norton, auteur de la pièce Asteroid City que s'approprient ensuite le metteur en scène joué par Adrien Brody et ses comédiens. Le cadre désertique est donc une fiction dans la fiction qui résume les tourments d'un écrivain et dont l'évolution ressemble à celle de sa pièce, provoquée par des impulsions et une énergie collectives, mais aussi par des imprévus qui donnent naissance à des moments de grâce.

Un réveil tardif

Des moments de grâce qui arrivent dans un dernier acte où le réveil émotionnel a enfin lieu et où la léthargie de la plupart de ces personnages enfermés et cloisonnés se dissipe. Alors qu'il se penche sur le processus créatif à l'origine d'une œuvre, sur ses pannes d'inspiration et ses mouvements de spontanéité libérateurs, Wes Anderson se focalise avant tout sur les blocages.

Asteroid City
Asteroid City ©Universal Pictures

Au même titre que l'écrivain interprété par Edward Norton, le spectateur doit donc tâtonner et s'accrocher pour essayer d'entrevoir l'objectif et la finalité d'Asteroid City. S'il ne décroche jamais totalement, c'est évidemment parce que le sens de la composition du cinéaste, sa façon de surcharger méthodiquement un plan ou au contraire de l'épurer sans pour autant le rendre vide ainsi que sa gestion impressionnante des travelings captent en permanence l'attention.

Si l'ennui qui gagne les personnages est parfois celui qui gagne le spectateur, Asteroid City paraît difficilement attaquable tant il est généreux dans sa réalisation et ses dialogues - très - étirés. Néanmoins, le sentiment de passer à côté de l'œuvre est souvent présent. Du moins jusqu'au troisième acte, où chacun semble parfaitement à sa place, où la libération a lieu et où les clés du récit se dévoilent. La tristesse liée à un deuil saute alors au visage, tout comme la difficulté de passer d'un rôle à un autre en devant ainsi abandonner sa beauté. La succession de scènes finit par faire sens, mais malheureusement trop tard.

Asteroid City de Wes Anderson, en salle le 21 juin 2023. Le film a été sélectionné en compétition officielle au 76e Festival de Cannes. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Montée des marches de l'équipe du film "Asteroid City" au 76e Festival de Cannes
Montée des marches de l'équipe du film "Asteroid City" au 76e Festival de Cannes ©Isabelle Vautier

Conclusion

Note de la rédaction

Confrontant ses personnages et ses spectateurs à l'ennui, au vide et à la panne d'inspiration, Wes Anderson filme un profond mal-être existentiel et créatif avec "Asteroid City". Un long-métrage complexe et ponctué par des moments de grâce bouleversants, mais pendant lequel il faut s'accrocher.

Note spectateur : 4 (2 notes)