Entretien avec Um Tae-hwa : « On devient adulte quand on comprend ce qu’est la solitude »

Entretien avec Um Tae-hwa : « On devient adulte quand on comprend ce qu’est la solitude »

Um Tae-hwa nous parle de "Vanishing Time : A Boy Who Returned", son deuxième long-métrage, à l’occasion du 12e Festival du film coréen à Paris.

Avec Vanishing Time : A Boy Who Returned, le réalisateur sud-coréen Um Tae-hwa capte à merveille l’enfance, à la manière de My Girl, Stand By Me ou encore des Goonies (voir notre critique). Des références qui ont directement construit le cinéaste, toujours attaché à cette période. Venu le présenter au Festival du film coréen à Paris, nous en avons profité pour décrypter avec lui son film.

 

Comment en êtes-vous arrivé à cette histoire ?

Au départ, j’écrivais un scénario très différent, un thriller noir, avec tout de même un adulte et une jeune fille. Pendant l’écriture, il y a eu ce drame en Corée, le naufrage du Sewol . J’ai été bouleversé par cet événement et j’avais besoin de passer à autre chose, de raconter une histoire qui serait comme une thérapie pour moi et les coréens. J’en suis alors arrivé à Vanishing Time.

 

Comment s’est déroulée l’écriture de cette nouvelle histoire ?

J’ai mis un an à écrire Vanishing Time. La difficulté était que je n’avais pas de références auxquelles m’appuyer. C’est l’histoire d’un personnage qui va vivre dans un monde où le temps est arrêté. C’est tellement éloigné de la réalité qu’il est difficile de trouver des éléments auxquels se rattacher. Mais j’aime le challenge et la nouveauté, c’est ce qui m’a poussé à aller vers cet inconnu.

 

La difficulté venait alors davantage de l’écriture des personnages ?

Tout à fait. Et le plus dur était pour Sung-min, qui se retrouve à vivre quinze longues années dans un temps arrêté. Pour cela, je me suis inspiré de films qui évoquent les traumatismes pendant les guerres, comme Brothers par exemple. J’ai aussi beaucoup discuté avec l’acteur, Kang Dong‑won, pour avoir son ressenti par rapport à cette situation.

 

Vanishing Time parle avant tout de la jeunesse et du fait de grandir. À quel moment devient-on adulte ?

Pour moi, ce n’est pas juste une question d’âge. Je pense qu’on devient adulte lorsqu’on comprend vraiment ce qu’est la solitude. On voit avec Sung-min, que même lorsqu’il est dans l’autre monde, il reste entouré de ses amis. Mais au fur et à mesure, ses amis le quittent. C’est à ce moment-là qu’il expérimente vraiment ce qu’est la solitude, et qu’il devient adulte.

 

En voyant ces jeunes personnages et votre traitement, en tant qu’occidental, on ne peut s’empêcher de penser à des films comme My Girl et Stang by me.

Oui, ce sont des films que je regardais quand j’étais jeune et qui m’ont inspiré durant l’écriture. En fait je ressasse souvent le passé. Et l’enfance est pour moi une période très importante. Quand j’y repense, j’ai toujours un pincement au cœur. J’ai l’impression d’avoir perdu quelque chose. Notamment la confiance naturelle, la capacité à croire à n’importe quoi, qu’on a lorsqu’on est enfant. Adulte, on devient plus sceptique et méfiant. Et on retrouve justement ça dans des films comme My Girl, Stand by me, mais également les Goonies.

 

En tant que spectateur, même en étant adulte, on accepte de vous faire confiance et de croire en ce monde fantastique.

C’est parce que j’ai vraiment cherché à ce qu’on s’identifie à Sun-rin, pour qu’on puisse alors être aussi crédule qu’elle. Mais il y a quand même la possibilité que ce ne soit qu’un mensonge, et que l’homme qu’elle rencontre soit juste en train de la manipuler. Je voulais que le spectateur participe à ces questionnements, en le faisant sortir du point de vue de l’enfant. Dès lors qu’on prend du recul, la situation apparaît totalement aberrante. Néanmoins, grâce à la scène finale, j’ai voulu garder une note d’espoir, et dire à Sun-rin qu’on lui faisait confiance et que son histoire était vraie.

 

Il y a évidemment une relation amoureuse enfantine entre Sun-rin et Sung-min. Seulement à son retour, en tant qu’adulte, cette relation devient impossible. État-ce délicat de garder une forme d’affection sans basculer dans quelque chose de malsain ?

Effectivement, ce moment était difficile pour moi. Il fallait trouver un juste équilibre, et pour cela le casting était primordial. J’ai donc choisi Kang Dong‑won, qui a la trentaine, mais a un visage assez juvénile et innocent. Shin Eun‑soo, elle, a à l’inverse quelque chose d’assez adulte par moments. Ainsi, en les voyant à l’écran, la relation devient moins ambiguë et choquante, et cela permet de garder une certaine alchimie entre eux.

 

Visuellement, le film est impressionnant, avec ce monde où le temps est figé. Cela a dû être un véritable challenge.

Pour nous faciliter le travail il aurait fallu filmer en intérieur avec un fond vert. Mais ça n’était pas possible, du coup, on a filmé en extérieur. Le plus gros souci est alors venu du vent. Car à chaque instant, on risquait de voir bouger des feuilles ou des cheveux. Donc on a filmé les jours où il y avait le moins de vent possible. Mais malgré cela, des choses nous ont échappé, car on ne peut pas tout voir à l’œil nu sur un simple moniteur. On a donc dû faire des corrections en post production après une première projection sur grand écran, ainsi qu’après l’avant-première, où des gens ont pu remarquer des petites erreurs.

 

Un troisième long-métrage est-il déjà en préparation ?

Oui, mais je n’en suis qu’au stade de l’écriture. Il s’agira d’une sorte de continuité de mes deux autres films, mais en plus sombre. Cette fois, cela tournera autour des médias, avec un personnage qu’ils ont créé et qui est apprécié du public, mais qui dévoilera une face cachée dangereuse.

Propos recueillis par Pierre Siclier