ADN : la quête identitaire de Maïwenn

ADN : la quête identitaire de Maïwenn

CRITIQUE / AVIS FILM - Avec "ADN" Maïwenn revient à un film proche de son premier long-métrage "Pardonnez-moi". Apparaissant une fois de plus devant la caméra, elle renoue avec la chronique familiale avant de plonger dans une quête identitaire touchante.

Un retour aux sources

Après avoir sondé le couple dans le drame intimiste Mon roi, et avoir suivi le quotidien des forces de l’ordre dans Polisse, Maïwenn revient avec ADN à un drame familial plus proche de son premier long, Pardonnez-moi. Dans celui-ci, la cinéaste prenait le nom de Violette et se mettait en scène, caméra au poing, pour questionner “sa” famille sur son passé. Un premier film entre fiction et documentaire dans lequel Maïwenn se révélait dans sa capacité à saisir le réel de manière brute. Dans Pardonnez-moi, c’est la grossesse de son personnage qui l’amenait à entamer une sorte de thérapie familiale, non désirée par les principaux concernés confrontés à une vérité moche – elle y évoquait notamment un père violent. Dans ADN, Maïwenn est cette fois Neige. Et c’est suite au décès de son grand-père qu’une réunion familiale s’impose à nouveau.

critique / avis film ADN : la quête identitaire de Maïwenn

Maïwenn montre dans un ton tragi-comique naturel toutes les étapes à suivre après ce genre de drame. Obligation de rendre la chambre de l'EHPAD au plus vite, recherche du cercueil qui conviendra à tout le monde… Ou du moins, à la majorité. On s’amuse inexorablement devant ces moments de gentilles engueulades où chaque membre de la famille se bat pour un coloris, une tenue pour le défunt ou un lieu pour la cérémonie. Sans oublier les opinions politiques des uns et des autres qui finissent par rentrer en jeu puisque le grand-père de Neige était originaire d’Algérie et a eu un rapport à la religion différent entre le début et la fin de sa vie.

Une rupture nécessaire avec la famille

C’est donc l’occasion pour les frères, les sœurs, les cousins, les tantes et les mères de se retrouver pour se soutenir tout en réglant des comptes. La famille quoi. Mais Maïwenn ne juge pas. Elle n’impose pas une opinion. Elle défend la sienne, certes, mais laisse à tous ses personnages la possibilité de s’exprimer, d’être tantôt dans l’émotion tantôt dans la maladresse, voire la méchanceté. Ce sera le cas du père de Neige, qui regarde sa fille avec mépris avant de lui lâcher froidement qu’il n’a pas de leçons à recevoir « d'une petite bourgeoise qui fait trois fautes de français par phrase ». Une intervention pas anodine, car elle permet à la réalisatrice de, probablement, s’adresser là à ses détracteurs en répondant : et alors ? Pour elle, qu’importe le milieu social, l’éducation, le parcours professionnel ou les lacunes quand on souhaite simplement s’exprimer sur ses sentiments - et dans le cas de Maïwenn, cinéaste, créer et raconter, faire du cinéma.

On pourra toujours lui reprocher certaines maladresses dans la mise en scène, mais elle aborde ce passage du deuil avec une honnêteté saisissante. Neige est la plus expressive face au décès de son grand-père, souffre et sombre délicatement vers une problématique plus personnelle. Comme si elle ne pouvait rompre totalement avec l’histoire de cet homme, elle se lance à la recherche de ses origines algériennes.

critique / avis film ADN : la quête identitaire de Maïwenn

Ainsi, le film gagne en profondeur en s’écartant de la chronique familiale pour basculer dans la quête identitaire de Neige. Maïwenn rappelle alors l’Histoire tragique qui lie les deux pays tout en suivant le parcours d’une personne dans le besoin de renouer avec son passé et celui de ses ancêtres pour se reconstruire. Cela passera par la création de sa carte d’identité algérienne, une analyse de son ADN, mais également en coupant la relation nocive avec sa mère (Fanny Ardant).

Enfin, notons la présence de deux personnages secondaires déterminants dans la démarche de Maïwenn. D’une part le meilleur ami de Neige, utilisé comme élément humoristique du film qui permet de dédramatiser les situations et, à l’écriture, de canaliser Maïwenn lorsqu’elle pourrait se laisser trop emporter par l’émotion. Un personnage interprété à la perfection par Louis Garrel, qui manie parfaitement l'ironie. Et d’autre part, la sœur de Neige offre le contrepoids nécessaire au caractère de l’héroïne. Le choix de Marine Vacth pour l’interpréter s’avère judicieux étant donné la capacité de la comédienne à exprimer beaucoup tout en restant extrêmement réservée. Cette sœur devient ainsi un soutien attentif pour Neige dans cette quête identitaire touchante qui, semble-t-il, permet à Maïwenn de refermer délicatement ses blessures en mettant son passé au loin pour un meilleur futur.

 

ADN de Maïwenn, en salle le 28 octobre 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces. Le film était présenté au 46e festival de Deauville. Ressortie dans les salles le 19 mai 2021.

Conclusion

Note de la rédaction

En abordant à la fois la chronique familiale et la quête identitaire par le prisme du deuil, Maïwenn réalise un beau film touchant qui ne manque pas d'humour.

Note spectateur : 3.33 (3 notes)