Anti-Squat : Louise Bourgoin dans le piège des logements précaires

Anti-Squat : Louise Bourgoin dans le piège des logements précaires

CRITIQUE / AVIS FILM - Louise Bourgoin doit s'occuper d'un immeuble de bureaux vide et de ses résidents temporaires dans "Anti-Squat". Un drame social à travers lequel Nicolas Silhol, réalisateur de "Corporate", se penche sur un aspect de la loi Elan et les dégâts qu'il peut provoquer.

Anti-Squat: un sujet passionnant

Six ans après Corporate, Nicolas Silhol repasse à la réalisation pour son deuxième long-métrage, Anti-Squat. Un drame avec lequel le cinéaste s'intéresse à nouveau aux dégâts humains qu'une entreprise peut provoquer, thématique qu'il aborde ici en se consacrant à une société qui profite de la précarité d'individus et prône l'ultra compétitivité comme valeur suprême.

Nommée Anti-Squat, cette boîte engage des employés pour gérer des bâtiments vides occupés par des résidents temporaires. Ces derniers ne doivent pas avoir d'enfant et doivent également fournir un contrat de travail. Sur le point de se faire expulser de son appartement avec son fils Adam (Samy Belkessa), Inès (Louise Bourgoin) postule au sein de l'entreprise, qui cherche des jeunes actifs célibataires et mobiles. Dès le départ, elle ment à son futur patron en lui affirmant qu'elle vit seule et parvient à décrocher un poste.

Anti-Squat
Inès (Louise Bourgoin) - Anti-Squat ©Diaphana Distribution

Envoyée dans un immeuble de bureaux vide de la banlieue parisienne, Inès se retrouve face à plusieurs dilemmes moraux. En parallèle, elle met tout en œuvre pour que personne n'apprenne qu'elle a un fils, mais la situation lui échappe. Avec ce projet, Nicolas Silhol met en avant un aspect assez méconnu de la loi Elan, promulguée en novembre 2018. L'article 29 permet à des organismes publics ou privés d'assurer la protection de locaux vacants en y logeant des résidents temporaires. Un sujet passionnant que le cinéaste présente peut-être de façon trop didactique, mais suffisamment claire et rapide pour qu'il en vienne à se focaliser sur ses conséquences.

Une anti-héroïne complexe et tiraillée

Le réalisateur et scénariste filme d'abord le quotidien en communauté dans un lieu à l'abandon que les résidents essaient de s'approprier et auquel ils tentent d'insuffler un peu de vie. Des amitiés et des inimitiés voient le jour. Inès doit parfois faire preuve d'autorité face à la pression de ses supérieurs, ce qui provoque des injustices.

Comme dans Corporate, Nicolas Silhol montre ainsi comment des personnes aisées peuvent profiter de la faiblesse des plus précaires, en trouvant toujours une justification à leurs actes. Le message est clair, souvent trop appuyé dans les dialogues mais amené de manière nettement plus pertinente lorsqu'il passe par les doutes silencieux d'Inès. Doit-elle renoncer à sa carrière pour venir en aide aux résidents à l'avenir proche encore plus incertain que le sien ? Doit-elle au contraire avant tout penser à son fils et elle pour oublier pendant un temps les soucis financiers ?

Anti-Squat
Anti-Squat ©Diaphana Distribution

Face à l'absence d'empathie de ses supérieurs et la tension qui monte avec des résidents convaincus que l'on profite d'eux, la protagoniste doit choisir. Le cinéaste essaie de dresser un suspense autour de ses hésitations entre égoïsme et solidarité qui manque malheureusement d'intensité, notamment au cours d'un affrontement nocturne où le public a du mal à s'y repérer.

Une relation mère/fils réussie

Inès finit donc par faire son choix, et ce dernier confirme que Nicolas Silhol est fasciné par les personnages complexes, nuancés et broyés (il a également participé à l'écriture de Sentinelle Sud et Les Éblouis) auxquels il n'offre pas l'issue la plus simple, mais peut-être la plus réaliste à ses yeux. L'anti-héroïne évolue et s'enfonce sous le regard de son fils, un adolescent de 14 ans aux convictions affirmées, qui désapprouve certaines de ses décisions.

Anti-Squat
Anti-Squat ©Diaphana Distribution

Leur relation est la grande réussite d'Anti-Squat puisqu'elle permet de confronter le besoin de sécurité qui anime les adultes à l'envie de liberté d'une jeunesse révoltée par les injustices. Là encore, les échanges de regard entre les convaincants Louise Bourgoin et Samy Belkessa suffisent pour témoigner du fossé qui se creuse entre eux, mais le réalisateur le surligne lors d'une ultime scène gâchée par des slogans inutiles.

Anti-Squat oscille ainsi de manière hasardeuse entre des situations de vie captivantes et des scènes maladroites où les mots viennent confirmer ce que le spectateur peut déjà constater à l'image. Nicolas Silhol semble parfois ne pas faire assez confiance à sa mise en scène, ce qui donne à son long-métrage un ton professoral. Dommage, parce qu'il tient un sujet en or, magnifié par de très belles séquences collectives et des acteurs impeccables, mais plombé par le sentiment de prendre une leçon qui ne quitte pas le spectateur jusqu'à la fin.

Anti-Squat de Nicolas Silhol, en salles le 6 septembre 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Trop didactique et professoral, "Anti-Squat" traite cependant d'un sujet passionnant, exploré par le biais d'une anti-héroïne complexe. Un film à la mise en scène parfois hasardeuse mais qui comporte tout de même de belles qualités, à commencer par l'interprétation de Louise Bourgoin et tous ses partenaires.

Note spectateur : Sois le premier