Belle : un conte virtuel sublime signé Mamoru Hosoda

Une histoire dense et surprenante

Belle : un conte virtuel sublime signé Mamoru Hosoda

CRITIQUE / AVIS - Après "Le Garçon et la Bête" et "Miraï, ma petite sœur", Mamoru Hosoda propose une relecture moderne de "La Belle et la Bête" avec "Belle". Mais le réalisateur n’hésite pas à s’écarter du conte pour surprendre le spectateur…

Belle : une deuxième identité libératrice

L’ouverture de Belle prend la forme d’une vidéo de présentation pour une application révolutionnaire. Baptisée "U", cette dernière permet à ses cinq milliards d’utilisateurs d’explorer un monde virtuel aux possibilités infinies avec un avatar nommé AE, créé à partir des données biométriques de chacun.

Dans cet univers où les véritables personnalités peuvent s’exprimer et les talents se révéler dans l’anonymat, une chanteuse ayant pour pseudonyme Belle fait sensation. Dans la réalité, Belle se prénomme Suzu. Elle est une adolescente réservée qui ne s’attend absolument pas à devenir l’artiste fédératrice au succès colossal de "U".

Belle
Belle © Wild Bunch

Après Summer Wars, Mamoru Hosoda se penche à nouveau sur les réseaux sociaux à travers son nouveau film d’animation. Le cinéaste s’intéresse ici majoritairement à leurs aspects positifs et libérateurs, sans pour autant renier leurs déviances. Avec cette application qui ouvre le champ des possibles et bouleverse l’existence de l’héroïne, le long-métrage rappelle évidemment Ready Player One, notamment dans sa manière de ne pas opposer les deux mondes qu’il dépeint mais en les rendant au contraire complémentaires. Belle a bien sûr besoin de Suzu, et réciproquement.

Une approche qui se ressent également dans l’esthétique. Lorsqu’il montre le quotidien de Suzu, le studio Chizu développe de magnifiques tableaux figés. Mais dès qu'il plonge le spectateur dans "U", il opte pour un mouvement perpétuel. Les avatars lévitent en permanence dans cet environnement vertical et quadrillé. Deux cadres radicalement différents qui, dans leur façon de se répondre pour symboliser le quotidien tranquille de Suzu et la célébrité de Belle, rappellent le contraste entre le monde des Hommes et le monde des Bêtes dans Le Garçon et la Bête. Et à l’instar du jeune Kyuta dans cette précédente œuvre, Suzu a besoin de ces deux paysages pour évoluer.

Une romance modernisée

Le long-métrage trouve probablement ses limites à travers sa relecture moderne de La Belle et la Bête. Dans l’application, l’héroïne rencontre une mystérieuse créature qui la rejette, avant qu’elles ne s’apportent une aide mutuelle. Une partie où le rythme faiblit et où la beauté des chansons ne suffit pas à effacer quelques longueurs.

Belle
Belle © Wild Bunch

Elle n’en demeure pas moins intéressante, en particulier pour son traitement des justiciers autoproclamés de "U", qui cherchent à dévoiler l’identité de la Bête sans jamais chercher à la comprendre ou à lui laisser la parole, faisant régner une tyrannie au sein d’un espace libre afin de satisfaire leur ego.

Mamoru Hosoda lance quelques pistes potentielles sur le véritable visage de la Bête et instaure un léger suspense autour de celui-ci. Mais, comme lorsque Kyuta revient dans son monde dans Le Garçon et la Bête alors que le spectateur ne s’attend qu’à un parcours initiatique déjà conséquent chez les Bêtes, il les balaie très vite pour enrichir son film en lui offrant un dénouement surprenant.

Une trajectoire inattendue et poignante

La romance entre Belle et la Bête se transforme en poignant récit d’entraide au cours des quarante dernières minutes, magistrales. Alors que les cadres de "U" s’avéraient quelque peu répétitifs jusque-là, le réalisateur met en avant la profondeur ainsi que l’immensité de cet univers lors d’une performance finale extrêmement touchante, durant laquelle la musique devient l’ultime recours pour tenter de sauver la Bête. L’aspect gigantesque de ce monde pouvant réunir simultanément des milliards d’utilisateurs prend tout son sens dans cette conclusion, où un propos inattendu sur la maltraitance surgit et fait mouche.

Belle
Belle © Wild Bunch

Si Belle montre les bénéfices de l’anonymat comme vecteur d’expression libre, Mamoru Hosoda n’oublie pas que l’image de façade qu’offrent les réseaux sociaux peut également servir les bourreaux. Résolument optimiste, le film ne manque toutefois pas de nuances et refuse une naïveté factice. Le réalisateur délivre certes un message consensuel, mais sa capacité à surprendre en déjouant les attentes vis-à-vis de son histoire – qui n’est ici pas la romance traditionnelle de La Belle et la Bête – renforce malgré tout sa puissance.

Belle de Mamoru Hosoda, en salle le 29 décembre 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Avec "Belle", Mamoru Hosoda s’éloigne de la simplicité de "Miraï, ma petite sœur" et revient à une histoire plus dense et surprenante, dans la lignée de "Le Garçon et la Bête". En résulte une œuvre au rythme inégal mais particulièrement riche et poignante, qui emporte totalement le spectateur dans ses quarante dernières minutes.

Note spectateur : Sois le premier