Chien de la casse : Raphaël Quenard brille dans une touchante histoire d'amitié

Chien de la casse : Raphaël Quenard brille dans une touchante histoire d'amitié

CRITIQUE / AVIS FILM - Présenté et primé au Festival Premiers Plans d'Angers, "Chien de la casse" est le premier long-métrage de Jean-Baptiste Durand, dans lequel ses comédiens déploient leur grand talent sur une écriture aussi sensible que subtile. Raphaël Quenard, pour un premier rôle principal dans ce format, livre une très belle performance.

Chien de la casse, une première très convaincante

Pour son premier long-métrage, Chien de la casse, le scénariste et réalisateur Jean-Baptiste Durand met en scène une amitié entre deux jeunes hommes d'un petit village du sud, plus précisément Le Pouget dans l'Hérault. Mirales (Raphaël Quenard) et Dog (Anthony Bajon), amis depuis l'âge de douze ans, ne font pas grand chose et traînent dans les rues. Dog doit bientôt partir à l'armée, et Mirales n'a pas de plan précis. Ils sont amis mais Mirales a une fâcheuse tendance à taquiner Dog plus que de raison. En effet, Mirales le corrige, le moque, en fait son souffre-douleur en public.

Chien de la casse
Chien de la casse ©Insolence Productions

Un jour, Dog prend en stop Elsa (Galatéa Bellugi), étudiante rennaise qui vient un mois dans la maison de sa tante pour s'économiser le loyer de son logement. Une irruption dans leur relation qui ne va pas être anodine.

Une mise en scène subtile de personnages complexes

Chien de la casse est un premier film, et à ce titre il ne disposait pas de grands moyens. C'est donc dans les mêmes rues du village et dans quelques intérieurs exigus que Jean-Baptiste Durand pose sa caméra. Là, il filme ses deux personnages au plus près, leurs visages, leurs mots et leurs expressions, pour raconter la fin d'un cycle, et la survie d'une amitié qui n'a finalement rien d'évident.

En effet, Mirales et Dog ne se ressemblent pas. Mirales parle beaucoup, il a du vocabulaire, des références, il sait mettre des mots sur ses sensations. Dog parle moins, beaucoup moins, il n'a pas la culture de son ami ni son aisance. Mais c'est lui qui embrasse Elsa et c'est lui qui sait ce que sera son avenir. Il est en paix avec la simplicité de son existence alors que, Chien de la casse avançant, on comprend que Mirales, derrière le premier plan qu'il occupe et son envie de faire des choses, dissimule une profonde solitude.

Mirales (Raphaël Quenard) - Chien de la casse
Mirales (Raphaël Quenard) - Chien de la casse ©Insolence Productions

Mirales est-il amoureux de Dog ? Se demande-t-il s'il a raté sa vie ? Chez lui, il y a des livres, une décoration de goût, et une mère qui peint pour occuper sa dépression. Mais ces éléments de décor ne sont pas des éléments actifs de la narration, ils suggèrent seulement, mais brillamment, que Mirales n'a pas trouvé sa place dans le monde. Ou plutôt, qu'il a fait le deuil d'une telle projection. C'est ainsi par des dialogues - dans les faits souvent des monologues - brillamment écrits, et une mise en scène sèche et directe, que Chien de la casse raconte ce trouble existentiel. Celui-ci est ainsi souvent drôle, et aussi profondément touchant.

Un casting idéal et inspiré

Face à Raphaël Quenard, Galatéa Bellugi et Anthony Bajon n'ont pas beaucoup à faire. Mais encore faut-il trouver la bonne mesure du jeu en retenue, et ces deux-là le font à merveille. Dog ne peut pas vraiment dialoguer avec Mirales et Elsa, qui le pourrait, qui d'une certaine manière le comprend mieux que Dog, a saisi sa personnalité et ne veut pas aller sur ce chemin. Ainsi, celui qui a d'abord les traits d'un pervers narcissique se révèle rapidement marqué par la solitude, et l'envie néanmoins d'exister aux côtés de ceux qu'il aime.

Chien de la casse
Chien de la casse ©Insolence Productions

Son visage commence à maintenant être bien connu, et il était temps que Raphaël Quenard dispose d'un premier rôle à la mesure de sa présence et de son talent de comédien. Il apporte à Mirales une authenticité troublante, un naturel formidable à observer. Ses sourires et ses moues, son regard qui passe du pétillant au ténébreux en une fraction de seconde, sont d'une efficacité rare. La profondeur de son jeu et ses traits, par instants, rappelle la présence à l'image d'un Viggo Mortensen chez David Cronenberg, spécialiste des identités doubles et troubles. On peut notamment le constater dans une séquence de dîner saisissante, où son charisme, qui rend son personnage si délicieusement problématique, irradie.

Un film parfaitement mesuré

Les premiers longs-métrages ont souvent le défaut de leur qualité, celle d'être très voire trop généreux. C'est un écueil qu'évite brillamment Jean-Baptiste Durand, avec son Chien de la casse dont la mesure est idéale. Si bien que, même lorsqu'il faut faire avancer la narration par un artifice dramatique secondaire - une embrouille futile avec le petit caïd d'une ville voisine -, celui-ci n'apparaît pas hors de propos.

La musique, les silences durant les trajets répétitifs des personnages, les quelques plans larges dans les plaines désertiques qui ne réduisent pas le profond attachement de Dog et Mirales, tout dans Chien de la casse semble évident, naturel, juste. Ce qui en fait une première oeuvre d'une sensibilité patiente et attentive, complexe mais accessible, à la sensation douce-amère que seule la vie sait par ailleurs faire goûter, et qui donne l'indication que Jean-Baptiste Durand a quelque chose d'un excellent cinéaste en devenir.

Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand, en salles le 19 avril 2023Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"Chien de la casse" de Jean-Baptiste Durand réussit tout ce qu'il propose, à savoir une histoire d'amitié douce-amère brillamment écrite et interprétée. Mention spéciale à Raphaël Quenard, qui livre une très belle performance. À voir.

Note spectateur : 4 (1 notes)