Joueurs de Marie Monge : le cercle vissé

Joueurs de Marie Monge : le cercle vissé

CRITIQUE FILM - Sortie en salle ce mercredi de « Joueurs », premier long-métrage de la française Marie Monge, venue à Cannes en mai dernier présenter son film à la Quinzaine des réalisateurs. Abel, jeune parisien accroc au jeux d'argents, embarque Ella dans une spirale infernale.

Ella (Stacy Martin) est la fille du propriétaire d’un restaurant parisien. Sur place, elle gère tout : les comptes, les recrutements, le service, l’accueil, les commandes, etc. Un soir, un jeune homme, Abel (Tahar Rahim), débarque dans son restaurant pour travailler. Grand embobineur à l’aisance orale remarquable, Abel fait mine de travailler normalement avant de repartir avec les sous de la caisse. Ella, en allant à sa poursuite, se retrouve embarquée dans un club sous-terrain où la pègre parisienne tente de se refaire à la roulette ou au punto banco, auquel Abel est complètement accroc. Les deux énergumènes passent d’autres nuits ensemble dans ce casino de fortune et tombent amoureux. Quelques mois plus tard, Abel, fauché jusqu’au cou, se retrouve sous la menace d’un recouvreur de dette ultra-violent. La relation entre Ella et Abel prendra alors une autre tournure.

La balade volage

On connaît le refrain, les couplets, les ponts, bref l’ensemble de la chanson. Par cœur même. Un homme volage, égoïste, aussi libre que cloisonné par ses propres addictions et sa propension à l’auto-destruction, va entraîner dans sa chute une jeune fille, ferme et naïve, indépendante mais addict à ce dernier, ivre d’amour et de dévotion. Ce tableau posé dès le départ pour ce premier film de Marie Monge semble manquer, d’entrée, de personnalité. Cette musique, une fois lancée, paraît n’être destinée qu’à réciter les mêmes arcs, les mêmes schémas et les mêmes retournements qui finissent par ne plus en être. Le film est condamné, pris dans ses propres ambitions et englué dans le bourbier impersonnel de ses nobles références.

Joueurs commence comme un film Scorsesien : tournoiements habiles et fluides de la caméra plongée dans l’effervescence d’un lieu qui bouillonne (ici, un restaurant parisien) dans lequel se glisse, plus ou moins par inadvertance, un jeune rookie frimeur, agile et sûr de lui. On se dit qu’après tout, avec ce cadre cinématographique bien connu mais transposé dans des lieux qui n’y sont pas forcément assimilés (le Nord de Paris, la nuit), pourquoi pas ? Joueurs déviera sans doute de sa route. Marie Monge prendra peut être des embranchements inattendus, pour déjouer les clichés et les chemins tout tracés de ces Bonnie & Clyde franciliens. Mais comme les premières scènes du film semblaient l’annoncer, Joueurs ne parvient jamais à voler de ses propres ailes. Il se déroulera et se conclura de la plus plate des manières, là où l’addiction est un puits sans fin où l’on s’engouffre pour souffrir et prendre du plaisir à souffrir, jusqu’à la fin attendue.

Aimer est un jeu, les jeux sont dangereux, donc aimer est dangereux

On ressort de là surpris par tant d’énergie. Amusé de quelques scènes ludiques dans le casino. Conquis par les quelques sursauts romantiques qui semblent s’imposer, avec assurance, au sein d’une histoire de petites frappes aux gros sous. Mais fondamentalement déçu par le déploiement d’une intrigue qui multiplie les clichés lourdingues. Oui Abel est aussi libre qu’emprisonné. Oui la souffrance est une sorte de plaisir. Oui aimer peut être une addiction. Oui l’amour est aussi un jeu. Tout ça, on le savait déjà. Récemment, d’autres cinéastes se sont déjà essayés à la synthèse d'une psychologisation des relations hommes/femmes à travers une binarité plus ou moins troublée (l’affrontement psychologique dans Mon Roi, la tension et la fierté dans dernière la trilogie en noir et blanc de Philippe Garrel), et si Marie Monge semble apporter un agréable vent de fraîcheur aux decorums bourgeois au sein desquels ils prennent systématiquement place, elle ne fait qu’en déplacer les stéréotypes dans le Paris crasseux des bars PMU et des épis de maïs grillés.

Joueurs de Marie Monge, en salle le mercredi 4 juillet. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Marie Monge a de l’ambition, de l’énergie et du talent. Mais toute la fougue contenue dans « Joueurs » finit par être cadenassée par le schématisme d’une intrigue amoureuse perturbée par des recouvreurs de dettes et autres voyous de fortune que l’on ne connaît que trop bien. Affaire à suivre.

Peut mieux faire

Note spectateur : Sois le premier