Délicieux : Grégory Gadebois s'émancipe grâce à la cuisine

Délicieux : Grégory Gadebois s'émancipe grâce à la cuisine

CRITIQUE / AVIS FILM – "Délicieux", le dernier film de Eric Besnard, met en appétit, autant par son récit que par son contexte historique. Avec Grégory Gadebois, Benjamin Lavernhe, Isabelle Carré et Guillaume de Tonquédec.

Plaisir des sens

Délicieux… Rien que l’évocation de cet adjectif plein de promesses titille les papilles, les yeux et même l’odorat. Délicieux est le nom donné par le cuisinier Pierre Manceron (Grégory Gadebois) à son invention en l’honneur de son maître, le Duc de Chamfort (Benjamin Lavernhe). Un délicat petit choux à base de truffes et de pommes de terre, que les convives choisis sur le volet jugent pourtant indigne de leur condition. Délicieux est surtout le titre du dernier film très réussi d'Eric Besnard (L’Esprit de famille, Le Goût des Merveilles) et co-scénarisé avec Nicolas Boukhrief.

Délicieux
Délicieux ©SND

Le film part d’un malentendu culinaire et d’une double humiliation. D’abord, la vexation ressentie par le Duc qui devait faire bonne figure avec un repas digne d’un Roi, en vue de sa venue au Château de Versailles. Ensuite l’humiliation de ce boulanger devenu marmiton puis maitre-queue du Duc, qui préfère partir plutôt que de s’excuser d’avoir fait preuve d’originalité. Car Pierre est un homme du peuple parti de rien, et qui doit au Duc la mise en valeur de son talent.

Le film montre très bien le prix à payer de l’ascension sociale et à quel point l’homme se retrouve écartelé entre sa reconnaissance du ventre et la conquête de sa liberté. Car Délicieux aborde avec intelligence la relation interdépendante entre deux hommes orgueilleux qui partagent l’amour de la cuisine. Mais l'admiration mutuelle qu'ils ressentent est biaisée par la confrontation de leurs classes sociales, ainsi que par leur pudeur.

Un souffle de liberté

Le contexte historique a en effet son importance puisqu’il donne à voir, à quelques jours de la prise de la Bastille, le monde en train de changer. Le peuple est en passe de se révolter et de prendre le pouvoir sur la noblesse, qui s’octroie tous les droits sans comprendre qu’elle en abuse. Un entre-deux que ressent également Hyacinthe (Guillaume de Tonquédec), l’intendant du Duc, mais surtout le fils visionnaire de Pierre, Benjamin (Lorenzo Lefebvre). C’est ce dernier qui suggère d'ailleurs à son père l’idée révolutionnaire de transformer le vieux relais de poste familial en auberge, et même de créer ses propres plats.

Mais c’est la rencontre avec la mystérieuse Louise (Isabelle Carré), qui veut apprendre la cuisine auprès de Pierre, qui va être déterminante pour l'avenir de ce dernier. Ayant perdu le goût de cuisiner après son départ, il refuse d'abord qu’une femme, qui plus est plus toute jeune, soit son apprentie. Car à l'époque, les femmes ne sont pas censées s'y entendre en cuisine, malgré les prises de position de la Marquise de Saint-Genet (Marie-Julie Baup). Mais séduit par la volonté de Louise, Pierre va céder.

Délicieux
Délicieux ©SND

Délicieux aborde donc avec entrain le sujet de la transmission d’une passion mais aussi d’un art, et donne à voir à quel point ce partage offre force et courage pour oser et s’affranchir du pouvoir. Le spectateur prend autant de plaisir à regarder et à entendre préparer les plats, qu’à les voir dégustés par les clients ou les divers goûteurs.

Car Délicieux, par ses images si bien filmées de rôtissage et de mijotage et par son vocabulaire soigneusement choisi, renvoie évidemment à d'autres beaux films à portée gastronomique. Ainsi, lorsque l’on voit Pierre s’activer avec sa brigade, on se souvient de l'ambiance stressante de Vatel de Roland Joffé. Et lorsque l’on compte les mets copieux préparés pour la visite gourmande du Duc, on ne peut s’empêcher de penser au gargantuesque Festin de Babette de Gabriel Axel.

Avec son casting aux petits oignons et des personnages qui évitent judicieusement les lieux communs, Délicieux se révèle donc franchement succulent. On vous encourage vivement à voir ce film qui aiguise tous les sens avec émotion et moults métaphores... Mais sans avoir le ventre vide !

Délicieux de Eric Besnard, en salle le 8 septembre 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

À la veille de la Révolution française, "Délicieux" invite avec brio le spectateur dans la cuisine visionnaire d'un homme du peuple qui s'affranchit de son maitre et des règles culinaires.

Note spectateur : 3 (2 notes)