Effacer l'historique : la fable décapante de Delépine et Kervern

Effacer l'historique : la fable décapante de Delépine et Kervern

CRITIQUE / AVIS FILM - Le duo grolandais Delépine-Kervern revient plus en forme que jamais avec "Effacer l’historique". Une fable comique acerbe et percutante, s’amusant de manière aussi maline que régressive de nos rapports aux nouvelles technologies.

Effacer l'historique : nouvelle comédie de Delépine et Kervern

Depuis 2004 et leur premier film Aaltra, Benoit Delépine et Gustave Kervern n’ont eu de cesse d’explorer avec fantaisie, humour singulier et poésie décapante le monde rural, périphérique et populaire de la France. Ils ont creusé un sillon attachant et un regard magnifique sur ces marginaux, ces « gens d’en bas » comme certains seraient mal avisés de nommer. Ces deux-là les regardent avec tendresse, ironie tout en ayant une vision précise sur l’actualité qui secoue notre cher hexagone. S’il ne surprend pas par le traitement, Effacer l’historique fait mouche, souvent. Le duo de réalisateurs signe une comédie terriblement mordante, remplie d’idées hilarantes. Un sacré coup gagnant qui a séduit le jury du Festival de Berlin où le film est reparti avec l’Ours d’Argent du 70e anniversaire.

ERREUR 404

Passé le buzz autour du prix Berlinois, il y a de quoi être sacrément séduit par ce que proposent les deux trublions du cinéma français. Effacer l'historique pose un regard sur les humains et leurs rapports aux nouvelles technologies, aux réseaux sociaux, et aux nouveaux maux de notre société. Une histoire qui s’articule autour de trois personnages : trois voisins du même lotissement, dont les relations se sont nouées sur un rond-point pendant le mouvement des Gilets Jaunes. Il y a Marie (Blanche Gardin) qui après une soirée trop arrosée subit un chantage à la sextape. Bertrand (Denis Podalydès), lui, accro aux micro-crédits, tente désespérément de sauver sa fille du harcèlement qu’elle subit à l’école et sur Internet, dont des vidéos tournent. Et enfin il y a Christine (Corinne Masiero), chauffeuse VTC qui se bat inlassablement pour avoir une meilleure notation sur l’application.

Peur d’une vision réac’ ? Que nenni. Par leurs trouvailles scénaristiques, Delépine et Kervern auscultent avec une férocité irrésistible, les crises sociales et politiques émanant du système libéral. Celles poussant de plus en plus à la précarité et à l’impuissance d’un monde qui broie les plus fébriles.

Ironie mordante

Malgré le ton volontairement caricatural, le tour de force d’Effacer l’historique réside dans la justesse du regard politique. Ils s'appuient alors sur un humour décapant. Ils excellent par l’humour du malaise et par le comique de situation, donnant l’opportunité à tous leurs copains d’exprimer leurs génies dans des petites séquences hilarantes : Benoit Poelvoorde, Vincent Lacoste, Bouli Lanners, Vincent Dedienne ou encore Michel Houellebcq s’en donnent à cœur joie. Concernant le trio en tête d’affiche, c’est en alliant une étrange folie à une douceur bienvenue qu’ils donnent à leur partition une saveur particulière. Ils trouvent une place parfaite et singulière dans l’univers de Delépine et Kervern.

On vous rassure, ici rien de plombant ou de misérabiliste. Avec eux, comme toujours, la poésie découle de ces portraits tendres et attachants. Une nouvelle fantaisie gagnante pour un duo de réalisateurs qui ont su préserver, au fil du temps, leur mordant. Et toutes les petites affres de cette société connectée qui en prennent pour leur grade. Les crédits à la consommation, l’ubérisation de la société, l’addiction aux séries, les chantages à la sextape, le harcèlement numérique, le démarchage téléphonique... Rien n'échappe au regard avisé et ironique des réalisateurs français. Et en ces temps troubles, mieux vaut en rire qu’en pleurer.

 

Effacer l'historique de Benoît Delépine et Gustave Kervern, en salle le 26 août 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Avec poésie et un humour décapant, Benoît Delépine et Gustave Kervern poursuivent dans la veine d'un cinéma social aussi drôle que mordant. Leur dixième film est un très bon cru.

Note spectateur : 2 (2 notes)