First Cow : Walden façon Kelly Reichardt

First Cow : Walden façon Kelly Reichardt

CRITIQUE / AVIS FILM - Après le drame "Certaines femmes" centré sur le destin de quatre femmes, Kelly Reichardt offre avec "First Cow" une plongée dans la nature au travers d'un homme mis en danger par l'industrialisation.

Une observation sensible sur le monde

En 2016, trois ans après Night Moves, Kelly Reichardt était une fois de plus mise en avant au festival de Deauville avec Certaines femmes. Alors en compétition, le film avait reçu un accueil plutôt froid de la part des festivaliers qui, dans leur majorité, sont rarement très réceptifs à un cinéma trop intime et contemplatif. On se souvient que, l’année suivante, c’est A Ghost Story qui en avait laissé plus d’un sur le carreau. Heureusement, pour celui-ci, la critique comme le jury ne s’y étaient pas trompés - le film repartant avec le Prix du jury, le Prix de la critique internationale et le Prix Kiehl's de la Révélation. Rebelote donc en 2020 pour les Deauvillois avec cette fois First Cow qui permettait à Kelly Reichardt d’être à nouveau au programme du festival du film américain.

First Cow
First Cow ©A24

Le film s’ouvre sur une jeune femme qui découvre des ossements dans une forêt. Si l’on s’imagine le pire (un meurtre ?), Kelly Reichardt ne compte pas raconter une histoire macabre. Les restes de deux corps humains ont été déterrés, et la cinéaste compte nous raconter leur histoire. Ainsi, dans une transition d’une grande finesse nous voilà revenant dans le passé, à l’époque des expéditions de trappeurs en Amérique. On y découvre Figowitz, surnommé Cookie en raison de son rôle au sein d’une petite équipe de trappeurs. Il est celui chargé de la cueillette et de fournir un minimum de rations. Mais à l’évidence, lui, se contenterait bien d’observer la nature.

First Cow, le western atypique

Par ce personnage Kelly Reichardt offre une opposition saisissante entre le désir d’un monde encore sauvage, et la modernisation qui est en train d’avoir lieu. Cet autre aspect du film est notamment symbolisé par un Chinois rencontré par Cookie. Celui-ci, bien que poursuivi pour meurtre, gagne la confiance de Cookie. Tous deux noue alors une amitié, allant vivre ensemble dans une cabane reculée du reste de la population. Dès lors leur quotidien s’apparente à la retraite de Henry David Thoreau décrite dans Walden ou la Vie dans les bois. First Cow poursuit la même réflexion sur la nature et l’économie, les besoins de l’homme et ses envies. Cookie se serait bien contenté de vivre ainsi. Mais son ami le pousse à voler le lait d’une vache pour produire quelques gâteaux. D’abord pour leur simple plaisir, puis pour les vendre. On assiste alors à la création d’un marché, d’offre et de demande, qui ne pourra pas durer étant donné le vol nécessaire à la fabrication.

Kelly Reichardt offre donc avec First Cow un western atypique, minimaliste, et dont elle cherche à tirer des questionnements sur la nature humaine. C’est finalement un regard sur la société, le capitalisme et l'industrialisation qui se joue, tout en posant une réflexion sur les rapports humains les plus resserrés. Car si cette amitié est bénéfique à Cookie, elle provoquera également sa perte. Un mal pour un bien ? Probablement à en croire le dernier plan si paisible, d’une tranquillité enfin retrouvée au cœur de la nature.

First Cow de Kelly Reichardt, en salle le 20 octobre 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Kelly Reichardt poursuit dans son style habituel (lent, sensible et intimiste) son observation de la nature humaine. Difficile dans son rythme, mais passionnant dans sa réflexion sur le monde.

Note spectateur : Sois le premier