Fourmi : l'amour d'un fils pour son père

Fourmi : l'amour d'un fils pour son père

CRITIQUE / AVIS FILM - "Fourmi", nouvelle réalisation de Julien Rappeneau après "Rosalie Blum", avec François Damiens et Ludivine Sagnier, est un portrait à hauteur d’enfant qui montre que l’amour d’un fils peut aussi sauver un homme.

Fourmi est la seconde réalisation de Julien Rappeneau après Rosalie Blum, et sa deuxième adaptation d’un roman graphique (en l’occurrence, Dream Team des Espagnols Mario Torrecillas et Arthur Laperla). Le réalisateur semble aimer les personnages au pied du mur, un peu paumés. On l'a rencontré et il reconnaît en effet « un parallèle entre les deux films à propos d’histoires de personnages sans espoir, un peu bloqués dans leur vie, qui pensent que ça ne bougera plus ».

En effet, ici Laurent (François Damiens) a perdu son boulot, a divorcé. Pour affronter sa vie, il s’anesthésie avec l’alcool. Et ce qui l'empêche de sombrer complètement, c’est son fils Théo (Maleaume Paquin). Malgré sa petite taille, d'où son surnom de "fourmi", Théo a treize ans et un vrai talent de footballeur dans le petit club de sa ville.

Julien Rappeneau décrit avec subtilité l’atmosphère d’une petite ville de province qui a connu la désindustrialisation, sans doute la délocalisation, et a vu ses habitants privés de leur emploi. Ainsi, en hors-champ, Fourmi se lit aussi comme un film social, ancré dans la dure réalité à laquelle sont confrontés les anciens ouvriers désœuvrés. Comme Laurent, ils sont accoudés au bar dans lequel subsistent les vestiges d’un combat syndicaliste d’un autre temps. A un moment, Théo viendra même échanger quelques ballons avec son père dans les vieux bâtiments de son ancienne usine.

Celles et ceux qui ont accompagné leurs fils lors de matchs de football reconnaîtront sans peine l’ambiance autour du stade : les parents qui hurlent sur les adversaires, tentent de se substituer sur le terrain à l’entraîneur avec des consignes contradictoires et fichent souvent la honte à leurs enfants. Laurent, c’est un peu l’incarnation de tous ces hurleurs, la picole en plus. Connu comme le loup blanc créateur de problèmes, il n’est plus le bienvenu sur le stade. Il est tenu le plus possible éloigné des moments clé du club par l’entraîneur Claude (André Dussollier), qui missionne son neveu Antoine (Sébastien Chassagne), plus passionné par la pâtisserie que par le sport.

Un petit mensonge peut avoir des conséquences inattendues

Le réalisateur-scénariste met très bien en scène cette relation touchante père-fils, ou plutôt fils-père, tant Théo porte son père à bout de bras. Les rôles sont inversés, c’est lui qui gère les horaires et lui fait la morale. Il ne le juge pas, car il sait bien que la vie de son père est difficile, mais il sait qu’il ne peut pas compter sur lui. Laurent est, malgré lui, un père défaillant, et même si l’amour entre les deux est très fort, il ne suffit pas. Heureusement, sa mère Chloé, qui a refait sa vie, est un socle sûr. Ludivine Sagnier, qui jouait d’ailleurs la maman de Maleaume Paquin dans Rémi sans famille, poursuit ce rôle de mère.

On reste pourtant un peu réservé sur la crédibilité du couple Damiens-Sagnier, mais le réalisateur assume ce choix, car « on se dit que la vie a abîmé leur couple et on peut fantasmer ce qu’il a dû être avant le divorce ». Les ex ne s’adressent en effet plus la parole, beaucoup de colère existe encore entre eux, et comme de nombreux enfants de divorcés, Théo fait le lien entre les deux. De plus, son beau-père Éric (Nicolas Wanczycki) est fort sympathique et le jeune garçon doit aussi gérer un conflit de loyauté envers son père pour ne pas en rajouter à sa peine.

Alors, quand Théo a la possibilité de faire croire à son père qu’il a été repéré par le recruteur du Club d’Arsenal, il n’hésite pas une seconde. Un petit mensonge pas si anodin, car Laurent, heureux de cette perspective d’avenir, va se mettre en tête de l’accompagner en Angleterre. Il décide de changer sa vie, de se prendre en main et de retrouver un appartement et un travail. Mais le plus difficile sera de convaincre l’assistante sociale Sarah (Laetitia Dosch) et son ex-femme de le laisser partir avec Théo. Laurent apprend l’anglais sur une mélodie - par ailleurs composée comme toute la musique du film pour sa seconde collaboration par Martin Rappeneau qui, aux yeux de son frère, s'avère « très précieux par son humour, son humanité et son regard, qui n’est pas seulement celui du musicien mais aussi du lecteur de scénario très en amont du processus créatif ».

Le parti pris de partager avec le spectateur le secret de son héros fonctionne bien. La pression monte et devient vite intenable car les mensonges sont de plus en plus gros et de plus en plus nombreux. Le réalisateur montre que le mensonge de Théo a aussi des conséquences sur la vie de son entourage enthousiasmé par ce projet. Comme si Théo avait le pouvoir de redonner vie et espoir, non seulement à son père, mais aussi à toute une ville, et de faire rêver tout ce petit monde par procuration.

Et comme Fourmi est un film qui se veut à hauteur d’enfant, du point de vue de Théo, il est évidemment aidé par l’un de ses amis Max (Pierre Gommé), geek surdoué asocial, dont on se plaît à suivre les idées très futées. Même si certains personnages secondaires auraient mérité d’être davantage creusés et mis en avant, Fourmi est un vrai feel good movie familial, qui fera réfléchir petits et grands et plaira même à ceux qui ne sont pas fans de foot.

 

Fourmi de Julien Rappeneau, en salle le 4 septembre 2019 –  Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

"Fourmi" est un feel good movie sur la relation touchante entre un fils et son père, qui peut se lire aussi bien à hauteur d'enfant que d'adulte.

Note spectateur : 4.05 (1 notes)