Le Garçon et le Héron : la sublime œuvre testamentaire d'Hayao Miyazaki

Le Garçon et le Héron : la sublime œuvre testamentaire d'Hayao Miyazaki

CRITIQUE / AVIS FILM - On ne l’avait pas retrouvé sur les grands écrans depuis 10 ans. Une décennie après "Le Vent se lève", le grand Hayao Miyazaki est de retour avec "Le Garçon et le Héron", son douzième long-métrage.

Le Garçon et le Héron : les thématiques fortes de Miyazaki

Hayao Miyazaki parle régulièrement de mondes féériques, de réalités alternatives, d’écologie, mais aussi de guerre, de rébellions ou encore d’aviation. Pour Le Garçon et le Héron, qui semble être son film testamentaire, le cinéaste réutilise les thèmes de sa magnifique carrière. Dès le départ, à travers une scène d’incendie visuellement impressionnante, qui emprunte des ressorts esthétiques aux mangas, la guerre et la destruction viennent directement s’immiscer dans la vie de notre jeune protagoniste, Mahito.

La disparition de sa mère l’oblige alors à vivre avec son père et sa tante. Un changement dans son quotidien qui va le pousser dans une quête fantastique, inquiétante et introspective à la recherche de sa défunte mère. Hayao Miyazaki emmène alors son personnage dans un monde derrière le monde, un univers entre les univers dans lequel il va apprendre à se connaître et à faire la paix avec son douloureux passé.

Le Garçon et le Héron ©Wild Bunch Distribution
Le Garçon et le Héron ©Wild Bunch Distribution

Comme toujours chez Miyazaki, le héros a un guide. Ici, ce n’est pas la créature noire et mystérieuse de Le Voyage de Chihiro (2002), mais un terrible héron, mi-homme, mi-oiseau, raillard et angoissant. Une relation presque toxique nait alors entre les deux personnages, le garçon se servant des informations du héron, et celui-ci menant en bateau Mahito tel un Gollum à plumes.

Le Garçon et le Héron synthétise ainsi les thématiques de son auteur. Une fois de plus, l’écologie est au cœur du propos, à travers un monde généreux, où la nature dicte sa loi. Elle a repris ses droits, et l’être humain est un danger à expier. Le parallèle est évidemment clair entre un monde contemporain menacé par la pollution et le réchauffement climatique et un univers fictif qui ne tient qu’à un fil - plus exactement à une pierre, comme l’explique le grand sage de ce monde.

La notion d’héritage

Le Garçon et le Héron aborde également la notion d’héritage et de passation. Mahito est alors dans la position de successeur, héritier d’un monde à la dérive. Un monde dont il a la responsabilité nouvelle. Un monde qu’il doit améliorer, amender, corriger, embellir et développer. Le garçon est alors le portevoix d’une nouvelle génération qui récupère un monde en perdition, obligée de rectifier les erreurs de ses aînés.

En cela, Hayao Miyazaki s’adresse aussi directement à ses héritiers. Son héros doit faire un choix, celui de rester dans le monde féérique ou d’affronter la réalité. Une manière pour Miyazaki de parler du poids de l’héritage de sa propre carrière. Le poids d’une filmographie unique et intemporelle, dont il va aussi falloir reprendre les rênes. À 82 ans Hayao Miyazaki va évidemment bientôt prendre sa (vraie) retraite. Quid du studio Ghibli ? Son fils s’est déjà essayé à l’exercice avec plusieurs films, mais que va devenir l’œuvre du cinéaste aux mains de ses successeurs ? Sans oublier la volonté du réalisateur de dédier son film à son petit-fils avec comme message "Grand-père part bientôt pour l'autre monde, mais il laisse derrière lui ce film" (via IGN).

Le Garçon et le Héron ©Wild Bunch Distribution
Le Garçon et le Héron ©Wild Bunch Distribution

Des questions qui sont abordées subtilement dans Le Garçon et le Héron, avec le personnage du grand sage, personnification évidente du cinéaste lui-même. Un personnage qui se retire, et qui offre à la nouvelle génération une œuvre fragile, mais sublime. Mahito doit donc affronter le poids de cet héritage. Décider de reprendre la barre d’un monde artistique fictif, ou rester dans une réalité moins féérique, mais qu’il est important de sauver aussi.

Une esthétique renversante et inspirée

Comme toujours avec les studios Ghibli, Le Garçon et le Héron est également une claque esthétique. Certainement l’un des plus beaux films de l’histoire du studio, le long-métrage emmène son audience dans des paysages radieux, à la rencontre de personnages déjà iconiques. Hayao Miyazaki n’oublie pas d’apporter quelques touches d’humour bienvenues dans un récit très sérieux grâce à cette armée de perruches muettes et balourdes souvent hilarantes.

Le Garçon et le Héron ©Wild Bunch Distribution
Le Garçon et le Héron ©Wild Bunch Distribution

Difficile, aussi, de ne pas voir l’influence de Le Roi et l’Oiseau. Qu'elle soit consciente ou non, l’empreinte du classique de Paul Grimault est omniprésente. La figure de l’enfant qui cherche sa place dans un monde médiéval, l’opposition de l’individu à la masse, aux soldats, à la répression, et évidemment la présence d’un oiseau vicieux et manipulateur ne sont que les exemples les plus frappants. On peut par ailleurs retrouver quelques similitudes avec le premier segment de Memories, où les personnages déambulent dans des couloirs hypnotiques à la recherche d’une chimère qui causera leur perte.

Quoi qu’il en soit, Le Garçon et le Héron est une œuvre phare dans la carrière de son auteur. Une proposition sublime, touchante, fédératrice des thématiques et des passions de monsieur Hayao Miyazaki. Un film parfait pour comprendre ses 50 ans de cinéma.

Le Garçon et le Héron d'Hayao Miyazaki, en salles le 1er novembre 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos vidéos.

Conclusion

Note de la rédaction

"Le Garçon et le Héron" est une œuvre phare dans la carrière de son auteur. Une proposition sublime, touchante, fédératrice des thématiques et des passions d'Hayao Miyazaki. Un film parfait pour comprendre ses 50 ans de cinéma.

Note spectateur : 5 (1 notes)