Godzilla II : Welcome to Deception Park

Godzilla II : Welcome to Deception Park

CRITIQUE / AVIS FILM - L'affrontement titanesque pour le trône dans "Godzilla II : Roi des Monstres" fait long feu, offrant à l'hIstoire de Godzilla un nouveau film trop peu efficace et fondamentalement inutile. L'orgie d'effets spéciaux ne suffit pas à ranimer les spectateurs assoupis par un scénario sans queue ni tête et un casting qui lui-même semble ne pas y croire.

Godzilla II : Roi des Monstres était attendu, et il a déçu cette attente. Le pire n’étant pas la déception, d'autant plus vivace que les trailers laissaient rêveur, mais bien la manière inexplicable par laquelle le film se saborde lui-même. Alors qu'on s'attendait à un grand combat, simple et spectaculaire, entre le monstre légendaire Godzilla et ses semblables, le film s'enferme progressivement dans un récit où le spectaculaire réside surtout dans la nullité de son scénario. Un vertige donc, mais pas du tout celui attendu.

Grands monstres et petits humains

L’histoire de cet affrontement entre les Titans, imaginée pour remettre la couronne sur la tête de Godzilla, débute dans les décombres de San Francisco, où la famille Russell cherche son fils Andrew. Cinq ans plus tard, Emma Russell (Vera Farmiga) est séparée de Mark (Kyle Chandler), son mari et père de leur maintenant unique enfant, Madison (Millie Bobby Brown), et supervise le réveil d’un Titan sur un des sites de l’entreprise Monarch, Mothra.

Au moment de ce réveil, que le Dr Russel maîtrise grâce à l’ORCA, un appareil de bioacoustique pour communiquer a minima avec les monstres, le site est attaqué par des éco-terroristes décidés à libérer tous les Titans pour punir l’humanité de son comportement : pollution, surpopulation, surconsommation, etc.

C’est déjà trop. En attendant Godzilla et ses adversaires, les scénaristes mettent en place des lignes narratives qui vont se tuer dans l’œuf, elles-mêmes. Il y a l’enjeu de recomposition familiale, un classique du cinéma d’aventure des années 90 magnifié par Jurassic Park de Steven Spielberg. Il y a la présence d’organisations plus ou moins clandestines et plus ou moins bien intentionnées, cadeau des années 2000 et de sa passion pour les anti-héros.

Pourtant, les bandes-annonces promettaient de se concentrer sur de la bonne bagarre de monstres gigantesques, une version organique et écaillée de Pacific Rim, avec du feu nucléaire, des bestioles sorties de l’Enfer et des délires enthousiastes d’amateurs de monstres en quête de records : la taille, la violence, les « armes », tout devait être démesuré.

Godzilla II : "you had one job" ...

C’est exactement ce traitement de la « démesure » qui pose problème. D’un côté, Godzilla et Ghidora s’affrontent dans un combat réellement homérique, de l’autre, les humains pataugent dans une quasi série Z, qui accumule tous les mauvais points du genre, et du cinéma en général. Le scénario est au mieux très confus, lorsqu’il ne prend pas ouvertement son public pour un imbécile. Il y a, par deux fois, la séquence du sacrifice totalement inutile d’un personnage a priori important. Sacrifice pour l’humanité, ou sacrifice pour expier sa faute, dans les deux cas le résultat est très gênant.

Le Dr Emma Russell semble expérimenter un malaise durant tout le film, et on ne sait pas si ce malaise appartient à l’ambiguïté morale de ses décisions, ou si Vera Farmiga est gênée de la nullité avec laquelle cette ambiguïté est proposée. Il y a une indécision dans la trame humaine du film qui confine à la pure incompétence. Les personnages sont nombreux, mais ne servent à rien, ils se serrent dans des salles de commandement, dans lesquelles encore de nombreux personnages anonymes s’activent en arrière-plan devant des consoles lumineuses. Oui, exactement ce dont tout le monde rit depuis maintenant des lustres.

On n’oubliera pas le tout petit rôle de l’armée, largement reléguée derrière l’agence militaro-scientifique Monarch pour s’occuper des Titans, qui, c’en est presque drôle, tire un missile de nouvelle génération dans leur coin, presque honteusement, sans préavis ni réelle suite.

Il y a à sauver, pour la forme, les quatre vrais protagonistes du film, qui nous réveillent à grands coups, et grands cris : Godzilla, Ghidora, Mothra, et Rodan. Chacun a son univers visuel et sonore, sa couleur et sa musique, et il y a un réel effort fait sur les chorégraphies numériques mises en place pour tenter de mettre les spectateurs en transe épileptique. C’est parfois réussi, et l’affrontement final est une très bonne séquence. Mais elle arrive au bout de presque deux heures de narration très bancale, où à chaque apparition d’un Titan succède une scène lénifiante de discussions sans aucun intérêt des humains qui essayent tant bien que mal d'influer sur le chaos ambiant.

Une sortie de route inexplicable

Trop long, trop mal narré, mal monté, Godzilla II : Roi des Monstres se rate presque totalement, à l’exception donc de quelques séquences visuelles très impressionnantes. Mais le gigantisme des monstres est trop souvent annulé par la petitesse des séquences dialoguées, et par l’enfermement de la catastrophe dans des situations issues d’un cinéma très moyen du XXe siècle. Tout ça sans compter, et l'ennui ressenti vient aussi de ce point, que le montage ne permet jamais de vraiment se rendre compte du gigantisme de Godzilla ou de Ghidora.

Il est très étrange que ce film du MonsterVerse de la Warner soit autant hors-sujet. A l’heure où les genres fantastique et d’action se décomplexent, assumant l’inutilité d’un scénario pour se concentrer sur la plasticité de séquences spectaculaires, Godzilla II : Roi des Monstres se cherche un sens avec un amateurisme flagrant.

L’origine très politique de Godzilla, les essais nucléaires organisés dans le Pacifique, est ainsi renversée, pour vanter la nucléarisation salutaire du monstre. L’argument écologique est posé à l’extrême, mais son traitement est expédié, suggérant une morale très douteuse sur le point de la cohabitation entre les espèces sur la planète.

Puisque Kong : Skull Island avait, lui, eu du succès, et que déjà les esprits sont tournés vers l’affrontement Godzilla vs. Kong, ce film semble être une mise en bouche un peu bâtarde, destinée à rassoir Godzilla sur son trône de roi des monstres avant de le confronter au gorille géant. Ainsi, Ghidora peut être aussi grand et méchant que possible, Mothra aussi délicate et esthétique que possible (il y a là un sexisme certain), on devine assez vite l’issue de la confrontation « royale » de ce Godzilla II, et on la découvre donc sans aucune surprise au bout de deux heures et quart d'un ennui qui est, lui, vraiment démesuré.

 

Godzilla II : Roi des Monstres de Michael Dougherty, en salle le 29 juin 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Les quelques scènes très spectaculaires de Godzilla II : Roi des Monstres pèsent trop peu dans la balance d'un film qui s'embourbe tout seul dans des situations d'un autre temps, opposant à la maîtrise de ces effets spéciaux l'amateurisme rédhibitoire de sa narration. Une énigme.

Note spectateur : 3.06 (14 notes)