Grand Paris : un regard rafraîchissant et singulier sur la banlieue française

Grand Paris : un regard rafraîchissant et singulier sur la banlieue française

CRITIQUE / AVIS FILM - Après quelques courts-métrages, Martin Jauvat passe au long-métrage avec "Grand Paris". Une comédie loufoque emmenée par Mahamadou Sangaré, William Lebghil et le réalisateur lui-même.

Grand Paris : un touchant road movie en transports

Renard (Martin Jauvat) et Leslie (Mahamadou Sangaré), sont deux potes qui ont l'habitude de flâner ensemble. Ils passent toutes leurs journées à deux, à fumer des pétards et à se balader dans leur banlieue, jusqu'à ce qu'ils tombent sur un mystérieux artefact. Persuadés d'avoir trouvé l'objet qui va changer leur vie, les deux amis décident de mener l'enquête pour trouver l'origine de cet étrange talisman. Pour son premier long-métrage, Martin Jauvat avait envie de parler de son univers, de son quotidien, et de son adolescence dans sa banlieue parisienne.

Même si Grand Paris n'est pas le chef-d’œuvre du cinéma français de cette année 2023, c'est une proposition touchante et rafraîchissante. Martin Jauvat offre un regard frais, loin des clichés, de la violence et de la noirceur souvent dépeints. Avec beaucoup de naïveté et de bienveillance, il propose un road movie en transports en commun plein de fantaisie, d'humour et de gentilles absurdités.

Grand Paris ©JHR Films
Grand Paris ©JHR Films

Mais d'abord, Grand Paris est un film qui met à l'honneur tous les "galériens" de la banlieue. Il montre le monde de la bedave, du grec, du survêt, du verlan, de la punchline, de la flemme et de la flegme avec un regard indulgent. Il n'y a pas de violence, pas d'embrouille avec la police, pas d'engueulade avec les parents ou les profs, simplement l'histoire de deux potes qui rencontrent des gens (dont William Legbil, génial en transporteur défoncé à la weed) et font des trouvailles. Le film est ainsi un ovni sympathique, une proposition qui mélange les genres avec un certain talent.

Un film mélancomique

Cette aventure légère, burlesque, presque grotesque, est agrémentée de fulgurances émotionnelles marquantes. Parce que Renard et Leslie ont un potentiel émotionnel remarquable. Difficile de ne pas s'attacher à ces deux losers magnifiques, qui ont toujours une répartie d'enfer, et le bon mot pour faire rire les spectateurs. Pour reprendre les mots de Martin Jauvat, Grand Paris est une aventure "mélancomique", à la fois mélancolique donc, mais aussi remplie d'un humour joviale, jamais scénique, rythmé et toujours placé au bon moment et au bon endroit.

Grand Paris ©JHR Films
William Lebghil - Grand Paris ©JHR Films

On y trouve également un regard plein de véracité sur une jeunesse qui cherche sa place, qui se questionne sur son but dans la société, inquiète de la menace du surplace, de la stagnation existentielle, et de l'absence d'opportunité. Et un regard sur la vie en milieu urbain, sur les galères de transports, sur le quotidien d'un peuple qui décide de continuer à vivre au grès des horaires, des obligations sociétales, et qui continue à rêver à une vie meilleure, pourquoi pas, dans les étoiles.

Une dernière partie décevante

Si toute la première partie du film est absolument géniale, et emporte les spectateurs dans cette aventure urbaine touchante et drôle, Martin Jauvat s'enferme ensuite dans une seconde partie plus poussive. Le long-métrage sombre dans une autre dimension lors de l'apparition de Sébastien Chassagne en théoricien du complot. Grand Paris s'embourbe alors dans une intrigue de science-fiction pas forcément utile.

Une sous-intrigue fantastique qui n'était clairement pas indispensable au récit de Grand Paris. Tout le passage sur le complotisme et cette errance dans les égouts est beaucoup trop long. Martin Jauvat a le mérite d'aller au bout de sa vision, quoi qu'il en coûte, et de proposer une intervention de la science-fiction inattendue. Mais l’exécution patauge. La faute à un manque de moyen qui gâche le final par ses effets spéciaux médiocres.

Grand Paris ©JHR Films
Grand Paris ©JHR Films

Dommage, car cette petite touche d'amateurisme et de maladresse donne une âme à la première partie de Grand Paris, et fait écho aux thématiques abordées par le réalisateur. Une histoire lancinante et flegmatique qui raconte l'ennuie que les jeunes des banlieues doivent affronter, par manque d'argent, d'accès ou tout simplement d'intérêt des autres faces de la société.

Grand Paris aurait sans doute gagné en force et en impact si Martin Jauvat était resté dans une approche plus cartésienne. Et même si sa volonté d'aller dans un cinéma de science-fiction est évidemment un hommage à sa propre cinéphilie, au cinéma de son adolescence, au cinéma de Steven Spielberg qui confronte personnages communs et destin extraordinaire, et que le fait de mélanger les deux genres (sur le papier) est une bonne idée, le manque de moyen dessert incontestablement la portée de Grand Paris.

Grand Paris de Martin Jauvat, en salles le 29 mars 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"Grand Paris" est naïf et attachant. Une aventure sur l'amitié, souvent très drôle, au rythme posé et à la bonne humeur communicative. On passe un bon moment malgré quelques touches d'amateurisme et une dimension fantastique pas forcément nécessaire.

Note spectateur : Sois le premier