J'irai mourir dans les Carpates : la galère de trop pour Antoine de Maximy ?

J'irai mourir dans les Carpates : la galère de trop pour Antoine de Maximy ?

CRITIQUE / AVIS FILM - "J'irai mourir dans les Carpates" emmène Antoine de Maximy, Alice Pol et ses potentiels spectateurs dans une mésaventure gênante.

Une bonne idée qui se transforme en malaise

Difficile, même douloureux, de voir un film se désagréger sous vos yeux... Après le plutôt réussi documentaire J'irai dormir à Hollywood, le réalisateur - routard - animateur de télévision Antoine de Maximy passe à la fiction avec J'irai mourir dans les Carpates, mais en s'appuyant toujours sur le format qui l'a rendu célèbre, à savoir voyager autour du monde et le faire découvrir en allant dormir chez les locaux des pays visités. L'émission était drôle, surprenante, elle pouvait faire apprendre des choses, c'était une réussite. Tout le contraire de J'irai dormir dans les Carpates.

Tout commence avec la disparition accidentelle du réalisateur, dans son propre rôle donc, en Roumanie. Catastrophés et craignant le pire, son producteur et sa monteuse Agnès (convaincante Alice Pol) décident néanmoins de monter les rushes qu'ils ont récupérés. Mais Agnès veut croire qu'il n'est pas mort, et qu'en explorant les images récupérées elle va identifier une piste pour le retrouver. Sur le papier, et dans son premier tiers, la mayonnaise prend. Avec cette vague référence au chef-d'oeuvre Blow up, on s'amuse à chercher avec Agnès des indices. Mais une fois la piste trouvée, qu'ont été identifiés les images et les sons qui lui permettent de l'affiner, la suite laisse franchement à désirer.

J'irai mourir dans les Carpates

Tout d'abord, le personnage de Laurent, flic-psychologue un peu benêt interprété par Max Boublil, ne se décide pas vraiment entre être comique ou attachant, nécessaire ou superflu. Incapable de réellement servir à l'enquête, il est surtout là pour donner une dimension sentimentale au film dans la relation qu'il développe avec Agnès. Ensuite, puisque Antoine de Maximy n'est pas mort, très difficile de croire qu'il l'est dans le film. Le passage du format documentaire à celui de la fiction ne fonctionne donc pas, ou alors petitement et à grands renforts de scènes mi-stressantes mi-gênantes tendant à faire naître les soupçons sur les habitants des Carpates. Problème, ces soupçons se vérifient, et tirent des Carpates et de la Roumanie un portrait au moins condescendant, au pire xénophobe.

J'irai mourir dans les Carpates : Borat sans l'humour et le talent

Alcooliques, pauvres, sales, infidèles, voleurs et meurtriers, la description faite des lieux et de leurs habitants confine au malaise. Alors bien sûr, c'est une fiction, mais puisqu'elle utilise le format documentaire de J'irai dormir chez vous, difficile d'accorder la suspension du jugement moral propre à la fiction. Dommage, il y avait sûrement beaucoup mieux à faire si la fiction avait été totalement assumée. Les Carpates, c'est Dracula, pourquoi ne pas utiliser mieux cette culture fantastique ? Pourquoi ne pas assumer la fiction en créant un endroit inexistant, en y ajoutant pourquoi pas du fantastique, du surnaturel ?

C'est ici que le film coince : en gardant son approche réaliste, on se dit que la Roumanie ressemble bien à cela, un endroit perdu, méprisé, pauvre au possible, peuplé d'individus mal intentionnés et où on peut craindre pour sa vie à chaque coin de rue. Bien sûr, Antoine de Maximy n'a jamais fait de pub pour un pays qu'il aurait visité, dans un sens ou dans l'autre, mais dans J'irai mourir dans les Carpates, ce n'est rien d'autre qu'une petite représentation de l'enfer. La Roumanie est-elle comme il la dépeint ? Non, car c'est une fiction, mais que fait-on alors de son enracinement dans un cadre qui se veut très réaliste ?

Un tout petit peu drôle, un tout petit peu intéressant, mais surtout très mal foutu, J'irai mourir dans les Carpates se rate dans le non-choix, ou alors l'absence de maîtrise, concernant la fiction et le documentaire. Une fois que l'enquête sur les images est terminée, une première partie de film réussie, notamment grâce au talent d'Alice Pol, l'ennui et la désapprobation émergent d'un coup, pour finalement poser la question : quels sont l'objet et le sens du film ? Très mauvais film policier aux descriptions plus que douteuses, le départ d'Agnès et du lieutenant Laurent pour les Carpates finit d'inscrire le film dans la fiction en même temps qu'il s'en éloigne en s'accrochant au drame réaliste qui se joue : les habitants des Carpates ont-ils tué Antoine de Maximy ?

J'irai mourir dans les Carpates n'est pas une comédie, n'est pas une romance, pas un documentaire et n'est surtout pas un thriller policier digne de ce nom. C'est un ratage et c'est dommage, parce qu'Antoine de Maximy et ceux qui l'entourent valent bien mieux que ça.

 

J'irai mourir dans les Carpates d'Antoine de Maximy, en salle le 16 septembre 2020. Ci-dessus la bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Avec sa popularité et une idée sur le papier intéressante, Antoine de Maximy avait éveillé la curiosité avec son film "J'irai mourir dans les Carpates". Intérêt finalement vain, c'est un film qui maîtrise très mal l'alliage du documentaire et de la fiction, pour finir en une aventure faiblarde et malaisante. Ni fait ni à faire.

Note spectateur : 1.5 (2 notes)