Kanun, la loi du sang : un polar romantique à la Refn

Kanun, la loi du sang : un polar romantique à la Refn

CRITIQUE / AVIS FILM - Jérémie Guez reste fidèle à son cinéma avec "Kanun, la loi du sang", son troisième long-métrage qui propose une tragédie romantique au sein du milieu mafieux albanais de Bruxelles.

Kanun, le nouveau Jérémie Guez

Depuis plusieurs années, Jérémie Guez intrigue par sa compréhension du cinéma de genre. Ou plutôt dans sa manière de l’aborder de manière épurée et directe. On le sentait déjà dans son écriture - il est romancier mais également scénariste de Burn Out ou encore Boîte noire de Yann Gozlan. Et dès lors qu’il fit son passage derrière la caméra avec Bluebird (2018), thriller de vengeance se déroulant dans une Belgique pluvieuse.

Kanun, la loi du sang
Lorik (Waël Sersoub) - Kanun, la loi du sang ©The Jokers

La thématique de la vengeance était encore au centre de son polar à l’américaine Sons of Philadelphia (2021), rappelant derrière son classicisme l’efficace Quand vient la nuit (2014). Et toujours bien là avec Kanun, la loi du sang, son troisième long-métrage, qui nous fait découvrir cette fois la culture des Balkans, plus précisément la communauté albanaise.

Tragédie au sein de la mafia albanaise

Après avoir fui l’Albanie dans sa jeunesse, Lorik s’est installé à Bruxelles. Désormais jeune adulte, il est une petite frappe qui suit les ordres d’Aleks, lui-même un “simple soldat” d’un clan mafieux. Aleks est comme un père pour Lorik, ce qui rend d’autant plus problématique le “kanun” invoqué.

Si le terme est à l'origine une sorte de code civil en Albanie, la mafia s'en sert régler des conflits. Dans le film, alors qu’un membre de la famille de Lorik a tué un homme, le fils de cette victime réclame une dette par le sang, la mort de Lorik. Et c'est à Aleks que revient la lourde tâche d’éliminer son protégé.

Kanun, la loi du sang
Lorik (Waël Sersoub) et Aleks (Arben Bajraktaraj) - Kanun, la loi du sang ©The Jokers

En apparence, Kanun donne la sensation de ne pas être extrêmement original dans son récit et son avancée - bien que l'aspect tragédie grecque est toujours passionnant. Sans surprise, Lorik tombe par exemple sous le charme de Sema, une jeune turque barmaid la nuit, et étudiante aux Beaux-Arts le jour. Mais l’intérêt du film de Jérémie Guez est ailleurs. Principalement dans sa mise en lumière d’une culture peu représentée à l’écran. Ou du moins, loin des clichés habituels.

De plus, au-delà de l'histoire au sens large, le réalisateur fait une proposition intéressante avec l'évolution de ses personnages, plus particulièrement son héros, qui réagit à l'instant de manière chaotique. Des protagonistes portés par un beau casting, méconnu, mais au charisme indéniable. On est ainsi vite marqué par le visage serré de Waël Sersoub, la douceur offerte par Tuğba Sunguroğlu (une des révélations de Mustang) ou encore le ténébreux Arben Bajraktaraj (vu dans Missions).

Un polar plus romantique que violent

On pense inévitablement au cinéma de Nicolas Winding Refn devant Kanun. D'abord à son premier long-métrage, Pusher (1996, lui-même inspiré par le cinéma américain des années 1970), un polar poisseux dans le milieu de la pègre danoise qui révéla Mads Mikkelsen. De ce film naîtra une trilogie avec Pusher 2 (2004) et Pusher 3 (2005), et chez certains une véritable fascination pour Refn. Mais c’est davantage en 2011 avec Drive que le Danois se fait remarquer auprès d’un plus grand public. Une œuvre plus “propre” et stylisée, comme un tournant dans la filmographie de l’auteur, et qu'on retrouve également dans le polar de Jérémie Guez.

Ce dernier assume entièrement cette influence. Ils nous plongent dans une ambiance mélancolique (comme dans chacun de ses films) et onirique portée par une domination de couleurs rouge et bleue. Avec sa caméra, il suit au plus près ses personnages dans les rues et les clubs de Bruxelles. On retrouve également dans son imagerie quelque chose de l’énergie hongkongaise des années 1980/1990. Comme la première rencontre entre Lorik et Sema qui, l'espace de quelques secondes, n'est pas sans rappeler Les Anges déchus (1995) de Wong Kar-wai ou le John Woo des années 1980.

Kanun, la loi du sang
Lorik (Waël Sersoub) et Sema (Tuğba Sungoroglu) - Kanun, la loi du sang ©The Jokers

Seulement, si les œuvres précédemment citées ne ménagent pas le spectateur en termes de violence et d'explosivité, Jérémie Guez, lui, privilégie un certain romantisme. Par l’histoire d’amour entre Lorik et Sema, mais également dans la relation du jeune homme avec Aleks. Avec Cambodia de Kim Wilde en fond sonore, nous voilà pendant une heure et demie au cœur d'un voyage brumeux et romantique.

Kanun, la loi du sang de Jérémie Guez, en salles le 7 décembre 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"Kanun" est un polar efficace qui porte un regard pertinent sur la culture albanaise. L'occasion également de découvrir deux jeunes interprètes, Waël Sersoub et Tuğba Sunguroğlu.

Note spectateur : 5 (1 notes)