La Bataille du rail : errance nocturne d’un loser sympathique

La Bataille du rail : errance nocturne d’un loser sympathique

CRITIQUE / AVIS FILM - "La Bataille du Rail", premier long métrage de Jean-Charles Paugam (co-scénariste de la série Stalk) porte un regard tendre sur son héros, dealer occasionnel attachant. Avec Pierre Lottin, remarquable.

Une toute autre bataille du rail que celle de René Clément

À l’instar d’autres films qui ne sont pas passés par la case sortie en salles en raison du Covid, La Bataille du rail sort directement sur la plateforme Canal +. La Bataille du rail de Jean-Charles Paugam (co-scénariste de la série Stalk), ce n’est certes pas la même Bataille du rail que celle de René Clément. Dans son premier long-métrage, le réalisateur évoque plutôt le rail de coke que son héros Franck (Pierre Lottin) se retrouve devoir écouler. Il le fait pour rendre service à son pote malade Malick (Yasin Houicha), en échange d’un endroit pour dormir. Car enchaînant les galères les unes après les autres, Franck ne peut s’empêcher de taper l’incruste et erre de squat en squat.

La Bataille du rail
La Bataille du rail @ Canal+

Une bataille intime

Mais au fond, la bataille c’est bien contre lui-même que Franck la livre, car il est son pire ennemi. Franck a promis de tout vendre… mais il va vite se rendre compte qu’il n’est vraiment pas fait pour ce boulot. Même s’il faut bien reconnaître qu’il n’a pas de chance avec les clients de Malick. Ceux-là le malmènent comme une boule de flipper, l’arnaquent, le volent, lui mentent, le contraignent. Le réalisateur et son coscénariste Gérôme Rivière ont eu la bonne idée d’inverser les caractéristiques logiques d'un dealer.

Ils font ainsi rencontrer à Franck une sacrée brochette de consommateurs lambdas, clients plus branquignols et barrés les uns que les autres. Puis ils observent comment Franck se dépatouille.

Et bien que Malick l’ait prévenu que « c’est pas les clients qui font la loi », à chaque client sous pseudo que Franck rencontre, c’est l’embrouille. On croise ainsi 5G (Xavier Lacaille, qui a récemment brillé dans la série Parlement), dans la soirée duquel Franck se comporte en piètre négociateur de doses. Ou Red Star (Benjamin Bellecour), qui lui laisse garder ses gamins et subit l’engueulade de sa femme (Judith Siboni, dans son dernier rôle au cinéma). Ou encore Simone (Laurie Lévêque) qui n’a pas d’argent pour payer la dose de son patron.

N'est pas dealer qui veut

Le personnage de Franck se révèle bien peu dégourdi, parfois naïf, souvent ahuri et pantois face aux situations improbables de ce milieu interlope de la nuit. Mais ce looser sympathique très attachant a de la ressource. Et cela, la dealeuse Nina (Clara Ponsot) l’a bien compris, puisqu’elle décide de l’aider à trouver d’autres clients, tout aussi timbrés. On ne sait pas grand-chose de lui, ni pourquoi ce héros se retrouve dans cette galère. Et on le regrette presque, car sa galère est touchante et on aurait bien aimé connaître son histoire.

On sait seulement que son vocabulaire lui ressemble, comme s’il n’avait pas de temps à perdre avec des phrases ou des explications. Comme lui, il est direct, franc, limité et on a droit à des « ma poule, ma gueule, carrément » en rafale. Ce qui est très réussi dans La Bataille du rail, c’est l’errance nocturne de Franck, qui passe par presque tous les moyens de transport parisiens, à l’image de l’errance de sa propre vie. Elle est accompagnée par de la batterie en improvisation, symbolisant celle de Franck face à ces rencontres qui seraient plus que déstabilisantes pour le commun des mortels.

La Bataille du rail
La Bataille du rail @ Canal+

Puis, au fur et à mesure que le film avance, la musique dissonante du compositeur Franck Lebon se fraye un chemin vers l’harmonie et le calme. Tout comme Franck qui va finalement réussir à trouver sa voie au travers de la pagaille de sa vie.

Pierre Lottin, qu’on a l’habitude de voir dans des rôles plus comiques (Les Tuche), trouve enfin dans La Bataille du rail un rôle dramatique à sa mesure, déjà entrevue dans Un triomphe. Car l’acteur porte littéralement cette très jolie dramédie sur les épaules et lui offre sa pointe de comédie, avec une touche d’ironie et un zest de gentillesse dosés avec justesse.

La Bataille du rail de Jean-Charles Paugam, sur Canal + le 17 octobre 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

"La Bataille du rail" brosse le portrait touchant d'un dealer occasionnel paumé, qui trouve finalement sa voie au cours d'une nuit mémorable.

Note spectateur : 4 (3 notes)