La Maison : Ana Girardot au coeur d'une plongée dans une maison close berlinoise

La Maison : Ana Girardot au coeur d'une plongée dans une maison close berlinoise

CRITIQUE / AVIS FILM - Ana Girardot intègre un bordel berlinois dans "La Maison", premier long-métrage de fiction d'Anissa Bonnefont, réalisatrice du documentaire "Wonder Boy : Olivier Rousteing, né sous X". Un drame qui ne fera pas l'unanimité mais qui a le mérite d'aller au bout de sa démarche.

La Maison : un drame "clivant"

Adaptation de l'ouvrage éponyme d'Emma Becker dans lequel l'écrivaine raconte sa propre expérience, La Maison débute sur la voix off de l'héroïne incarnée par Ana Girardot. S'adressant directement au spectateur, elle annonce avoir eu "une certaine quantité d'idées à la con" dans la vie. Celle qu'elle est sur le point de raconter en fait-elle partie ? Une question à laquelle la réalisatrice Anissa Bonnefont va répondre dans un film qu'elle décrit comme "clivant" et qu'elle ne voulait pas tiède. Et en cela, le long-métrage est une réussite.

Installée à Berlin avec sa petite soeur Madeleine (Gina Jimenez), Emma propose un soir à un ami de rentrer dans une maison close mais ils prennent la fuite au dernier moment. Intriguée, attirée et fascinée par ce milieu sur lequel elle a envie d'écrire, elle décide par la suite de l'intégrer. Emma devient alors Justine. Après une rencontre effrayante avec un client, elle rejoint un autre bordel où l'ambiance est nettement plus chaleureuse. Elle prend goût à son métier, fait des rencontres marquantes et noue des liens d'amitié avec ses collègues, qui ne savent pas qu'elle prépare un projet littéraire.

La Maison
Emma (Ana Girardot) - La Maison ©Rezo Films

En montrant de manière ultra stylisée les relations avec les clients qui permettent à l'héroïne de se découvrir et de faire évoluer son rapport au corps, le film tombe dans une certaine redondance. Certains pourront ainsi arguer que les scènes de passe sont répétitives, ce qui est vrai, et qu'elles sont gratuites, ce qui ne l'est pas. Que le spectateur adhère ou non à la proposition, La Maison embrasse le propos d'Emma Becker et l'évolution de son regard vis-à-vis des travailleuses du sexe, qui gagne en tendresse mais aussi en complaisance. Cela passe notamment par l'esthétisation parfois outrancière des séquences.

Des portraits touchants

Permettant d'approfondir le personnage d'Emma, les scènes de sexe sont également révélatrices de la personnalité des autres prostituées, à commencer par celle de Delilah (Aure Atika). Contrairement à l'héroïne, cette dernière n'a eu d'autre choix que d'aller vers ce métier et son départ précipité de la maison close à la suite d'une expérience traumatisante en dit long sur les souffrances qu'elle a endurées. Le long-métrage présente par ailleurs des clients diamétralement opposés, du timide Philippe Rebbot en quête de découverte et de conseils à d'autres nettement plus violents, ou clamant ouvertement leurs déviances incestueuses et pédophiles.

Les séquences les plus réussies de La Maison sont celles où les prostituées se réunissent et dévoilent leur complicité. Des instants chaleureux où celles qui sont en retrait peuvent véritablement exister, à l'image de Brigida (Rossy de Palma) et Dorothée (Carole Weyers). Le film développe aussi une romance entre Emma et Ian (Lucas Englander), jeune propriétaire d'un bar qui n'a d'abord aucun mal à accepter le métier de sa petite amie, avant que la situation ne devienne extrêmement pesante pour lui.

La Maison
La Maison ©Rezo Films

Enfin, l'aspect le plus intéressant du long-métrage est le point de rupture d'Emma, c'est-à-dire le moment où elle met de côté l'écriture pour être pleinement Justine, où les longs couloirs et les chambres de la maison close deviennent le principal lieu de vie du personnage. Anissa Bonnefont réussit parfaitement à rendre compte de la fascination de son héroïne pour cet univers, aidée évidemment par l'interprétation d'Ana Girardot.

Une fascination trop appuyée dans le monologue final, mais avec lequel la réalisatrice va au bout de sa démarche, à travers un discours sur la beauté de ces corps désirés et sexualisés. Des propos qui risquent là encore de provoquer des réactions frileuses. Ils sont cependant en cohérence totale avec le reste du film.

La Maison d'Anissa Bonnefont, en salles le 16 novembre 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Complaisant mais ne cédant pas aux pièges de la gratuité, "La Maison" raconte deux ans de la vie d'une écrivaine qui prend goût à la prostitution. Une fascination assumée jusqu'au bout, notamment dans les scènes de sexe ultra esthétisées. Le film ne se limite cependant pas à sa vitrine forcément clivante, proposant des portraits touchants.

Note spectateur : 4.5 (2 notes)