La Ruse : une opération captivante mais qui manque de panache

Dommage...

La Ruse : une opération captivante mais qui manque de panache

CRITIQUE / AVIS FILM - Colin Firth, Kelly Macdonald et Matthew Macfadyen tentent de piéger l'armée allemande avec une opération de désinformation dans "La Ruse". Un film qui dispose de nombreux atouts, qui s'avèrent malheureusement insuffisants...

La Ruse : l'art de l'espionnage et de la désinformation

Après Shakespeare in LoveL'Affaire Rachel Singer, Indian Palace ou encore Miss Sloane, John Madden continue de rester dans les clous. Avec La Ruse, le réalisateur britannique hérite une nouvelle fois d'un sujet passionnant, qu'il ne parvient malheureusement pas à transcender en raison d'une mise en scène tristement anecdotique.

Le long-métrage revient sur l'une des manoeuvres les plus reconnues en matière de désinformation, l'opération Mincemeat, organisée en 1943 pendant la Seconde Guerre mondiale. Sous les ordres de l'amiral John Henry Godfrey (Jason Isaacs), plusieurs membres du service de renseignements de la marine britannique entreprennent de tromper l'armée allemande sur le fait que les forces alliées s'apprêtent à envahir la Sicile.

La Ruse
La Ruse ©Warner Bros.

Pour cela, l'équipe menée par Ewen Montagu (Colin Firth) et Charles Cholmondeley (Matthew Macfadyen) va glisser de fausses informations dans les affaires d'un homme dont le cadavre est largué sur les côtes espagnoles. Si leur plan est parfaitement échafaudé, de nombreux imprévus viennent le perturber, mettant en péril des milliers de vie.

La Ruse s'ouvre sur le moment où les espions britanniques s'apprêtent à découvrir si leur stratagème a fonctionné ou s'ils sont à l'origine d'un désastre. En voix-off, le narrateur Ian Fleming (Johnny Flynn), qui participe à l'opération, explique que derrière un conflit apparent se dissimule toujours une guerre secrète. Mais comment la filmer ?

Un développement hasardeux des personnages

Plutôt que d'opter pour une tension latente et silencieuse à l'image de Tomas Alfredson dans le fabuleux La Taupe, qui retranscrivait la cruauté de la bureaucratie à travers un rythme lent insistant sur les regards fourbes, John Madden essaie d'insuffler de la vitesse pour ne pas perdre le spectateur. Une vitesse pour enchaîner des discussions dans des bureaux, puis des discussions dans des clubs, puis des discussions nocturnes dans des rues londoniennes.

Alors que les efforts des personnages pour rendre leurs mensonges véridiques sont suffisamment captivants, John Madden se perd à vouloir fouiller leurs tourments. Il se penche ainsi sur le mariage contrarié de Montagu, puis sur l'attirance de Cholmondeley pour sa collègue Jean Leslie (Kelly Macdonald), qui devient le pivot de l'intrigue lorsqu'elle se joint à l'opération et qu'elle tombe sous le charme de Montagu. Hélas, John Madden abandonne ce protagoniste en cours de route, lui préférant les deux hommes qu'il ne parvient ni à rendre sympathiques, ni touchants.

La Ruse
Jean Leslie (Kelly Macdonald) - La Ruse ©Warner Bros.

Ces derniers ne dégagent que l'austérité et le flegme que James Bond a popularisé au cinéma. Des traits de caractère qui ne s'accordent pas aux émotions que le réalisateur veut faire naître. Qu'il s'agisse de la méfiance, de l'amour qu'ils cherchent à réfréner ou de la peur de voir leur mission échouer, les protagonistes les retiennent en permanence, raison pour laquelle le souffle du film sonne toujours faux. Reste néanmoins l'interprétation solide des comédiens, à commencer par celle de Kelly Macdonald, qui disparaît du dernier tiers d'un long-métrage dont elle est pourtant l'un des principaux atouts.

La recherche du risque zéro

James Madden s'efforce donc de cocher toutes les cases de l'académisme plombant. Outre son casting, La Ruse bénéficie d'un éclairage propre, d'une partition de Thomas Newman propre et d'une reconstitution propre, quoique limitée. Des qualités qui ne masquent que partiellement le manque d'inspiration flagrant, à commencer par celui de la réalisation.

Ce dernier se ressent par exemple au cours d'un assaut final expédié, qui fait le choix d'enchaîner deux cadres particulièrement pauvres avant une ellipse. En revanche, La Ruse n'hésite pas à faire traîner ses ultimes cartons explicatifs, afin de rester dans l'absence de prise de risques jusqu'au bout, préférant laisser au spectateur le temps de lire ce qu'il ne parvient pas à lui faire comprendre par la mise en scène.

La Ruse de John Madden, en salles le 27 avril 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Alors qu'il bénéficie d'excellents comédiens et d'un sujet passionnant, "La Ruse" se sabote avec sa réalisation académique et impersonnelle.

Note spectateur : Sois le premier