L'Amour et les forêts : Virginie Efira impériale dans un thriller intime vertigineux

L'Amour et les forêts : Virginie Efira impériale dans un thriller intime vertigineux

CRITIQUE/AVIS FILM : L'Amour et les Forêts de Valérie Donzelli adapté du roman éponyme d'Eric Reinhardt offre un nouveau grand rôle à Virginie Efira face à un terrifiant Melvil Poupaud. La réalisatrice emprunte autant au cinéma de Rohmer qu'à celui d'Hitchcock pour mettre en scène cette histoire d'emprise mentale.

L'Amour et les Forêts : Valérie Donzelli là où on ne l'attend pas

Présenté hors-compétition au Festival de Cannes 2023, le film L'Amour et les Forêts réalisé par Valérie Donzelli et co-écrit avec Audrey Diwan (L'Événement) est l'adaptation du roman éponyme d'Eric Reinhardt paru en 2014. Au casting, on retrouve deux grands noms du cinéma français : Virginie Efira et Melvil Poupaud.

Le long-métrage débute par une belle rencontre : celle de Blanche et Grégoire, qui tombent très vite éperdument amoureux. Comme dans toute histoire d'amour, les débuts sont idylliques, et Valérie Donzelli sait parfaitement comment retranscrire à l'écran la beauté et l'élan du coeur des premiers émois amoureux avec toute la poésie de son cinéma.

Dans cette première partie, l'empreinte d'Eric Rohmer se fait sentir, tel un rêve éveillé au sein d'une nature resplendissante, baignée d'une lumière bienveillante (on retrouve d'ailleurs une de ses muses, Marie Rivière, qui interprète la mère de Blanche).

L'Amour et les forêts
L'Amour et les forêts © Rectangle Productions

Cependant, lorsque Grégoire convainc Blanche de déménager, rompant ainsi les liens qui l'unissent à sa famille et à sa sœur jumelle, Rose (également interprétée par Virginie Efira, rendant d'autant plus fort le contraste entre celle qui sombre et celle qui vit) cette douce rêverie se mue en un piège impitoyable. L'éclat radieux laisse alors place à l'obscurité insidieuse, engloutissant peu à peu notre héroïne.

De Rohmer à Hitchcock

Déracinée de sa Normandie natale et de ses liens familiaux, Blanche s'installe avec Grégoire dans une grande maison à Metz avec leurs enfants. Peu à peu, le caractère manipulateur et pervers de ce dernier se dévoile. D'abord, des remarques cinglantes viennent effleurer son estime, puis il enserre son existence, surveillant chaque pas, chaque geste, jusqu'à enserrer son esprit tout entier, y compris lorsqu'elle n'est pas avec lui.

La bâtisse, savamment choisie, devient leur théâtre macabre : sans portes entre les pièces, Blanche se retrouve captive des griffes mentales et physiques de son oppresseur conjugal, dont l'ombre menaçante peut surgir à chaque instant, telle une présence fantomatique.

L'Amour et les forêts
L'Amour et les forêts © Rectangle Productions

Virginie Efira et Melvil Poupaud épatants

Pour porter avec intensité ce duo, Valérie Donzelli n'aurait pas pu avoir meilleurs interprètes que Virginie Efira et Melvil Poupaud. La première offre une performance extraordinaire en incarnant avec une justesse saisissante la victime d'un pervers narcissique. À travers son regard, elle parvient à exprimer toute la détresse des victimes qui se voient dépouillées de leur liberté au plus profond de leur espace mental.

De son côté, Melvil Poupaud se révèle charismatique et terrifiant dans son rôle de manipulateur à l'extrême. À travers sa présence physique, il parvient à séduire et à effrayer simultanément. Son jeu subtil et captivant nous emporte dans les méandres de la manipulation, où son personnage oscille entre un charme envoûtant et une menace insidieuse. Poupaud incarne cette dualité avec une maîtrise impressionnante, rendant chaque scène aussi troublante que fascinante.

Le contraste entre la vulnérabilité d'Efira et la cruauté froide de Poupaud amplifie l'intensité de leur relation toxique, nous laissant happés par leur jeu d'une intensité qui monte crescendo, surtout lors des longs plans-séquences voulus par Valérie Donzelli pour prendre la mesure de toute la violence d'une relation d'emprise.

Vers la lumière

Définitivement optimiste, Valérie Donzelli laisse entrevoir que même entravée dans une prison mentale, un chemin vers la lumière est possible pour les victimes. La dernière séquence rend flous les contours de l'oppression qui se fondent dans le décor. Le bourreau, autrefois un tyran tout-puissant, devient un élément insignifiant, submergé par la puissance de la renaissance de sa victime.

L'Amour et les forêts de Valérie Donzelli est à voir au cinéma dès le 24 mai.

Conclusion

Note de la rédaction

Valérie Donzelli s'aventure dans le genre néo-noir en adaptant avec brio le roman d'Eric Reinhardt sur l'emprise mentale à travers un couple joué par Virginie Efira et Melvil Poupaud impériaux. Un grand film qui fait le grand écart entre le cinéma d'Eric Rohmer et celui d'Alfred Hitchcock.

Note spectateur : 5 (1 notes)