Le grand bain : savoureuse plongée dans une belle aventure humaine

Le grand bain : savoureuse plongée dans une belle aventure humaine

CRITIQUE FILM - Gilles Lellouche nous offre un second long métrage parfaitement maîtrisé: scénario enthousiasmant, personnages attachants, dialogues percutants et émotions sont au rendez-vous !

Soit Bertrand/Mathieu Amalric, quarantenaire au chômage, dépressif, comme absent à lui-même et en perte de repères. Il traverse sans nul doute la fameuse crise de transition du milieu de vie. Le psychiatre Carl Jung définissait ce mouvement intérieur comme le "processus d’individuation", ressenti par tout être qui ne trouve plus assez de cohérence intime entre sa vie actuelle et ses aspirations profondes. Bertrand est heureusement soutenu par sa femme Claire/Marina Foïs, patiente et aimante. Sa renaissance et sa remise sur les rails de sa vie vont venir d’un sport improbable, qu’il découvre à la piscine de son quartier: la natation synchronisée masculine.

C'est fragile, aussi, un homme

Dès lors, Gilles Lellouche prend ce prétexte de la découverte de ce club et de cette discipline pour mettre Bertrand en présence d’une palette d’autres personnages sensibles, abîmés par la vie. Avec ses co-scénaristes Julien Lambroschini et Ahmed Hamidi, il parvient très bien à dresser des portraits d'hommes tout en nuances, touchants dans leur vulnérabilité et leurs imperfections. Il s’est focalisé sur la vie de sept personnages, laissant de côté trois gars de l’équipe qu’on aurait aussi aimé accompagner hors de la piscine, au même titre que les autres. Ainsi Basile/Alban Ivanov, d’ailleurs le seul à comprendre et à traduire le nageur sri-lankais Avanish et John/Félix Moati.

On suit ainsi les vies de ces hommes entre les entraînements et les séances de repos au sauna, lieu dans lequel ils fument un joint, se racontent et livrent une part de leur intimité. Ils s’interrogent, doutent, se moquent, mais surtout, ils s’écoutent. Certains en sont au même stade de vie que Bertrand, tels Simon/Jean-Hugues Anglade, musicien sans le sou qui n’a jamais percé, Marcus/Benoît Poelvoorde, mauvais gestionnaire tchatcheur qui enchaîne les faillites d’entreprises ou Laurent/Guillaume Canet, qui cache une grande douleur derrière son côté psychorigide. On avoue avoir eu un vrai coup de cœur pour celui qui bosse à la piscine, interprété par l’excellent Philippe Katerine qui parvient encore une fois à surprendre, tout en conservant sa substantifique moelle et son originalité. Le Thierry qu’il compose est un garçon attentionné, naïf et sans filtre, car c’est le seul à avoir gardé son âme d’enfant et ses rêves.

Dans l'eau, on oublie ses problèmes et on rencontre la grâce

Dans Le Grand Bain, Gilles Lellouche fait aussi la part belle aux deux coachs de l’équipe et évoque deux femmes attachantes et complémentaires. La douce Delphine/Virginie Efira et la dure Amanda/Leïla Bekhti. Celle qui leur lit Rainer Maria Rilke et celle qui leur tape sur les cuisses avec sa badine. Celle qui les encourage et celle qui les insulte. Celle qui ne se remet pas d’un drame et celle qui fait tout pour l’oublier.

Car tous ces hommes ont une façon bien à eux de s’accommoder de leur vie, se noyant tantôt dans la fumette, l’alcool, la musique, le mensonge ou le travail. Mais lorsqu’ils sont dans l’eau, il n’y a plus de différences, ni même de problèmes. En maillot de bain, ils sont tous les mêmes. Ils ne sont plus ces hommes qui souffrent du regard que leurs proches portent parfois sur eux et en ont honte. Ils ne sont plus seuls avec leur tristesse. Ils ne sont plus dans le jugement et d’ailleurs comment le pourraient-ils, avec leurs corps vieillissants, flasques et parfois bedonnants ? Dans l’eau, ils sont libérés de leurs contraintes matérielles et de leurs soucis et tentent d’approcher, ensemble, la grâce.

Le Grand Bain, pour ce qu’il donne à voir de cette équipe de bras cassés qui vont accéder ensemble à leur projet fou, leur rêve en commun, est une véritable réussite. Le film donne en effet une sacrée patate parce qu’il embarque le spectateur dans une aventure humaine formidable, à la manière d’un Full Monty. Ce que traversent les personnages est transmis au spectateur de façon communicative: les moments de déception face à l’ambition et la difficulté du projet, tout comme ceux de joie éprouvés à s’améliorer ensemble, à s’entraider et à découvrir l’amitié. Et la bande son que Gilles Lellouche a choisie, symbolisant les années 80, y est pour beaucoup.

Ce qui est aussi exaltant, c’est que tous les personnages vont sortir transformés de cette épopée, plus forts, plus confiants et désormais en capacité de reprendre leurs vies en main et de devenir qui ils doivent devenir. Aucun n’est laissé sur le carreau, car Gilles Lellouche les aime tous et s’il les traite avec bienveillance, il n’y met jamais de condescendance. Grâce à un casting parfait incluant Jonathan Zaccaï et Noée Abita, Le Grand bain se révèle une comédie aussi tendre que jubilatoire sur l’accomplissement de soi, qui transporte le spectateur dans un tel bonheur qu'il ne manquera incontestablement pas retourner le voir une seconde fois!

 

Le grand bain de Gilles Lellouche, en salle le 24 octobre 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Un film touchant et enthousiasmant qui confirme qu'un projet audacieux en groupe aide aussi à affronter ses propres problèmes existentiels.

Note spectateur : 2.7 (1 notes)