Le Menu : une satire horrifique savoureuse

Le Menu : une satire horrifique savoureuse

CRITIQUE / AVIS FILM - Anya Taylor-Joy et Nicholas Hoult participent à un repas qui vire au cauchemar dans "Le Menu". Organisé par l'énigmatique et machiavélique Ralph Fiennes, ce dîner n'est pas aussi raffiné qu'il n'y paraît mais prend une tournure assez satisfaisante.

Le Menu : un point départ diablement alléchant

Réalisateur d'Ali G et du triste (S)ex List habitué aux séries (Game of Thrones, Shameless, Succession), Mark Mylod revient au cinéma pour la première fois depuis 2011 avec Le Menu. Pour ce retour, le metteur en scène s'aventure dans un genre risqué : le thriller à énigmes, ici ancré dans l'univers culinaire. Le long-métrage débute avec un point de départ terriblement excitant.

Plusieurs clients se rendent sur une île isolée où se trouve le restaurant Hawthorne, tenu par le chef Julian Slowik (Ralph Fiennes). En accueillant ses convives, ce dernier leur promet une expérience gustative inoubliable. Un repas coûtant la modique somme de 1250 dollars et duquel bon nombre d'entre eux ne ressortiront pas indemnes.

Le Menu
Le Menu ©20th Century Studios

La première partie du film est probablement la meilleure. Le long-métrage prend le temps de présenter ses personnages ultra caricaturaux. Parmi les clients, il y a notamment Tyler (Nicholas Hoult), passionné de gastronomie qui adore photographier tout ce qu'il ingère et qui voue un culte au chef Slowik. Il y a également George Diaz (John Leguizamo), l'acteur ami des célébrités accompagné de son assistante Felicity (Aimee Carrero), extrêmement lucide sur le fait qu'elle travaille pour un ringard. Il y a aussi trois jeunes cadres supérieurs venus s'offrir des services hors de prix, partant du principe que puisqu'ils peuvent se le permettre, autant en profiter. Enfin, il y a Lilian Bloom (Janet McTeer), critique renommée capable de faire ou de défaire des carrières.

En plus de développer cette galerie d'individus de manière efficace, Le Menu se sert parfaitement de son cadre pour signifier que quelque chose ne tourne pas rond. Le petit groupe ne s'étonne par exemple pas de voir les conditions de travail drastiques d'employés un peu trop dévoués à leur chef. Il ne s'inquiète pas non plus du comportement pourtant flippant d'Elsa (Hong Chau), seconde de cuisine quelque peu autoritaire.

Des révélations forcément décevantes

À ces éléments déjà effrayants s'ajoute l'attitude glaciale de Julian Slowik. Son premier discours permet au spectateur de faire diverses hypothèses sur la véritable nature de ce repas et le sens caché de ce fameux menu. Les clients vont-ils être empoisonnés ? S'agit-il d'une vengeance personnelle ? D'un kidnapping ?

L'excitation se renforce à la suite d'un premier rebondissement de taille, qui renforce le mystère et continue semer le trouble autour des intentions du chef. Forcément, lorsque celui-ci dévoile son plan, la tension retombe, laissant davantage de place à l'humour.

Le Menu
Le Menu ©20th Century Studios

Le film s'amuse alors de la vanité, de l'insatisfaction permanente et de la grossièreté des personnages à travers des situations volontairement grotesques, mais rarement jubilatoires. Tandis que certains clients sont persuadés que tout cela n'est qu'une vaste fumisterie, d'autres comprennent qu'ils risquent de ne pas passer la nuit mais ne se rebellent pas pour autant.

Malheureusement, Le Menu n'est quasiment jamais à la hauteur des promesses du premier acte fabuleux, qui parvient à trouver l'équilibre idéal entre cruauté, humour noir et satire sociale. Néanmoins, le long-métrage n'est pas avare en péripéties sanglantes. Il réussit même à retrouver l'intensité et la méchanceté du début dans sa conclusion radicale et acerbe.

Deux personnages qui détonnent

Dans cette lutte de classes version miniature produite par Adam McKay et Will Ferrell, deux personnages se démarquent : le chef Slowik et Margot, incarnée par Anya Taylor-Joy. Ralph Fiennes livre une interprétation trouble et inquiétante dans la peau du premier, cuisinier de la haute société qui semble regretter un peu trop l'époque où il était l'employé du mois d'un fast-food grâce à ses burgers succulents (mais peut-être un peu trop basiques).

Le Menu
Le Menu ©20th Century Studios

Héroïne dont l'instinct de survie s'impose naturellement au fil du film, Margot garde la même distance que le spectateur vis-à-vis du plan en train de se dérouler. Comme le public, elle perçoit l'absurdité des situations là où les autres estiment qu'il s'agit d'une simple prestation. Elle s'oppose ainsi à son partenaire Tyler joué par Nicholas Hoult, admirateur docile et cynique prêt à tout pour se faire remarquer par Slowik.

Elle s'empare de la dernière partie du long-métrage avec rage et panache, refusant de participer à l'effondrement général. Si la fin est aussi satisfaisante, c'est en partie grâce au regard désabusé de l'excellente Anya Taylor-Joy, qui refuse la moindre pitié et comprend qu'elle n'a d'autre choix que de céder, en réagissant au mal par le mal. Une issue revancharde loin d'être subtile, mais cohérente avec la volonté du Menu de dénoncer l'individualisme et le gavage des autres convives, faussement regardants sur ce qu'ils mangent, tant qu'ils mangent.

Le Menu de Mark Mylod, en salles le 23 novembre 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Anya Taylor-Joy et Ralph Fiennes se livrent à un affrontement tendu dans "Le Menu". Si cette satire sociale perd en intensité après les principales révélations, elle bénéficie malgré tout d'une conclusion radicale et chaotique.

Note spectateur : 2.75 (8 notes)