Les Trois Mousquetaires : un film pour tous, tous pour D'Artagnan

Les Trois Mousquetaires : un film pour tous, tous pour D'Artagnan

CRITIQUE / AVIS FILM - Avec son casting formidable, l'association idéale entre Martin Bourboulon et les scénaristes Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, "Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan" s'impose comme un grand film de cape et d'épée, une aventure épique, jouissive et respectueuse de l'oeuvre originale.

"Les Trois Mousquetaires" frappent un grand coup

Rafraîchissons-nous la mémoire, et gardons en tête que la "reconquête" du cinéma que Pathé a canonnée il y a peu a très mal commencé. Une annonce ratée par une couverture très maladroite du Film français, suivie de la catastrophe Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu. Mais l’acte 2 de cette reconquête que constitue Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan peut lui se résumer d’une simple formule, et passez-nous l’expression : putain que c’est bon !

Porthos (Pio Marmaï) - Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan
Porthos (Pio Marmaï) - Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan

Ou plutôt, pour rendre hommage à la langue d'Alexandre Dumas : "Sacrebleu, quelle fête !" Ou encore : "Que Dieu et notre Roi en soient témoins, nous tenons là une grande, épique, et réjouissante aventure". Parce que oui, devant cette nouvelle adaptation cinématographique signée Martin Bourboulon d’une des œuvres romanesques les plus appréciées et célébrées de l'histoire, à la popularité mondiale, on assiste à un alignement de planètes quasi parfait.

Un casting royal

Pour incarner les formidables mousquetaires de l'illustre écrivain et leurs ennemis sournois, il fallait un casting. Et ceux qui le constituent s’imposent avec un naturel désarmant. Pio Marmaï pour l’hédoniste et vaniteux Porthos, Romain Duris en nonchalant et spirituel Aramis, Vincent Cassel comme tragique et mélancolique Athos, et l’autre, le fameux, le quatrième, le charmant et arrogant D’Artagnan incarné par François Civil.

D'Artagnan (François Civil) - Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan
D'Artagnan (François Civil) - Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan ©Pathé

Ils ont leurs alliés, principalement l’intelligente et discrète lingère Constance Bonacieux, impeccable Lyna Khoudri. Ils ont surtout leurs ennemis, la machiavélique et létale Milady, que dote Eva Green du venin qu’elle seule sait infuser à l'image. Il y a le retors et intrigant cardinal Richelieu (Éric Ruf), et le roi, parfait Louis Garrel.

Toutes ces incarnations sont justes, appliquées, et surtout amusées. En effet, on ressent un plaisir partagé à raconter ces histoires, à rire de la comédie de leurs personnages, à s’effrayer et s’exciter durant les combats d’épées. Après une introduction bagarreuse de D’Artagnan, on arrive rapidement à la planification de ses duels avec les trois Mousquetaires, et l’exposition de ces personnages se fait en plans longs, concentrés sur des dialogues parfaitement déclamés pour comprendre qui est qui et qui a quels enjeux. La séquence est brillante, et François Civil y ouvre sa magistrale veine comique avec une aisance jubilatoire.

Épique et drôle

L’histoire de D’Artagnan est celle d’une amitié forgée dans des combats et un optimisme chevaleresque touchant. Ainsi, à la naïveté et la volonté puissantes de D’Artagnan, assurées par le terrassant sourire de Civil, répondent des actes de bravoure et des coups d’épées réjouissants.

Martin Bourboulon réussit là ce qu’il avait fait de bien dans Eiffel : rendre compte de la construction, du dynamisme, de l'action. Dans une reconstitution idéale de la France du 17e siècle, cependant parfois trop peinte d'une couleur marron plus neutre que vraiment réaliste, les quatre mousquetaires s’éclatent dans leur escrime. Pour eux, le réalisateur se plie avec réussite mais sans vraiment d’originalité à quelques plans-séquences d’action appliqués.

Au risque que certains passages finissent en mêlée brouillonne où on ne sait plus bien qui sabre qui ? Oui, mais c'est un détail qui n’est pas rédhibitoire, parce que l’application du réalisateur et celle de son casting permettent de ne jamais perdre la clarté et la joie constante du récit.

Généreux et dramatique

Ambitieux, les Trois mousquetaires : D’Artagnan est aussi très généreux. Il y a un courant léger et drôle, jailli depuis le D’Artagnan de François Civil. Mais il y a aussi un cours grave et dramatique, dont la source est l’arc narratif d’Athos, couplé à l’affaire des ferrets de la reine, ces fameux colliers de diamants qui mettent en danger le couple royal, formé par Louis XIII et Anne d’Autriche (Vicky Krieps).

Louis XIII (Louis Garrel) - Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan
Louis XIII (Louis Garrel) - Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan ©Pathé

Si l’histoire d’Athos est touchante, celle de la sauvegarde de la reine est moins aboutie, tout en étant largement honorable. Dans ce film aussi drôle qu’entraînant, le comique, l’épique et le dramatique se disputent ainsi la tête d’une course au plaisir. Tous ne peuvent pas finir vainqueur mais, à la différence d’Eiffel où le grand récit historique de l’érection de la Tour Eiffel et l’histoire d’amour de Gustave et Adrienne ne s’accordaient jamais, ici le mélange des genres fonctionne, gardant un haut niveau de pureté pour chaque ingrédient.

Milady de Winter (Eva Green) - Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan
Milady de Winter (Eva Green) - Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan ©Pathé

Enivrés par cette aventure joyeuse dont l’action se déroule sur des compositions épiques de Guillaume Roussel, proches de celles d’Hans Zimmer, on succombe systématiquement aux apparitions de Milady, toutes fatales. Eva Green en livre une interprétation idéale, qui rappelle s’il le fallait encore qu'elle est imbattable au jeu du portrait de la femme fatale. Venimeuse, sa Milady de Winter a les sifflements séduisants entendus chez Vesper Green et Ava Lord...

Une introduction parfaite avant sa prise de pouvoir sur le récit dans le prochain volet Les Trois Mousquetaires : Milady.

Alexandre de La Patellière et Mathieu Delaporte en démonstration

Sur sa presque courte durée de 2h, Les Trois Mousquetaires ne peut évidemment pas tout raconter, et puisque ce premier chapitre s’appelle D’Artagnan, certains personnages relèvent mécaniquement de la figuration avancée, comme Richelieu ou le capitaine de Tréville (Marc Barbé), plus central dans le roman. De la même manière, on peut ainsi regretter de ne pas voir un peu plus de Porthos et d’Aramis, tous les deux idéalement campés, mention spéciale au mousquetaire de Romain Duris qui n’a pas grand-chose à envier au Jack Sparrow de Johnny Depp.

Aramis (Romain Duris) - Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan
Aramis (Romain Duris) - Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan ©Pathé

Du plaisir, donc. De l’excitation et l’envie d’en voir plus, aussi. De l’admiration enfin, celle pour l'adaptation experte des scénaristes Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, qui ont coupé ici tel passage du roman, fusionné là deux autres, survolé tel point et insisté sur celui-ci, pour synthétiser le geste chevaleresque et entraînant de Dumas dans tout ce qu’il peut avoir de grandement cinématographique. Les libertés prises sont ainsi réfléchies, respectueuses, et surtout très efficaces.

On note aussi qu'à l'écriture comme à la réalisation, la gestion prudente de l'originalité et la prise de risques finalement limitée n'apportent pas de fadeur, mais au contraire séduisent par leur intention de faire un grand film d'aventure familial, qui sait fédérer les âges et les différentes sensibilités.

Longue vie au Alexandre Dumas Cinematic Universe

Allez, poussons un regret pour la forme. Celui de constater un ensemble parfois programmatique, avec une grande maîtrise qui ne s’autorise pas plus de bravoure de mise en scène, alors qu’il le pourrait. Mais trop pousser ce regret serait capricieux. En effet, bientôt viendra le second volet Les Trois Mousquetaires : Milady, puis en 2024 Le Comte de Monte-Cristo. Et ce que Martin Bourboulon vient de réaliser, en bien meilleur, a quelque chose de l’Iron Man de 2008.

En effet, qui, dans la fiction francophone, sont les super-héros, sinon ces trois mousquetaires ? Qui, dans l’imaginaire collectif, possède un tel pouvoir de fiction et de divertissement ? Si la narration comme la mise en scène peuvent paraître suivre, disciplinées, un "programme", celui-ci est objectivement très bien établi et conduit.

Ce n'était pas rien de déclarer, comme le producteur Dimitri Rassam l'a fait, que le projet Les Trois Mousquetaires serait une réponse aux grandes franchises hollywoodiennes. Ses équipes et collaborateurs l'ont pris au mot et l'ont fait. On regarde ainsi  D'Artagnan avec un pur plaisir, baladés sans à-coups d'une sensation à l'autre, impatients d'en voir plus. Et avec même une petite pointe de fierté au coeur. Qu'ils sont beaux ces héros !

Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan de Martin Bourboulon, en salles le 5 avril 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan" est ambitieux, généreux, épique, drôle et dramatique. Porté par un casting idéal, au plaisir de jouer communicatif, le film de Martin Bourboulon est le rappel que le cinéma français sait faire du très grand spectacle, intelligent, bien écrit, réjouissant et profondément divertissant.

Note spectateur : 3.64 (11 notes)