L’Heure de la sortie : quand la vérité sort de la bouche des enfants

L’Heure de la sortie : quand la vérité sort de la bouche des enfants

CRITIQUE FILM - "L’Heure de la sortie" signe le retour de Sébastien Marnier. Après un premier essai de qualité avec "Irréprochable", dans lequel il posait un regard acerbe sur l’univers aliénant du marché du travail, le cinéaste s’attaque à un autre mal de notre société dont nous préserverons ici le mystère. Sombre et surprenant, ce second film éprouve le spectateur et tire la sonnette d’alarme.

L’Heure de la sortie, c’est l’histoire de Pierre Hoffman, un professeur suppléant qui intègre le prestigieux collège de Saint-Joseph où des élèves un peu particuliers l’attendent. Les 3ème 1, classe pilote d’enfants surdoués dont le professeur s’est récemment défenestré, semblent dissimuler de sombres secrets. Intrigué par le comportement de ces adolescents aux yeux vitreux, Pierre mène l’enquête au risque de s’y brûler les ailes.

Allo la terre ? Ici la lune.

Mais qu’est-ce qui rend ces enfants aussi étranges ? Voilà la question qui motive l’enquête de Pierre Hoffman, lequel, dans sa posture de professeur, est aux premières loges pour observer les troubles d’une jeunesse pourtant pas si éloignée de la sienne. Peut-on mettre l’excentricité de ces jeunes sous le compte du suicide de leur professeur ou à l’inverse, doit-on mettre ce suicide sous le compte de leur étrangeté ? Une interrogation qui ne semble pas freiner Pierre qui va jusqu’à suivre ses élèves après les cours dans l’espoir de récolter un peu plus d’informations sur eux. Mais bien vite, ce qui n’était qu’une simple histoire de curiosité se transforme en vilain défaut. Les questionnements virent à l’obsession et Pierre s’enlise peu à peu dans un engrenage dont les solutions lui échappent.

Critique L’Heure de la sortie : quand la vérité sort de la bouche des enfants

Pourquoi est-il le seul à cerner ce trouble ? Personne ne semble déceler la violence sourde qui habite ces élèves et qui déborde après les cours. Le spectateur adopte le point de vue de ce professeur, incarné par un Laurent Laffite dépassé dont les inquiétudes mutent peu à peu en paranoïa. C’est avec ses yeux perplexes que nous relevons un à un les comportements déviants et autres rituels violents auxquels ces jeunes se livrent à l’heure de la sortie des classes.

Non, tout n’est pas normal, même si c’est ce que les autres professeurs s’acharnent à faire croire. Il ne s’agit pas non plus seulement de jeunes qui testent leurs limites, contrairement à ce que rabâche le meilleur ami de Pierre. Le mal-être est définitivement plus profond, et le public le comprend en même temps que le protagoniste. La tension s’étire et l’atmosphère anxiogène se voit soulignée par la B.O apocalyptique de Zombie Zombie. Ce n’est pas par hasard que ce professeur suppléant rédige sa thèse sur Kafka. Plus le récit avance, plus la mise en scène s’apparente à une fable kafkaïenne. Cafards, cauchemars, le réalisateur que l’on connaît d’abord comme romancier, distille ça-et-là quelques clins d’œil.

Critique L’Heure de la sortie : quand la vérité sort de la bouche des enfants

Le cri d’une jeunesse désenchantée

La force de L’Heure de la sortie, qui pourrait s’apparenter au cinéma de genre, est sûrement son audace. Le message politique est fort, et il passe par la bouche d’une jeunesse désenchantée. Ces adolescents qui ont tous l’air insensibles et anesthésiés sont finalement tout sauf indifférents au monde qui les entoure. Derrière leurs visages figés, se cache une profonde désillusion que la plupart des gens semblent incapables de percevoir. « C'est trop tard, y'a pas d'avenir. Vous ne voulez pas voir la vérité en face », se désole l’une des élèves, devant l’acharnement vain de son professeur. Ces adolescents qui passent pour inconscients et qui semblent avoir perdu toute notion du danger sont, a contrario, terriblement lucides.

Pour ces surdoués qui portent un regard éclairé sur le monde, l’innocence n’est plus possible. Rongés par leur trop-plein d’intelligence, ils transforment les enfants en adultes et les adultes en enfants. Le choc générationnel découpe le monde en deux : ceux qui voient la catastrophe arriver (les jeunes), et ceux qui ne la voient pas, ou la nient (les plus vieux). Le final aurait mérité une plus grande subtilité, même si l’on doute que la subtilité soit le biais par lequel Sébastien Marnier souhaite asséner son dernier message. Après tout, le thème nous invite justement à ne plus tourner autour du pot, mais à agir.

 

L'Heure de la sortie de Sébastien Marnier, en salle le 9 janvier 2018. Ci-dessus, la bande annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"L’Heure de la sortie" interpelle et dérange. Jonglant avec les codes du cinéma d’horreur et du fantastique, il s’impose comme un film d’auteur aux inspirations hybrides. Son caractère atypique, engagé et cru fait du bien, mais c’est là où il réussit qu’il échoue parfois en rendant son avertissement un peu trop explicite.

Note spectateur : 5 (1 notes)