Lucky day : le retour gagnant de Roger Avary

Lucky day : le retour gagnant de Roger Avary

CRITIQUE / AVIS FILM - Énervé, intense, violent et souvent drôle, "Lucky Day" de Roger Avary s'inscrit sagement dans la lignée de son film "Killing Zoe" sorti en 1993. Il y a ainsi un coffre-fort à ouvrir, un héros roux, un psychopathe, une femme en danger et une journée à sauver. Un traitement classique de série B, mais bien interprété et servi par une mise en scène soignée.

Lucky Day est un film qui se déroule sur une grosse journée et sa nuit, de la sortie de prison du héros le matin à une soirée dont seuls les "bons" sortiront indemnes, et à un matin plus chantant. Ce choix de rythme colle à la durée relativement courte du film, 1h39, et à l'énergie que le film véhicule sans s'essouffler. On n'avait plus vraiment entendu parler de Roger Avary depuis son très réussi Les Lois de l'attraction, et il se rappelle aujourd'hui au bon souvenir des adeptes d'un cinéma-plaisir décomplexé, noir et violent à souhait.

Lucky Day est un pur Avary, une action violente à l'humour noir

Red sort de prison, décidé à faire profil bas, retrouver sa femme et sa fille, et aussi récupérer les gains de son dernier coup, des bons au porteur d'une valeur de plus d'un demi-million de dollars, conservé par son ami et partenaire Leroy. Tout est en place pour que la journée soit belle. Mais un terrible ennemi, Luc Chaltiel, tueur psychopathe qui se prend pour un français, est à ses trousses pour venger la mort de son frère. Particulièrement violent, il sème sur son chemin le chaos et la mort avec cruauté.

Si la configuration diffère, et que du temps est passé depuis Killing Zoe, on retrouve plusieurs éléments qui avaient fait le succès du film et du réalisateur, par ailleurs connu pour sa collaboration très proche avec Quentin Tarantino au début des années 90. Un style percutant, violent, une mise en scène nerveuse et une carte blanche laissée aux acteurs, dépositaires de l'humour et de l'aspect ludique du film.

Ainsi, à la folie de Luc Chaltiel (Crispin Glover) correspond celle d'Éric (Jean-Hugues Anglade) dans Killing Zoe. Comme Zed dans le film de 1993 (Eric Stoltz), Red (Luke Bracey) dans Lucky Day est roux et est un spécialiste des coffres-forts. Et il y a une femme prise dans le feu croisé, ici Nina Dobrev et auparavant Julie Delpy qui était la Zoe en question. Comme son ancien comparse Quentin Tarantino, Roger Avary a des thèmes fétiches, un goût démesuré pour le cinéma de genre et le plaisir enfantin de l'explorer. Si le cinéma d'Avary est plus sec et moins percutant que celui du réalisateur de Inglourious Basterds, il n'en est pas moins extrêmement proche, avec la présence sensible et permanente d'un grand plaisir cinéphile.

Lucky Day se distingue par de bons dialogues et sa french touch

Tout ce qui est entrepris dans le film est mené à terme, avec la manière. Provocateur et décalé, marque de fabrique du réalisateur de 54 ans, Lucky Day se lâche dans une scène très réussie de fusillade lors du vernissage de l'exposition de Chloe (Nina Dobrev). Sur le thème musical de L'Arnaque, une critique du monde de l'art est développée, flinguant avec délectation les financiers, les snobs, et les galeristes malsains. C'est très bien fait, jouissif, avec une bonne dose de violence, mais qui ne s'alanguit pas sur elle-même. Sans être à ce point de tension, le montage rythmé de Lucky Day peut renvoyer à des films comme Crank (Hyper Tension) mais avec une précision supérieure. Bien produit, plus précis qu'un divertissement moyen, Lucky Day remplit sa mission. Mais en choisissant de ne pas marquer de distance sur le genre de l'exercice, le film apparaît comme daté, déconnecté, sans aucune modernité.  

Mention spéciale dans la distribution à Clifton Collins Jr, second rôle très précieux d'Hollywood, dans le rôle d'un agent de probation vulgaire et collectionneur d'art avisé, et à Crispin Glover, méchant qu'on pourrait croire tout droit sorti d'un comic book noir et halluciné. Une des toutes premières scènes est particulièrement réussie, alors qu'il croise la route de Tomer Sisley en trafiquant d'armes et de Mark Dacascos. Cette séquence, comme quelques autres, offre des dialogues drôles, percutants, et les personnages en sont d'autant plus réussis, ne feraient-ils qu'une courte apparition.

Tomer Sisley, parfaite transition pour remarquer tout le contenu français du film, puisqu'on retrouve aussi Nadia Farès, la musique de Charles Aznavour, et un background des personnages principaux en France. Dans la mesure où c'est une production franco-canadienne, si c'était une obligation, l'attrait de Roger Avary pour ce pays n'en est pas moins réel, et cela donne à ce film typique de la culture américaine de la série B, une saveur intéressante.

Lucky Day, de Roger Avary. Sortie en salles le 18 septembre. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Avec Lucky Day, Roger Avary fait un retour réussi mais sans véritable éclat, un regret au regard de ses précédentes réussites (Killing Zoe, Les Lois de l'attraction). Original sans être singulier, le film propose un bon moment mais on pouvait en attendre un peu plus.

Note spectateur : Sois le premier