Meltem : il ne faut jamais oublier d'où l'on vient

Meltem : il ne faut jamais oublier d'où l'on vient

CRITIQUE FILM – "Meltem" est un film lumineux et délicat qui réussit à aborder des thématiques graves en filigrane des histoires familiales des héros.

Meltem fait penser à un kaléidoscope, ce petit tube au travers duquel on regarde et dont le jeu de miroirs réfléchit et renvoie à d'infinies combinaisons de motifs symétriques. Car l’histoire narrée par le réalisateur Basile Doganis, dont c’est le premier long métrage, est aussi l’air de rien, le prétexte à de graves sujets mis en abyme. Ainsi la mort, le deuil, le poids des origines et des transmissions familiales, l’identité mais aussi la symbolique du prénom. Meltem est ainsi le deuxième prénom d’Elena (Daphné Patakia), qui revient dans l’île grecque de Lesbos un an après la mort de sa mère. Ce prénom, qui signifie aussi bien le nom d‘un vent en grec que celui d’une brise marine en arabe, est plutôt bien porté par cette jeune femme de caractère, tantôt colérique, tantôt boudeuse.

Elle a décidé de vendre sa maison de famille et peu lui importe que son beau-père Manos (Akis Sakellariou), qu’elle n’apprécie pas plus que cela, y vive encore et soit obligé d’en partir. Elle a pour projet de monter un food truck avec deux de ses amis de son école hôtelière, qui l’accompagnent sur l’île. Nassim (Rabah Naït Oufella) et Sekou (Lamine Cissokho) sont deux jeunes de banlieue et leur duo qui se charrie sans cesse allège judicieusement le ton du film grâce à de petits moments de rigolade.

Petit à petit, la douceur et la lumière qui règnent sur l’île la replongent dans ses souvenirs d’enfance et l’incitent à laisser infuser en elle la tristesse liée au deuil de sa mère. Cette reconnexion à ses émotions de petite fille et à ses racines a pour effet de déplacer son regard, jusqu’alors autocentré sur sa propre vie, et à s’ouvrir aux autres. Ainsi s'intéresse-t-elle au travail de Manos, biologiste qui, depuis la crise financière en Grèce, aide la police scientifique à mettre en place une base de données de l’ADN des migrants noyés, afin de pouvoir permettre aux familles de faire leur deuil. Et c’est l’effet miroir le plus puissant du film : la présence en filigrane de ces migrants à Lesbos, en cette année 2015, et de la mort pour nombre d'entre eux. Où l’on apprend que même si la police interdit aux habitants de les aider pour ne pas être considérés comme des passeurs, leurs origines ont fait de cette île une terre d’accueil sans pareille.

"Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regardes d’où tu viens"

Puis le trio fait la connaissance de Elyas (Karam Al Kafri), jeune syrien qui veut partir à tout prix pour retrouver sa mère. Si les péripéties des jeunes gens pour aider Elyas sont assez peu crédibles, elles ont toutefois le mérite de plonger le spectateur dans une violente réalité. Car elles donnent aussi à voir l'éveil d'une conscience politique par la force des événements. Ils se retrouvent pendant un temps de l’autre côté du miroir, à savoir dans la peau des migrants, en situation illégale. Et Meltem fait très bien partager au spectateur la honte éprouvée à devoir subir un interrogatoire en raison de son faciès ou à prouver son identité. Chacun des trois personnages, que le réalisateur et sa co-scénariste Fadette Drouard ont parfaitement su rendre attachants, va ainsi se transformer et devenir adulte pendant ces vacances grecques.  Meltem procure donc au spectateur de fortes émotions et lui offre une réflexion puissante sur l’identité et l'exil.

 

Meltem de Basile Doganis, en salles le 13 mars 2019.Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

Grâce à des personnages attachants, "Meltem" procure de fortes émotions et offre une réflexion puissante sur l’identité et l’exil.

Note spectateur : Sois le premier