Nostalgia : Pierfrancesco Favino dans les vestiges criminels de Naples

Un grand film

Nostalgia : Pierfrancesco Favino dans les vestiges criminels de Naples

CRITIQUE / AVIS FILM - Avec "Nostalgia" Mario Martone propose une œuvre sombre où Pierfrancesco Favino tente de renouer avec ses racines et apaiser sa conscience dans une ville de Naples frappée par la criminalité.

Un film noir signé Mario Martone

Il ne faut pas plus d'une dizaine de minutes à Mario Martone pour nous tirer de premières larmes devant Nostalgia. Felice, de retour à Naples après un exil de 40 ans, frappe à la porte de sa mère. Mais à sa place, une autre famille répond. Sa mère est désormais au rez-de-chaussée, dans un logement miteux de 30m2 qui abritait autrefois une famille de neuf Africains entassés les uns sur les autres. Felice redescend en vitesse les escaliers pour finalement retrouver cette vieille femme d'une douceur émouvante.

Durant les jours qui suivent, Felice s'occupe d'elle, lui donne le bain dans une séquence bouleversante entre honte et pudeur, et lui redonne un lieu décent pour vivre ses derniers jours. On pensait alors que Nostalgia en resterait à cette relation touchante entre une mère et son fils. Mais Mario Martone fait le choix de s'enfoncer dans la noirceur la plus totale.

Nostalgia
Nostalgia ©ARP Sélection

En parallèle, Felice déambule dans Naples pour retrouver ses souvenirs de jeunesse. Une époque d'insouciance où avec son ami Oreste il roulait à toute allure à moto. Une vie de petits voyous en apparence inoffensifs, qui finira par dégénérer. Nostalgia nous balade ainsi entre le passé et le présent et rapidement la nostalgie fait place à l'inquiétude devant cette violence napolitaine qui laissera Felice tétanisé.

Véritable étranger dans son propre pays, il lui est vivement demandé de repartir. Car le secret qu'il le lie à Oreste fait désordre. Mais Felice préfère rester, pour s'expliquer enfin avec son ancien ami, devenu désormais le chef redouté d'un clan.

La tristesse ambiante de Nostalgia

Pour l'aider, un autre chef d'un autre clan : le prêtre Luigi. C'est tel un parrain de la mafia que nous est présenté ce Don Luigi, qui considère Oreste comme son pire ennemi. Lui aussi dirige, ordonne et est respecté par tout un quartier. Mais même si ses intentions sont nobles, lui aussi a du pouvoir et est capable de manipulation. Entre quelques rares moments d'apaisement (cette scène de danse avec Felice au milieu des jeunes de la paroisse), Mario Martone pose ainsi un regard extrêmement pessimiste sur son pays (ou du moins Naples), où même la figure religieuse peut être égratignée - elle est évidemment obligée de s'adapter car livrée à elle-même à défaut de pouvoir compter sur la police.

Nostalgia ©ARP Sélection
Nostalgia ©ARP Sélection

Nostalgia pointe les ravages de la Camorra mais sans jamais la fantasmer. Par sa mise en scène, Mario Martone dépeint les lieux avec réalisme et une précision inquiétante. Mais si sa tragédie fonctionne si merveilleusement, c'est parce que, au fond, le cinéaste rejoue là le mythe d'Abel et Caïn. Alors que l'un a fui et réussi à l'étranger (Felice revient marié et avec une bonne situation), l'autre n'est que le leader d'une bande obsolète à la tête d'un quartier misérable. Et alors que l'un cherche à revenir sur sa terre natale pour renouer avec ses racines, tout en faisant la paix avec sa conscience, l'autre est destiné à rester dans sa condition. Conscient de cela, la froideur d'Oreste cache alors à peine son caractère envieux, sa colère et sa haine.

Si Tommaso Ragno reste volontairement sobre pour incarner Oreste, son agressivité reste palpable. De son côté, Pierfrancesco Favino propose avec Felice une de ses plus grandes interprétations. Le comédien bouleverse en dévoilant une fragilité trop peu utilisée. Déjà extrêmement profond dans Le Traître (2019) de Marco Bellocchio, il atteint ici encore l'excellence. Une grande prestation pour un grand film terrassant, entre Mean Street (1976) et Le Parrain (1972).

Nostalgia de Mario Martone, en salles le 4 janvier 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces. Le film était présenté au Festival de Cannes 2022 en compétition officielle.

Conclusion

Note de la rédaction

Pierfrancesco Favino offre une fragilité sublime dans "Nostalgia", film sobre et sombre qui dépeint avec un réalisme angoissant la violence des quartiers de Naples. Un film sur la dualité entre deux anciens amis aux destins opposés qui évoque tantôt "Mean Streets", tantôt "Le Parrain".

Note spectateur : 4 (2 notes)