Nous finirons ensemble : les années passées leur vont bien

Nous finirons ensemble : les années passées leur vont bien

CRITIQUE / AVIS FILM - On prend les mêmes et on recommence ? Pas exactement. Neuf ans après "Les Petits mouchoirs", Guillaume Canet réunit dans "Nous finirons ensemble" sa fidèle bande, pour une comédie dramatique plus adulte et plus audacieuse que le film de 2010.

Un film de Guillaume Canet, c’est toujours un petit événement. Acteur, réalisateur, compagnon de Marion Cotillard, sa filmographie est autant appréciée que détestée. Depuis le coup d’éclat Ne le dis à personne, l'attente est au mieux dubitative, au pire constituée d'un mauvais pressentiment. Guillaume Canet, pour ce qu'il est lui-même, et pour la famille de cinéma dont il est le leader, a un poids dans le cinéma français, même si celui-ci reste entièrement à déterminer.

Les Petits Mouchoirs furent un succès populaire, mais un succès éreinté par la critique. Film choral mais déséquilibré, ambitieux mais incohérent, lorgnant sans gêne du côté de Claude Sautet... Il est de bon ton depuis de détester avec entrain cette histoire de potes plutôt aisés et cabots. Le Cap Ferret, le Baron, des stars du cinéma français qui sont surtout les proches du réalisateur… Guillaume Canet semble avoir entendu ces critiques, lui qui, sans changer la matrice de sa comédie ou renier ses personnages, réalise avec Nous finirons ensemble une suite tout aussi drôle, mais surtout plus mûre.

Nous finirons ensemble est une suite plus audacieuse

Cette fois-ci, pas de mélodrame bancal, et beaucoup moins de naïveté. Après leurs vacances compliquées et l’enterrement de Ludo, on comprend rapidement que le groupe s’est fissuré, et chacun a évolué au gré de sa trajectoire. Le drame qui va les réunir, encore, est, à la différence des petits mouchoirs, plus simple et plus complexe : Max traverse une lourde crise personnelle et professionnelle, et il est prêt à tout pour le dissimuler.

Cet argument est plus important qu’il n’y paraît. En effet, il était difficile de faire rire et pleurer sur le sujet de l’accident et de la mort de Ludo. Le traitement léger et parfois mièvre de ce sujet a largement pesé sur la qualité globale des Petits Mouchoirs : à l'écran, certaines séquences pouvaient se révéler gênantes, et participer au pas si joyeux aspect bordélique du film. Surtout, la relation à la mort plaçait le spectateur dans un fauteuil d'otage émotionnel, comme obligé de rire ou de pleurer pour respecter l'intention du scénario. Arrivés à l'improviste pour les soixante ans de Max, la bande n'est plus la bienvenue. Ce premier décalage, assez violent, marque tout de suite une profondeur palpable.

Des comédiens tout en maîtrise

Dans Nous finirons ensemble, les enjeux plus pragmatiques ramènent la comédie sur un terrain plus propice aux excellents acteurs qui forment la bande : Benoît Magimel, Laurent Lafitte, François Cluzet, Marion Cotillard, etc. Tous ont évolué, pas tous autant, mais tous ont fait avancer leur personnage de manière satisfaisante. Comme il le confirme de film en film, Laurent Lafitte est un comédien brillant, un corps de cinéma, un acteur plastique, et il joue ce registre avec une gourmandise contagieuse. Il est sans doute le plus drôle, et lui reviennent les meilleures lignes du film.

Pour ce qui a radicalement changé, Eric (Gilles Lelouche) est devenu un acteur populaire et enchaîne les succès. Riche, apaisé, toujours amoureux de Marie, il a remplacé Max dans le rôle du pote successfull et généreux. François Cluzet réussit bien, encore, ce rôle de tout jeune sexagénaire en crise et à fleur de peau. Il propose une large gamme de sentiments, passant par la honte, la gratitude, les pleurs, le rire.

A noter tout particulièrement, la présence cruelle et drôle de Jose Garcia, peut-être superflue mais pas désagréable. Il est, avec Valérie Bonneton dont le rôle est très secondaire, concerné par l'enjeu de la vente de la fameuse maison où ils se réunissaient tous les étés. Cet enjeu est assez faible, et ne dit rien d'autre que la vie est passée, avec, le droit de s'en moquer un peu. Certaines séquences ne sont ainsi pas loin d'être des parodies de ce qui, dans Les Petits Mouchoirs, avait pu déplaire.

Du film de potes au film de génération

On ne peut échapper au temps passé, et on regarde évidemment comment ces gens ont évolué, et quelles différences se sont faites. Les Petits Mouchoirs ont laissé un goût essentiellement amer, celui d'un film de potes, assumant les clins d’œil à leur proximité à la ville, une bourgeoisie niaise, blanche, un peu sexiste, un schéma Paris - Cap Ferret qui n'inspire pas beaucoup de sympathie.

Si le cadre n'a pas changé, eux ont changé, et consciemment ou pas, Nous finirons ensemble porte un regard plus profond sur ses personnages, et sur la société que ces personnages dessinent. Il y a ainsi, dans cette suite, quelques règlements de comptes plutôt sains. Marie, toujours vaguement punk, n'assume pas son rôle de mère et voit son nihilisme durement contrarié par le cancer de la compagne de Max. Une séquence où à la gravité succède l'hilarité, de manière convaincante. Vincent s'est séparé d'Isabelle pour s'installer avec un homme. Il ne vit pas son homosexualité si sereinement, dans une sorte de logique inversée à sa révélation de 2010. Il y a ainsi une réelle maturité dans Nous finirons ensemble, et une intelligence dans le traitement des personnalités et des thématiques (la parentalité, la maladie, la sexualité), ce qui manquait cruellement aux Petits Mouchoirs.

Nous finirons ensemble, de Guillaume Canet, en salle le 1er mai 2019. Ci-dessus la bande annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Note de la rédaction

Un peu plus court, bien mieux maîtrisé, Guillaume Canet réussit une suite convaincante à ses "Petits Mouchoirs". Presque dix ans après, tous ont mûri, acteurs et personnages, et s'il n'y a pas vraiment plus de sens, il y a néanmoins du soin apporté à ce que cette comédie choisit d'aborder.

Note spectateur : 2.16 (4 notes)