Once Upon a Time... In Hollywood : à la recherche du temps perdu

Once Upon a Time... In Hollywood : à la recherche du temps perdu

CRITIQUE / AVIS FILM - Quentin Tarantino était attendu avec son casting démentiel composé notamment de Leonardo DiCaprio, Brad Pitt, Margot Robbie, Al Pacino, Timothy Olyphant, Bruce Dern ou encore Dakota Fanning. "Once Upon a Time... In Hollywood" est-il à la hauteur ? Réponse.

Once Upon a Time… In Hollywood demandera du temps au spectateur. D’abord pour le visionner, avec sa durée d'environ 2H40 (elle pourrait augmenter après un retour en montage suite à la projection cannoise) puis, ensuite, pour digérer un objet cinématographique comme on en voit peu sur nos écrans. En amont de sa présentation au 72ème Festival de Cannes, le délégué général, Thierry Frémaux avait prévenu : ce film est particulier. Pas uniquement car il est signé du maître Quentin Tarantino, dont nous connaissons la teneur de son travail, mais parce que la narration est tellement ténue, que l'on s'extrait de ce qui se fait dans le cinéma traditionnel.

Nous l'avions déjà compris dans la bande-annonce, Once Upon a Time... In Hollywood sera le récit d'une époque et d'une industrie. Plus précisément de l'année 1969. Rick Dalton (Leonardo DiCaprio, génial) ne mène pas tout à fait la carrière d'acteur qu'il souhaiterait. Proche de devenir has-been et accompagné de Cliff Booth (Brad Pitt, encore plus génial), sa doublure pour les cascades qui lui sert surtout d'ami, ils voient que leur pays est en train de changer, sous leur yeux, sans attendre qu'ils montent à bord du train en marche. Si leur temps n'est peut-être pas totalement terminé, celui d'Hollywood est en passe de l'être. Pour laisser la place au Nouvel Hollywood. Le mouvement hippie explose, la menace Charles Manson grandit dans l'ombre, les américains sont toujours engagés dans la guerre du Viêt Nam. Année riche, cadre d'un film qui l'est tout autant.

Quentin Tarantino, enfant des 60's, réanime cette période qui a forgé sa cinéphile et sa sensibilité. Le réalisateur ne fait pas que rendre hommage à cette culture pop/pulp/bis, il lui donne la place qu'elle mérite et qu'elle n'a jamais eu. On se souvient que dans Inglourious Basterds, il osait reprendre l'Histoire pour en faire ce que l'on sait. Avec Once Upon a Time... In Hollywood, il rectifie quelque part sa propre histoire, filmant l'époque comme un paradis désormais perdu pour le cinéphile qu'il est. Les losers, les petites stars, comme des icônes. Tarantino sort là un film d'exploration. Celle de Rick et Cliff, dans ce Los Angeles et cette industrie en mutation. Celle, forcément, du metteur en scène, qui se balade dans ses souvenirs. Les trois oseront le contre-sens. Un plan, assez anodin, sur la voiture conduite par Cliff qui sort d'un parking en faisant l'inverse de ce que les flèches au sol indiquent, fait état de la position qu'ils prennent dans ce monde. Quentin Tarantino, lui, ira de son côté parfois contre les faits. On ne s'épanchera pas avec précision sur les points les plus importants mais il suffit simplement de voir pour s'en convaincre comment il manipule Bruce Lee, humilié dans une hilarante querelle par Cliff.

La caméra de Tarantino est porteuse d'un important pouvoir, responsable de rénovations. Ses plans transpirent d'un amour infini pour ce qui passe devant sa focale. Ses personnages, ses décors, ses films dans le film. Il ne met pas en scène une reproduction forcément fidèle mais un sentiment, le sien. Ces sensations qu'il a connues. Quand, en passant dans la rue, les devantures de commerces s'illuminaient. Ou quand les familles se réunissaient devant la télévision pour suivre la série du moment. Once Upon a Time... In Hollywood fourmille de détails dans tous les sens, de références. Le résultat est foisonnant, et même si on ne sait pas trop vers quoi tend le scénario, on se laisse porter par le flux. Quentin Tarantino use encore et encore des rallonges dans ses dialogues, ses scènes, faisant monter le suspense jusqu'à un événement ponctuant frappant. La dilatation du rythme, si imposante dans son cinéma, trouve ici une émouvante force, agissant comme un moyen pour le réalisateur de rester immergé le plus possible dans ce temps révolu.

La réalisation est d'autant plus puissante lorsqu'elle donne de la noblesse à un pan de l'industrie considéré comme secondaire. On assiste à une magnifique scène, au milieu du film, où Rick joue dans un western. Tarantino ne filme pas un tournage mais impose sa caméra comme celle du plateau, pour diriger les opérations. Ce qui lui permet de magnifier l'instant, de le modeler, en cadrant selon son instinct ayant assimilé des tonnes de références. Résultat qui n'aurait pas été possible si le point de vue choisi était celui du metteur en scène fictif.

Le titre le laissait suggérer, la formule "Once Upon a Time..." induit que l'on est proche du conte. La part d'imaginaire dans le film est donc en vérité assez normale, même si elle peut parfois ouvrir le débat sur certaines libertés prises. Le dernier acte est en ce sens complètement surprenant, prenant une direction inattendue qui en laissera certains désappointés. Ce croisement permanent entre vérité et invention permet de constituer un hommage vibrant. Quentin Tarantino, plus que jamais gardien d'un temple dépassé, dont il restaure avec une subjectivité touchante les parties dégradées, en leur conférant la grandeur qu'elles méritent.

 

Once Upon a Time... In Hollywood, de Quentin Tarantino. En salle le 14 août 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Exploration entre fantasme et réalité, Once Upon a Time... In Hollywood est un objet de cinéma que l'on ne manquera pas d'étudier encore et encore dans les années à venir pour en capter toute la complexité.

Note spectateur : 2.61 (7 notes)